
Chaque vendredi, Arnaud Laporte et les critiques de La Dispute vous proposent une sélection de rendez-vous culturels pour votre week-end.
Toute cette semaine, les critiques de La Dispute ont une fois encore débattu pour vous du meilleur de l'actualité culturelle. Résultat de ces échanges en 5 récréations, un spectacle, un opéra, une exposition, un roman, un film. Bonnes découvertes !
Un spectacle : "Love me tender", On a l’humour noir, la férocité, la comédie, la tragédie, la mélancolie

Guillaume Vincent s’affirme de spectacle en spectacle comme un de nos meilleurs metteurs en scène. En choisissant d’adapter le génial et encore trop méconnu Raymond Carver, il relève un nouveau défi, qui vaut assurément le détour. Fidèlement soutenu par les Bouffes du Nord, il retrouve cet écrin sublime et décati, parfaitement adapté aux anti-héros de Carver.
L'avis des critiques :
Guillaume Vincent a du savoir-faire, il sait entremêler les histoires. Il n’y a pas de contre-sens. On a l’humour noir, la férocité, la comédie, la tragédie, la mélancolie. Mais dans les nouvelles de Carver il y a une dimension allusive très forte, on reconstruit les histoires qui nous sont ici données de façon très crue. Il manque quelque chose, dans cette façon de simplifier et de rendre les choses. René Solis
Je n’ai pas retrouvé ce basculement intime qui fait la richesse de ses nouvelles. Je n’ai pas grand-chose à reprocher techniquement sur le plateau, mais quelque chose ne fonctionne pas dans la sensation produite sur le spectateur. Il m’a manqué une nécessité, je n’ai pas compris ce qu’il voulait faire en montant ça. Je n’ai pas compris l’épaisseur là où il la mettait. Marie Sorbier
Carver fait partie de mes auteurs absolument fétiches. Je suis rentré dans le théâtre des Bouffes du Nord avec une attente et une inquiétude. On voit bien les intentions et la finesse du travail de Guillaume Vincent dans son adaptation, mais quand ça ne marche pas dans la comédie c’est rude. Pour moi il manquait encore de folie, on pouvait aller beaucoup plus loin, beaucoup plus noir. Arnaud Laporte
La première partie est éclairée par la deuxième en fournissant un tout sensible. C’est un spectacle que je ne trouve pas agréable, mais intéressant. Guillaume Vincent fait un théâtre qui est fragile, qui repose beaucoup sur les acteurs. Le fond de son théâtre a quelque chose de très humain. Anna Sigalevitch
- “Love me tender" D'après de nouvelles de Raymond Carver - Adaptation et mise en scène Guillaume Vincent du 15 sept. au 5 oct. aux Bouffes du Nord puis en tournée les 8 et 9 novembre à Air libre, Rennes et du 22 au 24 mai 2019 à la Comédie de Reims
Un opéra : "Tristan et Isolde", une mise en scène de Peter Sellars d’une grande finesse
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C’est peut-être la dernière fois que nous pouvons avoir la chance extrême de découvrir cette production, initiée par Gérard Mortier lorsqu’il dirigeait l’Opéra de Paris. Le chef d’oeuvre de Wagner, dont la musique irriguait de façon obsessionnelle le Melancholia de Lars von Trier, est ici, plus que jamais, un diamant noir et incandescent. Sublimée par le travail vidéo de Bill Viola, dont la rétrospective au Grand Palais hante encore nos mémoires, la mise en scène de Peter Sellars sait se faire discrète tout en étant d’une extrême précision. Pour cette reprise, le plateau vocal est lui aussi 5 étoiles, et c’est le très wagnérien Philippe Jordan qui est dans la fosse. On n’a pas souvenir d’avoir vu autant de bonnes fées se pencher sur le même berceau. ALERTE SPOILER : préparez vos mouchoirs pour un final qui vous laissera le souffle coupé par son climax émotionnel.
L'avis des critiques :
Il n’y a pas vraiment d’histoire dans ce Tristan et Isolde de Wagner, toute la question est concentrée autour de l’intrigue amoureuse. Il faut imaginer le plateau de l’opéra Bastille quasi-nu. Les costumes sont noirs. C'est très simple, très primaire. C'est l'archaïque de cet opéra de Wagner. Les chanteurs jouent vraiment. Je trouve qu’Andreas Shager s’en sort très bien dans cet équilibre entre jeu. Lucile Commeaux
Pour moi l’émotion est toujours intacte, toujours au rendez-vous, notamment grâce à l’humilité de Peter Sellars. On peut être capté par l'écran, d'autant que Sellars ne fait rien pour attirer l’attention, mais sa proposition est d’une grande finesse, d’une délicatesse minimale. Si on peut faire l’aller-retour entre vidéo (certes hypnotisante) et plateau, on a quand même une proposition globale et une connexion entre les deux. Arnaud Laporte
La vidéo me gêne un petit peu car elle a toujours tendance à capter le regard. Si on lit les sous-titres, on ne sait plus vraiment où donner de la tête. Il y a un vrai travail de direction d’acteur. Concernant Andreas Shager, je l’ai trouvé vocalement assez impressionnant, il fait ça avec une aisance sidérante, même si ce n’est pas très incarné. La direction est très belle, mais manque de tension et de fièvre. Emmanuel Dupuy
Le premier acte va installer un rituel qui est un rituel de baptême, mais aussi la menace de la noyade. On est hypnotisé par ce temps qui s’étire. On est dans la vraie temporalité de Wagner. Je n’ai pas trouvé cette vidéo clichée, les images sont d’une vraie poésie et ne m’ont pas perdu, puisque j’étais plongé dans cette temporalité de la vidéo. Charles Arden
- “Tristan et Isolde” , de Wagner - Direction : Philippe Jordan - Mise en scène : Peter Sellars - Vidéos : Bill Viola - Jusqu’au 9 octobre à l' Opéra Bastille
Une exposition : Ron amir, "Quelque part dans le désert"

Les photos et vidéos de Ron Amir qui composent cette exposition montrent la vie quotidienne de réfugiés venus du Soudan, cantonnés en plein désert israélien dans le centre de détention de Holot, aujourd’hui fermé. Avi Mograbi y avait tourné un film beau et terrible, montrant les conditions déplorables de ces hommes, accueillis mais laissés au ban de la société israélienne.
L'avis des critiques :
C’est une exposition qui me pose un peu problème. Formellement je peux m’y retrouver, je peux même trouver ce projet sincère, mais il y a deux arguments de l’exposition qu’il me faut évacuer. D’abord, la dimension critique qui n’est pas féroce et repose sur une forme de neutralisation du sujet. Ensuite, il y a un argument qui vise à surestimer la part de créativité humaine dans cette exposition. Florian Gaité
Ce qui ne va pas, c’est qu’il affirme que Ron Amir veut dénoncer la politique d’immigration de son pays. Où est le camp ? Le hors champs est un problème. Il y a une systématisation. Je ne sais pas à quelle distance je dois regarder ces images. L’idée que cela soit vidé d’une présence ne se suffit pas ici à elle-même. C’est peut-être quelqu’un qui dit : je suis dans l’impuissance absolue. Corinne Rondeau
C’est un photographe documentaire qui fait une photographie très protocolaire. On a affaire à d’immenses formats qu’il a, me semble-t-il, conçus comme une expérience. Il a voulu nous donner l’impression de traverser un désert ; c’est le cas, on traverse un désert. C’est d’une pauvreté absolu et je trouve presque cynique de vouloir parler de la grande créativité humaine dans ce cadre. Je pense que l’exposition formule un pari qu’elle n’arrive pas à tenir. Adrien Pontet
- Ron Amir :"Quelque part dans le désert" - d_u 14 septembre au 02 décembre 2018 au_ musée d'art moderne de la ville de paris
Un livre :"Par les écrans du monde" de Fanny taillander entre roman d’espionnage et méditation historique

Peut-on romancer le 11 septembre 2001 ? La jeune Fanny Taillander - 15 ans à l’époque des attaques sur New York -, répond par l’affirmative avec ce roman qui nous fait, entre autres péripéties, embarquer avec Mohamed Atta à bord du Boeing 767 qu’il fera se crasher sur les Twin Towers. Une des sensations de la rentrée littéraire.
- "Par les écrans du monde" de Fanny Taillandier (Seuil)
Un film : “Thunder Road” de Jim Cummings, la découverte d'un comédien absolument éblouissant
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Si le film s’ouvre sur un monologue du cinéaste-comédien Jim Cunnings, c’est parce que le long s’origine dans un court - Grand Prix du Jury à Sundance - dont c’était l’unique scène. Cummings a choisi de creuser tous les fils narratifs issus de cette première séquence, et tient le rôle d’un flic téméraire doublé d’un homme sujet à l’incontinence lacrymale. Une étoile burlesque est née.
L'avis des critiques :
Les dix minutes du plan séquence initial provoquent une sidération totale. Comme le personnage on passe par des phases successives avec beaucoup de surprises. Cummings fait le show, et j’ai trouvé ce show toujours juste bien que j’en aie cherché les excès. C’est réjouissant de voir un film américain plutôt du côté de l’impuissance que de la réussite, de la masculinité et de la testostérone. Corinne Rondeau
Je ne vois pas ce qu’il y a de si surprenant à montrer un personnage qui perd les pédales. J’ai été perplexe plus que sidérée. Le film n’est qu’un enchaînement de ce dispositif filmique qui consiste à opérer un zoom lentement sur ce personnage. J’ai vu quand même beaucoup de fabrication. J’ai trouvé ce film d’une hargne, d’une violence, pas tout à fait pensée. Charlotte Garson
C’est un film qui reçoit beaucoup de violence et ne peut s’empêcher d’en rendre. Cette scène initiale est là pour donner la note presque la plus stridente et à partir de là tout s’effondre, tout se liquéfie. Le film est toujours un peu guetté par la performance. Je trouve toutefois la relation avec la petite fille d’un très beau classicisme. Le film quand il le faut, arrive à être sobre. Julien Gester
Le comédien est absolument éblouissant puisqu’il est dans une sorte d’imprévisibilité qui me met en tant que spectateur dans un état d’inquiétude. Il crée un malaise constant. Il y a un côté répétitif, passif-agressif, mais pour moi totalement assumé. La question est ici la question de la limite. Arnaud Laporte
- “Thunder Road”__, de Jim Cummings
-En partenariat avec le magazine Grazia-