Entre "Auctoritate regia" et "ad usus et consuetudines Normannie": la politique de saint Louis envers le clergé régulier normand
Par Maison de la Recherche en Sciences HumainesAprès l'annexion de 1204, le temps de saint Louis fut celui des "solutions" pour la Normandie (Lucien Musset)
Cerisy : Saint Louis en Normandie (28 septembre au 2 octobre 2016)
Cette communication a été donnée dans le cadre du colloque intitulé Saint Louis en Normandie qui s'est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 28 septembre au 2 octobre 2016, sous la direction de Jean-Baptiste AUZEL, Elisabeth LALOU, Christophe MANEUVRIER et Jean-François MOUFFLET, avec la collaboration de François NEVEUX.
À l’occasion de la "réunification" de la Normandie, et dans le cadre d'une saison dédiée à l’histoire normande par les services d'archives de Normandie, ce colloque proposait de mettre en évidence les relations entre saint Louis et la Normandie selon trois axes :
- saint Louis et la Normandie : privilégiant l’histoire politique et administrative, seront traitées les préoccupations récentes de l’historiographie, notamment l’intégration des territoires conquis dans la constellation capétienne et la relation privilégiée du roi avec l’ancien duché ;
- La Normandie sous saint Louis : sera ici évoquée l’évolution de ce qui fut le duché normand sous Louis IX, en privilégiant un large faisceau de thématiques (la population et sa structuration sociale, le monde urbain, l’exploitation de la terre, l’architecture civile et religieuse) ;
- La mémoire normande de saint Louis : s’émancipant du XIIIe siècle, ce dernier ensemble abordera les traces matérielles artistiques et intellectuelles ayant contribué à perpétuer la mémoire de saint Louis en Normandie, des vitraux et sculptures représentant le roi jusqu’aux travaux d’érudition et de recherche constitués par les savants normands au fil des siècles.
Entre "Auctoritate regia" et "ad usus et consuetudines Normannie": la politique de saint Louis envers le clergé régulier normand, par Fabien Paquet
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Agrégé d'histoire, Fabien Paquet est doctorant contractuel à l'Université de Caen Normandie. Sa thèse porte sur le clergé régulier normand entre 1204 et la fin du XVe siècle, notamment dans ses rapports avec les pouvoirs royaux français et anglais.
Lucien Musset écrivait que le temps de saint Louis fut celui des "solutions" pour la Normandie, après l'annexion de 1204. Et il l'oppose à celui de Philippe Auguste, qui aurait été celui d'un "moratoire". Une étude des rapports des deux rois aux abbés de la province nouvelle rattachée au domaine royal montrera que les politiques du grand-père et du petit-fils ne s'opposent pas aussi simplement — en grande partie car Philippe Auguste fit plus qu'imposer un moratoire, il eut une réelle politique appelée à être poursuivie par ses successeurs, notamment en faisant de tous les monastères bénédictins des abbayes royales. Saint Louis traite avec des abbés dans le système français, très largement surveillés par son fidèle Eudes Rigaud, l'archevêque de Rouen, mais pour autant n'en profite pas — ou ne parvient pas à en profiter? — pour avoir une politique plus dominatrice que le fut celle de Philippe Auguste. La continuation est, en fait, à l'œuvre à deux points de vue: d'une part, le maintien des droits et des particularismes des maisons normandes et, d'autre part, le renforcement du pouvoir royal — la formule "auctoritate regia" se rencontre de plus en plus dans les chartes, comme un rappel de la domination capétienne. Ces deux aspects entrent parfois en conflit (comme ce fut le cas pour la Trinité de Fécamp) mais les relations entre saint Louis et les abbés restèrent cordiales, le roi ne manquant pas d'assurer les maisons de sa piété et de son soutien, en particulier lors de ses visites, notamment à Notre-Dame du Bec et à Sainte-Catherine de Rouen.