'FabBRICK' : recycler des vieux vêtements pour en faire des briques

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'FabBRICK' : recycler des vieux vêtements pour en faire des briques

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Briques conçues avec du textile recyclé aux qualités acoustiques et thermiques
Briques conçues avec du textile recyclé aux qualités acoustiques et thermiques
© Radio France - Annabelle Grelier

Demain l'éco. Transformer les déchets textiles en matériau de construction et décoration : c’était son sujet de fin d’études d’architecture. Elle en a fait son entreprise. Clarisse Merlet, fondatrice de FabBRICK, mise sur la conscience écologique comme valeur de développement.

En Europe, 4 millions de tonnes de déchets vestimentaires sont jetés par an selon l’Ademe. En France, 624 000 tonnes de textiles sont mises sur le marché, soit environ 10 kg par an et par habitant, quand moins d’un tiers seulement sont collectées et triées.

Depuis le 1er janvier dernier, la loi AGEC, "anti-gaspillage pour une économie circulaire", qui a pour objectif de réduire les déchets, interdit la destruction des invendus et oblige les producteurs, importateurs et distributeurs français à réemployer ou recycler leurs produits.

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L'ère de l'upcycling

"A_ujourd’hui, il y a de moins en moins de ressources naturelles et de plus en plus de déchets_", déplore Clarisse Merlet, la fondatrice de FabBRICK. Prête à relever le défi de la transition écologique, la jeune architecte a imaginé un matériau de construction à partir des déchets textiles et vêtements trop abîmés pour le marché de la seconde main. Broyées puis liées par une colle totalement biosourcée dont Clarisse Merlet détient le brevet, 28 tonnes de textile recyclé ont trouvé une troisième vie sous forme de brique. De ses briques, elle a créé du mobilier et du parement mural qui a la double qualité d’être un excellent isolant thermique et acoustique.

De cette idée, qui n’était qu’un sujet de fin d’étude, je ne pensais pas en faire un métier et encore moins une entreprise. Mais je me suis dit que si je n’en faisais rien aujourd’hui, je le regretterais dans dix ans.

Bonne intuition, puisque dès la création de FabBRICK les premières commandes affluent. La chaîne de vêtements Jules est la première à lui passer commande pour aménager ses 500 boutiques. D’autres grandes enseignes de prêt-à-porter suivent mais aussi d’autres sociétés plus surprenantes qui cherchent à recycler leurs uniformes. Même l’industrie du luxe lui réclame aujourd'hui de nouveaux produits pour recycler le cuir notamment.

Reportage là où se fabriquent ces briques de textiles recyclés. Par Annabelle Grelier

3 min

Clarisse Merlet a crée FabBrick fin 2019. Aujourd'hui installée dans le 19ème arrondissement de Paris l'entreprise emploie 9 salariés
Clarisse Merlet a crée FabBrick fin 2019. Aujourd'hui installée dans le 19ème arrondissement de Paris l'entreprise emploie 9 salariés
© Radio France - Annabelle Grelier

Si le succès est arrivé plus vite qu’elle ne l’espérait, il ne lui est pas pour autant monté à la tête. La fondatrice de FabBRICK doit aujourd’hui refuser des commandes pour prendre le temps de réfléchir à son développement.

Quand on veut produire tout en restant le plus écologique possible, il n’y pas de modèle à suivre. Tout est à inventer. À chaque étape de notre développement, nous devons étudier la meilleure solution tant du point de vue de l’environnement que du bien être des salariés.

La croissance comme seul objectif semble passé de mode pour la jeune cheffe d’entreprise qui attend sa nouvelle presse à brique automatisée avec impatience. Pour un investissement de 100 000 euros, elle a confié le projet à un bureau d’études l’année dernière et la nouvelle machine devrait arriver au printemps prochain.

Les presses manuelles ne consomment pas d’énergie mais c’est tout de même trop physique de tout faire à la main. Je me devais de faire passer le bien être des salariés avant la consommation d’électricité.

Avec 5 presses artisanales, les "brickeurs" ont en effet fort à faire. 80 000 briques produites à la force des bras depuis les débuts de l’aventure n’ont pourtant découragé aucun des 9 membres de l’équipe. Le jour de notre visite, c’est l’ingénieure dernièrement recrutée pour mettre au point un système de séchage écologique qui se prête à l’exercice. "Tout le monde y passe" précise Clarisse Merlet, même les commerciaux doivent mettre la main à la pâte.

Un nouveau modèle d’affaire

À chaque étape de production, Clarisse Merlet a cherché une solution de développement durable et la jeune femme assure qu’elle a failli abandonner à plusieurs reprises son projet. Pour trouver la formule d’une colle totalement biosourcée, elle s’est inspirée de la colle pour bateaux. Mais c’est avec l’aide d’un ingénieur qu’elle a réussi à la mettre au point. Car non seulement elle ne voulait pas de produits issus de la chimie mais ses briques devaient être ignifuges pour répondre aux normes en vigueur.

Pressées de manière artisanale, les briques doivent ensuite sécher une semaine. Un procédé qui devrait être automatisé au printemps prochain
Pressées de manière artisanale, les briques doivent ensuite sécher une semaine. Un procédé qui devrait être automatisé au printemps prochain
© Radio France - Annabelle Grelier

Animée d’une conscience écologique forte, Clarisse Merlet pose aussi ses conditions à ses clients pour ne pas tomber dans le piège du greenwashing.

Nous refusons les invendus, car il peuvent servir au marché de l’occasion ou être donnés aux associations. Nous ne prenons que les chutes textiles et les vêtements destinés au rebut qui ne peuvent plus servir à personne. Et les clients qui nous fournissent doivent aussi utiliser nos produits pour prendre conscience des déchets qu’ils génèrent.

Avec une trentaine de clients, FabBRICK a doublé son chiffre d’affaire en 2021. Ses briques ont passé tous les tests de résistance : à l'humidité, au feu, à la pression en présentant d'excellentes qualités acoustiques et thermiques. Distribuée à la matériauthèque de la Plateforme du Bâtiment de Paris, la jeune pousse vise désormais le secteur de la construction. Le marché du surcyclage de textile est en effet énorme et les entreprises dans cette nouvelle filière encore trop peu nombreuses. À titre d’exemple, la seule entreprise capable de broyer le textile en grande quantité est implantée aux Pays-Bas, nous apprend Clarisse Merlet, qui de son propre aveu a dû à contre cœur en passer par là avant de pouvoir acheter son propre matériel.

FabBrick s'est spécialisé dans le mobilier, cloisons d'open space  et parements de murs en tissus recyclés
FabBrick s'est spécialisé dans le mobilier, cloisons d'open space et parements de murs en tissus recyclés
© Radio France - Annabelle Grelier

Pour limiter les transports, la start up installée dans son nouvel atelier dans le 19e arrondissement de Paris a recours à la livraison par fret ferroviaire et envisage à terme d’implanter plusieurs ateliers de production en France et pourquoi pas à l’étranger où les demandes se multiplient. FabBRICK vient de faire des essais concluants de briques à base de masques chirurgicaux, une source qui n’est malheureusement pas prête de se tarir et que l’on préférera voir finir sur les murs plutôt qu’au fond des océans.

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