Eugen Sandow, le premier "bodybuilder"

Eugen Sandow, premier "bodybuilder"
Eugen Sandow, premier "bodybuilder"

Eugen Sandow, le premier "bodybuilder"

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Eugen Sandow, le premier "bodybuilder"

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Pionnier du "bodybuilding", c'est à lui qu'on doit les fameuses lanières élastiques des sportifs. Vers 1900, il a aussi lancé des magazines de fitness, des salles de sport, des compléments alimentaires et une érotisation de la musculature masculine alors inédite.

Pectoraux saillants et abdominaux apparents. Voici comme l'injonction au corps idéal s’est imposée à la fin du XIXe siècle, avec Eugen Sandow, inventeur du body-building et icône gay. Objet de fascination et de désir, il a changé pour toujours le regard sur le corps masculin.

Guillaume Vallet, sociologue du corps : “Schwarzenegger dans ses mémoires fait référence à Sandow en le considérant comme le premier bodybuilder. Il le compare en rigolant à ce qu’il appelle “les athlètes buveurs de bière”. On avait d’autres types de physiques à l’époque, plus faits pour valoriser l’idée d’une force brute."

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Eugen Sandow naît en 1867, en Prusse. Jeune, il est fasciné par les statues d’Hercule lors d’un voyage à Rome. De retour chez lui, il devient un habitué du gymnase et s’intéresse à l’anatomie.

À 18 ans, il quitte la Prusse et devient Hercule de foire, soulevant des poids et participant à des épreuves de force. À 20 ans, il se retrouve à Bruxelles et pose comme modèle nu pour des peintres.  

Il rencontre le professeur Attila, célèbre haltérophile qui le prend sous son aile. Grâce à des exercices novateurs et ciblés, Sandow transforme son corps, non pas en prenant de la masse mais en le sculptant différemment et en supprimant la graisse pour arriver à 83 kg pour 1m75.

Guillaume Vallet, sociologue du corps : “On est dans un siècle de progrès médicaux, on arrive à avoir une meilleure compréhension des modalités physiologiques d’amélioration de soi. L’idée, c’est de se maîtriser, d’afficher certains muscles. Il faut être performant, la graisse représente l'inutilité et l’inefficience. Les abdominaux, les pectoraux, les biceps ont des fonctions sociales différentes. Les abdominaux vont plus être dans une question de maîtrise, d’une discipline, les pectoraux et les biceps plutôt associés à l’idée d’une puissance visible.”  

Eugen décroche un contrat dans un music-hall à Londres. Il apparaît également en costume avec un monocle avant de réaliser un effeuillage. Après le spectacle, des femmes de la bonne société victorienne viennent en loge lui palper les muscles.

Guillaume Vallet : "Ce corps musclé que Sandow met progressivement en avant devient attractif pour différents types de masculinités. Auprès des catégories populaires qui elles sont attirées par cette idée de force cette mise en avant du corps qu’ils connaissent eux-mêmes dans leur métier. Mais il correspond aussi à une nouvelle façon de concevoir le corps pour les classes moyennes qui voient chez lui plutôt un côté esthétique, un côté maîtrise du corps."

La construction d'un "sex symbol"

Sandow construit sa légende avec des tenues qui évoquent l’Antiquité. Ses postures peu communes valorisent sa morphologie et érotisent son corps. Il soigne son apparence et apporte une coquetterie peu commune chez les athlètes. Il est aussi l’un des premiers hommes à s’exhiber autant publiquement à une époque où les haltérophiles traditionnels se produisent en maillot de corps.

David Waller, auteur d'une biographie sur Sandow : "Ses spectacles ont commencé comme des vaudevilles. Avec le temps, c’est devenu davantage des spectacles où il posait. Durant la guerre des Boers, il a même participé à des sketchs patriotiques. C’était un performer innovant, il était obligé dans cet environnement ultra-compétitif."

Les cartes postales de lui qui circulent comportent souvent des allusions phalliques, avec une feuille qui met en relief son pénis plus qu’elle ne le cache.  

À 26 ans, il s’installe à New York et interprète Adonis dans des pièces de théâtre, mais il a peu de répliques et sert davantage comme objet de décoration. Malgré les rumeurs sur son homosexualité, Sandow se marie avec une femme avec qui il a deux filles
En 1901 Sandow organise la première compétition de “bodybuilders” à Londres. Un engouement international, qui donne à Sandow de nouvelles idées.

Guillaume Vallet : “On est dans un capitalisme qui se transforme, où la place des médias et la consommation de masse se développent. Il va être le premier à comprendre dans cette possibilité de consommation de masse du corps une capacité d’exploitation financière.”

Sandow lance des magazines “fitness”, ouvre des salles de sport, commercialise des compléments alimentaires, il donne même son nom aux lanières élastiques utilisées aujourd’hui par les sportifs. Il “coache” aussi des personnalités, dont le roi George V.

Eugen Sandow meurt à 58 ans d’une hémorragie cérébrale, après un effort trop intense en essayant de sortir seul sa voiture d’un fossé.

Sandow a façonné une nouvelle esthétique du corps, mais il est rapidement oublié, avant d’être redécouvert par une nouvelle génération de "bodybuilders" dans les années 1980.

À réécouter : Philosophie du muscle
Le Journal de la philo
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