C’est une situation plutôt rare dans un pays nordique. En Estonie, un scandale mêlant politique, immobilier et gros sous, a conduit Jüri Ratas, le Premier ministre centriste, à démissionner mercredi 13 janvier. Avec lui, c’est tout le gouvernement, et peut-être de fragiles équilibres, qui tombent.
En renonçant à son poste à la tête du gouvernement estonien, Jüri Ratas pensait pouvoir éteindre l’incendie qui menace son mouvement politique, le Parti du centre (EKE). Mais ce faisant, mercredi 13 janvier 2021, le chef de l’exécutif a provoqué une crise plus vaste que celle qu’il pensait pouvoir éteindre. Avec son départ, c’est tout son gouvernement qui est défait, comme la coalition qu’il avait rassemblée depuis avril 2019 avec les conservateurs et l’extrême droite (EKRE).
Dans ce dossier, EKE et cinq personnes sont visés par une enquête criminelle pour des faits de corruption. Le Parti du centre, aux affaires à la mairie de la capitale estonienne et lorsqu’il était au gouvernement, est soupçonné d'avoir donné son feu vert à un projet immobilier à Tallinn en échange d'un don d’environ 1 million d'euros. Mais Jüri Ratas, son patron, par ailleurs ancien maire de Tallinn, se défend de tout écart : "Je n'ai pris aucune décision malveillante ou sciemment mauvaise."
Une crise rare
Le scandale n’en est pas moins retentissant, dans un pays qui se revendique nordique où une affaire qui mélange la politique, l'argent et l'immobilier choque profondément la société. Et la présidente estonienne a déjà décidé de tourner la page du Parti du centre : Kersti Kaljulaid a en effet demandé à patronne du Parti de la réforme, le moteur de l’opposition, Kaja Kallas, de former le prochain gouvernement.
Pour l’EKE, c’est un très mauvais signe, qui peut révéler des fractures profondes. Pour le parti comme pour ceux qu’il représente. Le mouvement, qui existe depuis l'indépendance retrouvée en 1991, a toujours été vainqueur des municipales à Tallinn. Mais depuis ses débuts dans l’Estonie démocratique, sous la houlette du Premier ministre Edgar Savisaar, ce mouvement s’appuie sur l'union des "estophones" et des russophones – et ces derniers sont très nombreux à Tallinn.
La revanche des "estophones"
Or la majorité des partis estophones se méfient du Parti du centre, accusé d'être proche de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine. EKE est souvent accusé de défendre les positions russes, même si le parti prétend s’en défend, revendiquant plutôt une position médiane entre les estophones et les russophones.
Ce qui se joue dans la formation du nouveau gouvernement, c’est peut-être une rare occasion pour les partis estophones de se débarrasser d'un mouvement trop proche de la Russie.