Espagne : le parti d’extrême droite Vox dans le club des partis populistes européens

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Espagne : le parti d’extrême droite Vox dans le club des partis populistes européens

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Le président du parti d'extrême droite Vox, Santiago Abascal (au micro), entouré notamment à gauche d'Ivan Espinosa de los Monteros (porte-parole au Parlement) le 10 novembre 2019 à Madrid.
Le président du parti d'extrême droite Vox, Santiago Abascal (au micro), entouré notamment à gauche d'Ivan Espinosa de los Monteros (porte-parole au Parlement) le 10 novembre 2019 à Madrid.
© Maxppp - Javier Lizón / EFE

Repères. L’Espagne était l’un des rares pays d’Europe à ne pas avoir d’extrême droite structurée. Mais Vox vient encore de renforcer son assise, devenant la troisième force politique du pays. Né fin 2013, ce parti est notamment anti-immigration, anti-avortement et anti-indépendantisme catalan.

Un "tremblement de terre" qui "change le panorama politique national". Voici comment "El País", le plus grand quotidien généraliste d'Espagne, analysait en décembre 2018 l'arrivée de Vox au Parlement andalou, avec un peu plus de 10% des voix. C’était la première fois que ce jeune parti souverainiste, eurosceptique et ultra patriote intégrait une institution significative dans le pays, la première fois également que l’extrême droite pesait sur le débat national depuis la fin du franquisme. Même si les politologues soulignaient le contexte local de ce résultat : une démobilisation de la gauche au pouvoir depuis 36 ans dans cette région, avec le procès pour corruption de deux de ses ex présidents et une fragmentation de la droite. Ce dimanche 10 novembre 2019, à la faveur de nouvelles élections législatives anticipées, Vox a poursuivi sa fulgurante ascension, passant de 24 à 52 sièges au Parlement. Devançant la gauche radicale de Podemos, il est ainsi devenu la troisième force politique d'un pays où, depuis la fin de la dictature, l'extrême droite était encore il y a peu totalement marginale. Après de premiers députés élus en avril 2019, ses 15% des voix le font arriver dans la moyenne des partis populistes européens. A comparer avec l'AfD, en Allemagne, ou au FPE, en Autriche, ou à la Ligue, en Italie.

Retour sur le nouveau succès de Vox ce 10 novembre 2019 avec Isabelle Labeyrie

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Résultats des quatre dernières élections législatives en Espagne pour les principales forces politiques.
Résultats des quatre dernières élections législatives en Espagne pour les principales forces politiques.
© AFP - Patricio Arana
Le Reportage de la rédaction
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Inspiré par Marine Le Pen et Donald Trump

Les médias ont commencé à parler de cette formation national-catholique recentralisatrice quand elle a réussi à remplir une salle de 9 000 places à Madrid en octobre 2018, présentant "100 mesures pour une Espagne vive". Les sondages lui prédisaient tout au plus 6 ou 7 sièges, certains mettaient même en doute la capacité du parti à faire élire un député au Parlement andalou. En décembre 2018, le résultat fut sans appel pour ce parti qui n’existait pas dans le débat politique espagnol deux mois auparavant.

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Vox est arrivé à ses fins, notamment auprès des jeunes, en déroulant un discours anti-immigration, hostile à l’avortement et au féminisme, violemment opposé à l’indépendantisme catalan qu’il taxe de putschiste et qu’il combat jusque dans les tribunaux. Autres arguments de campagne récurrents en 2018, à destination de la région la plus peuplée d'Espagne, frappée par le chômage et principale porte d'entrée de l'immigration en Europe : la fin de l'autonomie des régions au nom des économies budgétaires et de la défense de l'unité de l'Espagne et l'abolition de la loi contre la violence machiste.

Les Enjeux internationaux
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Xénophobe, Vox puise ses inspirations chez Marine Le Pen, qui n'a pas manqué de le féliciter sur Twitter - en décembre comme ce dimanche, et chez Donald Trump. L’Espagne doit être d'après son slogan "grande à nouveau". Et "la Reconquista commencera sur les terres andalouses", clamait l'an dernier la formation sur fond de vidéo de son leader à cheval, allusion à la reconquête espagnole sur les musulmans entre les VIIIe et XVe siècles. Les immigrants illégaux doivent être "déportés vers leurs pays d'origine" et des "murs infranchissables" sont promis à Ceuta et à Melilla, enclaves espagnoles sur la côte marocaine.

Des murs politiques ont eux, depuis, été franchis. A son bénéfice. A trois reprises déjà, Vox a pu s'allier avec des conservateurs pour participer à la gestion d'une ville ou d'une région. Gabriel Colomé est professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone : 

C'est une chose qui ne serait pas possible en Europe par la logique du 'pacte républicain'. Ici, comme on n'a jamais subi la Première ni la Deuxième Guerre mondiale, on a une autre perception. En plus, on a eu le franquisme, c'est-à-dire que, bon, il n'y a pas de problème, on blanchit.

Vox refuse le qualificatif d'extrême droite et ce dimanche, son président Santiago Abascal a tenté d'imposer une nouvelle terminologie : "l'alternative patriotique".

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Une montée en puissance avec l'exhumation de Franco

L'historien Benoît Pellistrandi, invité de notre journal de 22h, précise que ce dernier succès de Vox est aussi lié à une spécificité espagnole : les crispations mémorielles autour de l'Histoire du pays et notamment l'exhumation du corps de Franco le 24 octobre dernier. Ce spécialiste de la vie politique espagnole explique que Pedro Sánchez espérait en faire un geste fort pour sa campagne électorale, "cela s'est un peu retourné contre lui et les sondeurs ont remarqué que, de ce jour-là, a commencé une ascension fulgurante qui a fait passer les intentions de vote de 10% à 15%, le résultat obtenu hier soir.

A la question de savoir si l'on peut considérer les responsables de Vox comme des héritiers du franquisme, l'historien répond "Sans aucun doute, parce qu'ils le revendiquent clairement. A la fois dans leur vocabulaire, dans la compréhension de l'histoire de l'Espagne qu'ils ont, même si, en termes de génération, ils n'ont plus rien à voir avec le franquisme et que leur parcours politique n'est absolument pas lié. Mais on a tout simplement un socle idéologique qui a constitué une partie de la droite espagnole, ancrée dans un conservatisme à connotation religieuse, mais modernisée par la thématique migratoire et par, c'est nouveau dans la culture politique espagnole, un euroscepticisme."

L'historien Benoît Pellistrandi répond à Stanislas Vasak

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Un leader de 43 ans très en verve et toujours armé

Le président de Vox est né à Bilbao dans une famille aisée un 14 avril, premier jour de la seconde République espagnole, souligne "El País". Dans un portrait publié début décembre dernier, le quotidien de référence voyait en Santiago Abascal un "fan de Marine Le Pen" et évoque son grand-père franquiste à Amurrio (dans la province de l'Alava) et son père, responsable du parti de droite Alianza Popular dans le Pays basque.

Santiago Abascal est justement un ancien militant au Pays basque du Partido Popular, qu'il a quitté en désaccord sur la politique antiterroriste. Il a beaucoup misé sur les déçus de la droite traditionnelle, du PP et du gouvernement de l'ancien Premier ministre Mariano Rajoy. Pour lui, les gens "sont fatigués du progressisme (...) et de l'absence de réaction des droites dans toute l'Europe". Alors que le PP rassemblait toute la droite, y compris sa frange extrême, depuis le rétablissement de la démocratie à la mort du dictateur Franco en 1975, "cette capacité a volé en éclats", estime Jose Pablo Ferrandiz, de l'institut de sondages Metroscopia, interrogé par l'AFP.

Celui qui a également présidé la Fondation pour la défense de la nation espagnole a multiplié les déclarations choc ces derniers mois, défendant au passage la chasse et la tauromachie. Dans un entretien à El Español, il avait confié être toujours armé d'un Smith & Wesson, au début pour protéger son père de l'ETA et maintenant ses enfants. L'ancien parlementaire basque aime aussi par exemple à interroger les nationalités des meurtriers de femmes espagnoles, sans toutefois vouloir donner d'informations précises au journaliste qui les lui demande (à 48" dans la vidéo).

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Beaucoup ont enfin remarqué le goût d'Abascal à se mettre en scène dans des vidéos à la musique et à la réalisation très emphatiques, comme ce "Nouveau commencement", publié il y a un peu plus de deux ans :

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