Enfants malades, lavage des masques et deuxième vague : les réponses à vos questions sur le coronavirus
Par Nicolas Martin, Pierre Ropert, Natacha TriouVidéo | Pourquoi l'hôpital Necker alerte-t-il sur la hausse des hospitalisations d'enfants ? Pourquoi faut-il laver son masque à 60°C ? Y-a-t-il un risque de seconde vague ? Qu'est-ce que le traitement Tocilizumab ? Comme chaque mercredi, Nicolas Martin a répondu en direct à vos questions sur le Covid-19.
Ce matin, Nicolas Martin, auteur de la chronique Radiographie du coronavirus, accompagné par l'équipe de La Méthode scientifique, a répondu en live, sur Facebook, aux nombreuses questions scientifiques des auditeurs de France Culture. Un live que vous pouvez retrouvez ici ou bien sur notre page Facebook.
Rendez-vous mercredi 6 mai pour un nouveau live, à 9 h, sur Facebook, avec Nicolas Martin.
Une question qui inquiète beaucoup, c’est celle des cas de maladies graves chez les enfants. Luigi Cherubini demande : "Est-ce vrai que depuis quelques jours à l'hôpital Necker, les entrées d'enfants malades du Covid-19 ayant développé une pathologie ressemblant à la maladie de Kawasaki sont en augmentation ?
Et également Aurore Leclaire : "C'est quoi cette histoire de nouvelle maladie des enfants svp 😱⚠️⚠️⚠️"
Évidemment, cette maladie de Kawasaki est quelque chose de très inquiétant, d’autant plus qu’on entend depuis le début que les enfant sont très peu victimes, qu’ils développent très peu de cas grave, et qu’a priori ils sont épargnés par la maladie… Et voilà cette alerte qui est venue en deux temps. D’abord du Royaume-Uni, de la part des services de santé britannique, dont une publication du lundi 27 avril montre qu’il y a un nombre croissant d’enfants de tous âges qui présentent des états inflammatoires multi-systémiques nécessitant des soins intensifs à Londres et dans d’autres régions du pays.
Et cela a été confirmé hier, mardi 28 avril, par l'hôpital Necker, avec le chef de service de cardiologie congénitale et pédiatrique qui a écrit une lettre à ses collègues et qui dit qu’un nombre croissant d’enfant de tous âges a été hospitalisé dans un contexte d'inflammation multi-systémique.
Il faut dire que ces alertes là, dans l'état actuel des choses, ne vont pas à l'encontre des chiffres épidémiologiques dont on dispose : pour l’heure, compte-tenu de l'ensemble des données dont on dispose sur les personnes admises et les personnes malades, les enfants sont moins touchés par des formes graves et sont moins victimes de la maladie, par rapport au reste de la population. Ça, ça ne change pas. Selon les chiffres de l'enquête et du modèle proposé par l'Institut Pasteur la semaine dernière, la mortalité chez les moins de 20 ans est de 0,0001%.
Après, qu’est ce que c’est que cette maladie de Kawasaki ? C’est une maladie assez étrange que l’on connaît peu, une maladie cardiaque qui implique parfois des artères coronaires, et qui se produit chez les tout-petits - c’est-à-dire les enfants en dessous de 8 ans - avec fièvre, conjonctivite, une inflammation des muqueuses, une adénopathie, c’est-à-dire une inflammation des ganglions lymphatiques… C’est une sorte de réaction immunologique anormale dont on ne sait pas exactement par quoi elle est provoqué. Il y a beaucoup point d’interrogations autours de cette maladie. On a suggéré que c’était possiblement du fait de l’infection de pathogènes, dont les coronavirus. Mais on a aussi parlé de bactéries, de staphylocoques, etc....
Et donc il y a parfois des réactions inflammatoires cardiaques qui se provoquent chez les enfants.
Cette maladie on l'appelle Kawasaki, [parce qu'elle a été découverte par le pédiatre japonais Tomisaku Kawasaki], le taux d'incidence étant plus élevé au Japon que dans le reste du monde. Pour vous donner un chiffre : aux USA, on parle de 3000 à 5 000 cas chaque année. [Son incidence est d'un peu moins de 200 cas pour 100 000 enfants de moins de 5 ans au Japon, contre moins de 5 cas pour 100 000 enfants en Europe, ndlr].
Pour rassurer tout le monde : dans l’immense majorité des cas les enfants sont très peu en péril, ils n’en meurent pas. On parle de cas très isolés, de très très peu de cas. Dans l’état actuel des choses, il n’est pas encore établi totalement que ces cas soit lié au Covid. On n’est ainsi pas sûr à 100% que certain des enfant diagnostiqués étaient positifs au SARS-COV-2.
Il y a donc beaucoup de questions, mais en l'occurrence pas énormément de réponse. Il ne faut cependant pas s'inquiéter : cela ne change pas les données épidémiologiques que l’on connaît. Les enfants touchés ne sont pas condamnés, leur état s'améliore avec des soins. Il faut faire des recherches, et il faut garder à l'esprit qu’on parle de quelques dizaines de cas. Malheureusement, aujourd’hui, on ne peut pas en dire beaucoup plus que ce que je viens de vous expliquer, mais il faut ne pas s'inquiéter de façon démesurée, ce n’est pas une maladie qui va faucher les enfants. Ce sont des cas à la marge, et les enfants restent malgré tout nettement moins touchés que les adultes.
Yvette nous demande : "On dit que le virus reste quelques heures sur les vêtements et qu’il suffit de les mettre quelques heures dans un sac dehors pour qu’ils soient décontaminés. Pourquoi cela n’est-il pas possible avec les masques portés ? Sommes-nous obligés de les laver à 60°C ou pouvons-nous les laisser à l’isolement quelques jours, comme les vêtements, pour les décontaminer ? "
Pourquoi laver les masques à 60°C alors que l’on se lave les mains simplement au savon ? En fait, purement et simplement pour maximiser la sécurité sur l’hygiène de ces masques. La raison pour laquelle le savon est suffisant pour les mains c’est parce que le savon attaque les graisses. Le coronavirus c’est du matériel génétique, donc ARN, qui est encapsulé dans une membrane lipidique, c’est-à-dire une membrane de gras. Le savon permet donc d’attaquer cette membrane lipidique et, en quelque sorte, de casser le virus : c’est pour cela qu’il faut se laver les mains avec du savon. C’est la consigne qui est donnée et il s'agit d'un des gestes barrières les plus importants : bien se laver les mains quand vous rentrez, quand vous avez touché des surfaces, pour éliminer le virus des mains puisque c’est en ayant le virus sur les mains et ensuite en se touchant le visage, les yeux, le nez, la bouche, bref en faisant entrer le virus dans le corps que l’on se contamine. Et c’est aujourd’hui la principale source de contamination au coronavirus. C’est pourquoi il est essentiel de se laver les mains.
Pourquoi est-ce qu’il faudrait, du coup, laver les masques en tissu à 60°C ? Parce que l’on sait qu’une autre façon de détruire le virus [est la température] : il y a des modèles de destruction thermique qui ont permis d’établir que le virus est inactivé par une température aux alentours de 60°C.
On sait que les détergents vont attaquer aussi évidemment le gras… Même si je ne vais pas rentrer dans la chimie des détergents, ce qui serait en dehors de ma zone de connaissances et de compétences. Mais du détergent ajouté à 60°C c’est, si vous voulez, une deuxième couche de protection supplémentaire pour être absolument sûr que le virus va être détruit ou inactivé. Quand vous avez du virus sur les mains, c’est simple, avec le savon vous l’enlevez de la surface de votre peau. Quand il est dans le tissu, il est à l’intérieur du tissu, c’est pour ça que détergent + 60°C, ça assure que, quoiqu’il arrive, toute charge virale qui serait contenue ou imprégnée dans le tissu sera inactivée ou détruite. D’où la nécessité d’avoir ces deux étapes pour être sûr et certain que les masques que vous aurez lavé ne maintiennent pas une charge virale qui pourrait pousser à une contamination.
Il y a pas mal de questions à propos du traitement Tocilizumab qui semble prometteur à un stade avancé de la maladie.
Effectivement il y a pas mal de communications à ce sujet, avec effectivement des résultats pour le moment assez encourageants. De quoi s’agit-il, et qu’est-ce que c’est que ce Tocilizumab? Il y a des codes pour les médicaments. MAB_,_ ça signifie Monoclonal Antibodies, ce qui veut dire Anticorps monoclonaux. Qu’est ce que c’est exactement? Ce sont des anticorps - comme ceux dont on vous parle depuis le début - qui permettent une réponse immunitaire adaptative. Monoclonal : on prend un anticorps et on va le cloner en laboratoire puis on va l’injecter au patient.
Maintenant, qu’est ce que c’est ce Tocilizumab? C’est un médicament qu’on connait assez bien, puisque c’est un anti-inflammatoire utilisé notamment pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, qui a été testé dans deux essais différents : un essai publié sur le site Medarchivx, fait par l'hôpital Foch à Suresnes, et une étude menée en ce moment par l’AP-HP, par les hôpitaux parisiens, qui n’est pas encore publiée.
Ce dont on dispose en ce moment, c’est cette pré-publication et d’un communiqué de presse de l’AP-HP, qui annonce des résultat encourageants. Je vais le redire : prenons beaucoup beaucoup de précautions ! On est à des stades préliminaires, donc à un stade où l’efficacité n’a pas été démontrée. Le communiqué de presse de l’AP-HP concerne une étude non-publiée, en cours de reviewing - c’est-à-dire qu’elle est en train d’être relue par les paires : c’est justement, pour alerter l'attention de la communauté scientifique autour de ces travaux, pour dire qu’il faut peut-être concentrer les efforts de recherche autour de cette molécule, qui peut être potentiellement un traitement efficace.
Que disent ces deux documents en question : le pré-print du 22 avril et le communiqué de l’AP-HP ?
Pour le pré-print : il s’agit d’une étude chez 30 patients, donc très petite cohorte, donc première prudence épistémique. Ils ont tous 85 ans, à plus de 5 jours de la maladie, des cas sévères, tous hospitalisés. Quels sont les résultats ? Comment ça marche? Ces anticorps monoclonaux vont bloquer un facteur pro-inflammatoire qui est l'interleukine 6, qui est impliqué dans la fameuse tempête de cytokines. Dans une première phase, la maladie est une phase virologique, c’est-à-dire que le virus se réplique très fortement dans l’organisme, et autour de 8 jours en moyenne, quand les formes graves se déclarent, d’un seul coup, il y a une inflammation généralisée, qui aboutit aux formes graves et qui produit tous les symptômes que l’on connaît : les détresse respiratoires et les atteintes pulmonaires. C’est le système immunitaire qui réagit trop fort et qui finit par attaquer nos propres cellules. Donc en bloquant ce facteur inflammatoire, le Tocilizumab, empêche, bloque cette réaction inflammatoire démesurée.
Voici les résultats de la première pré-publication : sur ces 30 patients, entre le 21 mars et le 2 avril, on montre qu’il n’y en a “que” 43% qui vont passer en ventilation mécanique, c’est-à-dire qui vont avoir besoin d’une assistance respiratoire. 43 % pour les groupes traités, contre 64% dans le groupe témoin. Il y a un écart d’une vingtaine de %, ce qui est significatif mais qui n’est pas non plus radical : on ne passe pas de 60 % à 5 %. Mais néanmoins, c’est intéressant. Quant à la mortalité, elle passe de 18,7 % pour le groupe témoin à 17, 2% pour le groupe sous Tocilizumab ; ce qui, en l‘occurrence n’est pas un écart significatif. Néanmoins, on estime que cette prévention du passage en ventilation mécanique est suffisamment encourageante pour pousser ces tests. Mais ce n’est que sur 30 patients, donc il faut prendre toute les précautions.
Deuxième jeu de données très parcellaires que nous avons, c’est ce communiqué de presse de l’AP-HP, qui est sorti le 27 avril et qui est titré: “Le Tocilizumab améliore significativement le pronostic des patients avec pneumonie COVID moyenne ou sévère”. Deux molécules ont été testées : le Tocilizumab et un autre anticorps monoclonal, qui s’appelle le Sarilumab. Sur 200 malades au total, il y a 129 patients qui souffraient de pneumonie de sévérité moyenne à grave qui ont été randomisés en deux groupes : un premier groupe de 65 patients avec un traitement habituel (type oxygène/antibiotique/anticoagulant) et un autre groupe de 64 patients traités avec ce fameux Tocilizumab. Cet essai là est encore en cours. Ce que dit l’AP-HP, c’est que à ce stade, ils ont été suivis pendant 14 jours, avec des résultats qualifiés d’”intermédiaire”. Le traitement aurait réduit significativement la proportion de patients ayant dû être transférés en réanimation par rapport à ceux ayant reçu le traitement standard. Mais nous n’avons pas de chiffres, nous n’avons pas d’étude, et rien n’a été publié. Ceci dit l’étude a été randomisée avec un groupe de contrôle, donc on est sur une démarche de publication scientifique solide. Mais on attend pour le moment d’avoir cette publication, et l’étude est en cours de relecture. On a donc des indices intéressants, mais on n’a pas encore de preuves complètes et solides d’une efficacité significative pour étendre le traitement à plus de patients à l’heure actuelle.