Feuilletez "Boussole" de Mathias Enard avec les oreilles

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Feuilletez "Boussole" de Mathias Enard avec les oreilles

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Photogravure du Caire colorisée à la main.
Photogravure du Caire colorisée à la main.
- Auteur inconnu via New York Public Library.

A travers une sélection d'archives en écho à des passages de son livre, feuilletez avec les oreilles "Boussole", qui a valu le Goncourt 2015 à Mathias Enard. Un parcours sonore entre Orient et Occident, des rues d'Alep au "Divan" de Goethe en passant par la vraie histoire de "L'Origine du monde".

>>> Retrouvez ici tous les autres romans de la collection "Feuilletez avec les oreilles"

Le site de la maison d'édition Actes Sud dépeint ainsi Boussole, de Mathias Enard, lauréat du Prix Goncourt 2015 :

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"La nuit descend sur Vienne et sur l’appartement où Franz Ritter, musicologue épris d’Orient, cherche en vain le sommeil, dérivant entre songes et souvenirs, mélancolie et fièvre, revisitant sa vie, ses emballements, ses rencontres et ses nombreux séjours loin de l’Autriche – Istanbul, Alep, Damas, Palmyre, Téhéran… –, mais aussi questionnant son amour impossible avec l’idéale et insaisissable Sarah, spécialiste de l’attraction fatale de ce Grand Est sur les aventuriers, les savants, les artistes, les voyageurs occidentaux. > > Ainsi se déploie un monde d’explorateurs des arts et de leur histoire, orientalistes modernes animés d’un désir pur de mélanges et de découvertes que l’actualité contemporaine vient gifler. Et le tragique écho de ce fiévreux élan brisé résonne dans l’âme blessée des personnages comme il traverse le livre. > > Roman nocturne, enveloppant et musical, tout en érudition généreuse et humour doux, Boussole est un voyage et une déclaration d’admiration, une quête de l’autre en soi et une main tendue – comme un pont jeté entre l’Occident et l’Orient, entre hier et demain, bâti sur l’inventaire amoureux de siècles de fascination, d’influences et de traces sensibles et tenaces, pour tenter d’apaiser les feux du présent."

En septembre 2015, le site Onorient demandait à Mathias Enard si Boussole avait une vocation pédagogique. L'auteur, hier orientaliste, a étudié le perse et l'arabe à l'Inalco à Paris et parcouru l'Egypte, la Syrie ou l'Iran, et répondait alors ceci :

"Il y a évidemment un plaisir, une joie, de faire découvrir, de donner à voir et à entendre. Il y a aussi dans cette démarche une certaine humilité puisque l’on montre une partie de ce qui existe mais qu’il ne s’agit que du sommet de l’iceberg. S’il y a quelques lecteurs de Boussole qui ont en plus la curiosité de se plonger dans le livre de Hedayat ou d’écouter sur Youtube une musique dont je parle, je trouverais ça superbe. Je n’y ai pas trop pensé mais cela serait magnifique, surtout dans le contexte actuel."

Nous vous proposons de feuilleter par ici Boussole à travers une dizaine d'extraits... et autant d'archives radiophoniques diffusées sur France Culture et dénichées en écho au travail très documenté de Mathias Enard.

Dernière page de "La Chouette aveugle".
Dernière page de "La Chouette aveugle".
- Edition manuscrite, publiée par Saddegh Hedayat en 1937.

Le grand vide du gaz

"Dans la vie il y a des blessures qui, comme une lèpre, rongent l’âme dans la solitude", écrit l’Iranien Sadegh Hedayat au début de son roman La Chouette aveugle : ce petit homme à lunettes rondes le savait mieux que quiconque. C’est une de ces blessures qui l’amena à ouvrir le gaz en grand dans son appartement de la rue Championnet à Paris, un soir justement de grande solitude, un soir d’avril, très loin de l’Iran, très loin, avec pour seule compagnie quelques poèmes de Khayyam et une sombre bouteille de cognac, peut-être, ou un galet d’opium, ou peut-être rien, rien du tout, à part les textes qu’il gardait encore par-devers lui et qu’il a emportés dans le grand vide du gaz. On ignore s’il laissa une lettre, ou un signe autre que son roman La Chouette aveugle , depuis longtemps achevé, et qui lui vaudra, deux ans après sa mort, l’admiration d’intellectuels français qui n’avaient jamais rien lu de l’Iran : l’éditeur José Corti publiera La Chouette aveugle peu après Le Rivage des Syrtes ; Julien Gracq connaîtra le succès quand le gaz de la rue Championnet venait de faire son effet, l’an 1951, et dira que Le Rivage est le roman de "toutes les pourritures nobles", comme celles qui venaient d’achever de ronger Hedayat dans l’éther du vin et du gaz. André Breton prendra parti pour les deux hommes et leurs livres, trop tard pour sauver Hedayat de ses blessures, s’il avait pu être sauvé, si le mal n’était pas, très certainement, incurable."

(Boussole, page 9)

En 1998, l'émission "Une vie une œuvre" consacrait un documentaire d'1h25 à Sadegh Hedayat. Redécouvrez ici le travail de Catherine Paoletti réalisé par Ghislaine David, avec l'intervention de Michel Camus, Youssef Ishaghpour, Feri Farzaneh, Farrokh Gaffary, Maxime Feri Farzaneh :

"Une vie une oeuvre" Sadegh Hedayat le 09/04/1998

52 min

Dar Zamariah, maison du XVIIIè siècle dans le quartier de Jdeidé à Alep (Syrie)
Dar Zamariah, maison du XVIIIè siècle dans le quartier de Jdeidé à Alep (Syrie)
- Abbé Gabriel Bretocq durant ses voyages en Orient 1918-1922 via Wikicommons

Alep et ses ruelles tachées d'huile de vidange et de sang

"Ne pensons pas au seuil de cette chambre de l’hôtel Baron à Alep, ne pensons pas à la Syrie, à l’intimité des voyageurs, au corps de Sarah allongé de l’autre côté de la cloison dans sa chambre de l’hôtel Baron à Alep, immense pièce au premier étage avec un balcon donnant sur la rue Baron, ex-rue du Général-Gouraud, bruyante artère à deux pas de Bab el-Faraj et de la vieille ville par des ruelles tachées d’huile de vidange et de sang d’agneau, peuplées de mécaniciens, de restaurateurs, de marchands ambulants et de vendeurs de jus de fruits ; la clameur d’Alep franchissait les volets dès l’aube ; elle s’accompagnait d’effluves de charbon de bois, de diesel et de bestiaux. Pour qui arrivait de Damas, Alep était exotique ; plus cosmopolite peut-être, plus proche d’Istanbul, arabe, turque, arménienne, kurde, à quelques lieues d’Antioche, patrie des saints et des croisés, entre les cours de l’Oronte et de l’Euphrate."

(Boussole, page 108)

Promenez-vous dans les rues d'Alep avec ce reportage de 1993 de Jacques Munier, accompagné de l'écrivain Myriam Antaki, de l'universitaire Mahmoud Hretani, et de Esan Chite, musicologue :

Reportage dans les rues d'Alep, 08/10/1993 dans "L'échappée belle"

6 min

Le canal de Suez avant son inauguration en 1869
Le canal de Suez avant son inauguration en 1869
- Domaine public via Wikicommons

Réconcilier l'Orient et l'Occident à Suez

"Aujourd’hui personne ne s’intéresse plus à Félicien David devenu extraordinairement célèbre le 8 décembre 1844 après la première du Désert au Conservatoire à Paris, ode-symphonie en trois parties pour récitant, ténor solo, chœur d’hommes et orchestre, composée à partir des souvenirs du voyage en Orient du compositeur, entre Le Caire et Beyrouth ; dans la salle il y a Berlioz, Théophile Gautier et tous les saints-simoniens, dont Enfantin le grand maître de la religion nouvelle, lui qui partit en Egypte pour trouver une épouse à enfanter, un messie femme, et réconcilier ainsi l’Orient et l’Occident, les unir dans la chair, Barthélémy Enfantin projettera le Canal de Suez et les Chemins de fer de Lyon, il cherchera à intéresser l’Autriche et un Metternich vieillissant à ses projets orientaux sans succès, l’homme d’Etat ne le reçut pas, à la suite d’une conspiration catholique et malgré les conseils de Hammer-Purgstall qui avait vu là une idée de génie pour faire entrer l’Empire en Orient. Barthélémy Enfantin grand fornicateur mystique, premier gourou moderne et entrepreneur génial est assis dans la salle à côté de Berlioz qui ne cache pas ses sympathies pour l’aspect social de la doctrine saint-simonienne."

(Boussole, pages 120-121)

Robert Solé racontait l'histoire des Saint-Simoniens sur France Culture en 2004 à l'occasion d'une série consacrée à l'histoire de l'Egypte :

Les Saint-Simoniens et la Femme messie, par Robert Solé, le 14/12/2004.

18 min

Lithographie de Lady Hester Stanhope dans son salon, ca 1846.
Lithographie de Lady Hester Stanhope dans son salon, ca 1846.
- New York Public Library

Le pied arabe de Lamartine

"Lamartine venait en Orient pour voir le chœur d’une église qui s’est révélé muré, visiter la cella d’un temple qu’on a condamné ; il se tenait droit face à l’autel, sans s’apercevoir que les rayons du couchant inondaient le transept derrière lui. Lady Stanhope le fascine car elle est au-delà de ses interrogations ; elle est dans les étoiles, disait Sarah ; elle lit le destin des hommes dans les astres – à peine arrivé, elle propose à Lamartine de lui révéler son avenir ; celle qu’il appelle "la Circé des déserts" lui explique ensuite, entre deux pipes parfumées, son syncrétisme messianique. Lady Stanhope lui révèle que l’Orient est sa patrie véritable, la patrie de ses pères et qu’il y reviendra, elle le devine à ses pieds : 
« Voyez, dit-elle, le cou-de-pied est très élevé, il y a entre votre talon et vos doigts, quand votre pied est à terre, un espace suffisant pour que l’eau y passe sans vous mouiller – c’est le pied de l’Arabe ; c’est le pied de l’Orient ; vous êtes un fils de ces climats et nous approchons du jour où chacun rentrera dans la terre de ses pères. Nous nous reverrons
."

(Boussole, pages 133-134)

Sur France Culture, Clara Murner brossait le portrait de Lady Hester Stanhope, "aventurière anglaise en Orient", dans l'émission "L'échappée belle" en 1994 :

Portrait de Lady Stanhope dans "L'échappée belle" le 29/04/1994

28 min

Palmyre, un soir vers 17h30 début février, en 2005.
Palmyre, un soir vers 17h30 début février, en 2005.
- Eustache Diemert, Karo via Wikicommons

Palmyre et les mythes flottant sur les ruines

"Je me revois assis sur le rocher, à contempler la palmeraie, loin au-delà des temples, une tasse à la main. Je comprenais le vers jusque là énigmatique de Badr Shakir Sayyab, "Tes yeux sont une forêt de palmiers à l’aurore / ou un balcon, avec la lune loin au-dehors" qui ouvre Le Chant de la pluie ; Sarah était heureuse que j’évoque le pauvre poète de Bassora, perdu dans la mélancolie et la maladie[…] Est-ce à ce moment-là que l’idée m’est venue de mettre ce poème en musique, sans doute ; est-ce la douceur glaciale de cette nuit au désert, les yeux de Sarah, le matin de Palmyre, les mythes flottant sur les ruines qui ont fait naître ce projet, c’est du moins ainsi que j’aime l’imaginer – peut-être y avait-il aussi un jeu du destin, c’est à mon tour d’être seul, malade et mélancolique dans Vienne endormie, comme Sayyab l’Irakien, Sayyab dont le sort me touchait tant à Damas."

(Boussole, pages 149-150)

L'écrivain français d'origine libanaise Salah Stétié évoquait Es Sayyab, "le poète des deux fleuves", dans "Culture d'islam" en 2001 :

Es Sayyab par Salah Stétié dans l'émission "Culture d'islam" le 18/05/2001

15 min

Damas en 1907.
Damas en 1907.
- David Samuel Margoliouth via Wikicommons

Leopold Weiss et le goût de l'Arabie

"Je devrais me lever pour boire mais si je quitte mon lit je ne me recoucherai pas avant l’aube, il faudrait toujours avoir une bouteille d’eau à portée de main, une outre de peau, comme au désert, une outre qui donne aux liquides son parfum caractéristique de chèvre et de goudron : le pétrole et l’animal, voilà le goût de l’Arabie – Leopold Weiss aurait été d’accord, lui qui passa des mois à dos de chameau entre Médine et Ryad ou entre Ta’ef et Ha’il dans les années 1930, Leopold Weiss de son nom musulman Muhammad Asad, le plus brillant correspondant au Moyen-Orient de son époque, pour le Frankfurter Zeitung et la plupart des grands journaux de la république de Weimar, Leopold Weiss, Juif originaire de Galicie éduqué à Vienne pas très loin d’ici : voilà l’homme ou plutôt le livre responsable de mon départ pour Damas après mon séjour à Istanbul."

(Boussole, pages 154-155)

Au milieu des années 2000, l'anthropologue Florence Heymann faisait redécouvrir en France Leopold Weiss, mort en 1992. Colette Fellous la recevait en 2005 dans l'émission "Carnet nomade" pour évoquer l'histoire de ce natif de Czernowitz, en Bukovine, qui a vu le jour en 1900 dans une famille juive traditionnelle et qui sera peu à peu attiré par l'Islam, jusqu'à se convertir et devenir Muhammad Asad, l'un des représentants officiels de l'état du Pakistan :

"Carnet nomade" consacré à Leopold Weiss le 29/04/2005

27 min

Zohra Ben Brahim, circa 1890.
Zohra Ben Brahim, circa 1890.
- Pierre Louÿs.

Traduire les Mille et Une Nuits, de Marseille à Saïgon

"Mardrus le Caucasien des lettres, dont le grand-père avait combattu les Russes dans les rangs de l’imam Schamyl, voilà un homme que j’aurais aimé rencontrer, Mardrus, dans ce Paris si mondain des années 1890 ; il fréquenta Mallarmé, puis Apollinaire ; sitôt débarqué du paquebot des Messageries maritimes où il officiait comme médecin du bord il devint, grâce à son charme et son érudition, la coqueluche des salons parisiens – c’est ce qu’il me faudrait, pour rédiger mon grand œuvre, un séjour de quelques années dans une cabine de navire, entre Marseille et Saïgon. Mardrus traduit en mer les milliers de feuillets des Mille et Une Nuits ; il a grandi au Caire, étudié la médecine à Beyrouth, l’arabe est pour ainsi dire sa langue maternelle, voilà le grand avantage qu’il a sur nous, orientalistes non orientaux, le gain de temps dans l’apprentissage de la langue. La redécouverte des Nuits par la traduction de Mardrus provoque une vague d’adaptations, d’imitations, de prolongations du chef-d’œuvre, comme cinquante ans plus tôt Les Orientales d’Hugo, les poèmes de Rückert ou le Divan de Goethe. Cette fois-ci on pense que c’est l’Orient lui-même qui insuffle directement sa force, son érotisme, sa puissance exotique dans l’art du tournant du siècle ; on aime la sensualité, la violence, le plaisir, les aventures, les monstres et les génies, on les copie, on les commente, les multiplie ; on croit voir enfin, sans intermédiaire, le vrai visage de l’Orient éternel et mystérieux : mais c’est l’Orient de Mardrus, toujours un reflet, encore un Tiers-Orient ; c’est l’Orient, en fin de compte, de Mallarmé et de La Revue blanche , l’érotisme de Pierre Louÿs, une représentation, une interprétation."

(Boussole, pages 182-183)

A l'occasion des mille ans des Mille et Une Nuits, Marie-Hélène Fraïssé recevait dans "Tout un monde" en 2005 les universitaires Aboubakr Chraibi, Margaret Sironval et Marcel Marnat, musicologue. Tahar Ben Jelloun se joignait à l'émission par téléphone :

Les Mille et Une Nuits dans "Tout un monde" le 18/07/2005

53 min

Manuscrit perse du Masnavi, XVIème siècle
Manuscrit perse du Masnavi, XVIème siècle
- Domaine public

26 000 rimes, 13 000 vers

"On reste là, à l’ombre épineuse d’un grenadier géant, à jeter des cailloux dans l’eau, à manger des cerises et des prunes confites en espérant, en espérant quoi ? Un chevreuil, un ibex, un lynx, il n’en vient aucun ; personne ne passe à part un vieux derviche à l’étrange chapeau, tout droit sorti du Masnavi de Roumi, qui monte vers on ne sait quels sommets, quels refuges, sa flûte de roseau en bandoulière, son bâton à la main. On le salue en disant "Yâ Ali !" un peu effrayé par ce présage, l’irruption du spirituel dans une scène qu’on voudrait des plus temporelles au contraire, amoureuse. "Ecoute la flûte, comme elle raconte des histoires, elle se plaint de la séparation, lorsqu’on l’a coupée, dans la roselière ; ses pleurs attristent hommes et femmes". Existe-t-il une traduction complète du Masnavi de Roumi en allemand ? Ou en français ? Vingt-six mille rimes, treize mille vers. Un des monuments de la littérature universelle. Une somme de poésie et de sagesse mystique, des centaines d’anecdotes, de récits, de personnages."

(Boussole, page 207)

"Les Chemins de la connaissance" consacraient une émission en 2001 au soufisme, "l'autre voie de l'islam", où il était beaucoup question de Dîm Rûmî, que le producteur Abdelwahab Meddeb connaissait bien. Ce jour-là, il invitait Charles de Fauchecourt pour évoquer la place du Masnavi dans l'islam :

Le Masnavi de Rumi dans "Les Chemins de la connaissance" le 01/02/2001

11 min

L'origine du monde au Musée d'Orsay.
L'origine du monde au Musée d'Orsay.
© Sipa - Alexandra Boulat

Le Pacha qui cachait "L'Origine du monde"

"Le jeune Ottoman s’offre un sexe de femme en gros plan, peint par un des artistes les plus doués pour le réalisme de la chair, tableau absolument scandaleux, direct et sans détour qui restera dissimulé au grand public pendant des décennies. On imagine le plaisir de Halil Pasha à posséder un tel joyau secret, une vulve brune et deux seins, que le petit format rend facile à dissimuler, dans son cabinet de toilette, derrière un voile vert, s’il faut en croire Maxime Du Camp, qui déteste autant Courbet que les fantaisies et la richesse de l’Ottoman. L’identité de la propriétaire de cette toison pubienne si brune et de ces seins de marbre reste encore à déterminer ; Sarah aimerait beaucoup qu’il s’agisse du sexe de Marie-Anne Detourbay, alias Jeanne de Tourbey, qui mourut comtesse de Loynes, fit rêver Gustave Flaubert et fut la maîtresse – la muse – d’une bonne partie de ce Tout-Paris littéraire des années 1860, y compris peut-être celle du fringant Halil Bey."

(Boussole, pages 281)

Découvrez la vraie histoire du fameux tableau de Gustave Courbet avec cette émission de Raphaël Enthoven, qui recevait les historiens de l'art Michèle Haddad et Thomas Schlesser dans les "Nouveaux chemins de la connaissance" à l'occasion d'une série sur les origines, en 2011 :

"L'origine du monde" dans les Nouveaux chemins de la connaissance le 14/01/2011

58 min

Planche de 1888 sur le costume traditionnel persan
Planche de 1888 sur le costume traditionnel persan
- Auguste Racinet via Wikicommons

A Téhéran, la violence et la mort

"Avant de pouvoir songer au beau, il fallait se plonger dans la plus profonde horreur et l’avoir parcourue toute entière, disait Sarah – Téhéran sentait de plus en plus la violence et la mort, entre l’agression de Faugier, la maladie de Morgan, les pendaisons et le deuil perpétuel de l’imam Hossein. Heureusement, il y avait la musique, la tradition, les instrumentistes iraniens que je rencontrais grâce à Jean During, digne successeur de la grande école orientaliste de Strasbourg – au sein de l’Islam rigoriste et puritain brillent encore les feux de la musique, des lettres et de la mystique, de l’humour et de la vie. Pour chaque pendu, mille concerts, mille poèmes ; pour chaque tête coupée mille séances de zikr et mille éclats de rire."

(Boussole, page 318)

Frédéric Lenoir et Leili Anvar recevaient en 2013 le musicien Jean During dans une émission "Les Racines du ciel". Devenu ethnomusicologue après avoir découvert l'Iran où il s'est installé, Jean During explore le lien entre musique et extase :

Musique et extase : Düring dans "Les Racines du ciel" le 22/01/2013

54 min

Hafis, inspiration pour Goethe. Ici, "Hafis devant l'auberge" (1852).
Hafis, inspiration pour Goethe. Ici, "Hafis devant l'auberge" (1852).
- Anselm Feuerbach via wikicommons.

Goethe et son Divan "occidentoriental"

"C’est celle de l’édition originale du Divan . Ici aussi il y a de l’arabe, ici aussi il y a des différences entre l’arabe et l’allemand, comme tu peux le voir : en arabe, c’est Le Divan oriental de l’écrivain occidental . Je trouve ce titre très intrigant, peut-être à cause de l’apparition du scripteur "occidental". Ce n’est plus un objet mixte, comme dans l’original allemand, un divan "occidentoriental", mais un recueil d’Orient composé par un homme d’Occident. Du côté arabe des choses, il ne s’agit pas de mélange, de fusion de l’un et de l’autre, mais d’un objet oriental séparé de son auteur. Qui a traduit ce titre pour Goethe ? Ses professeurs de Iéna ? Au musée Goethe, j’ai vu une page d’exercices d’arabe – le maître s’amusait apparemment à apprendre (avec une jolie calligraphie de débutant) des mots extraits du recueil de Heinrich von Diez, un des premiers orientalistes prussiens, Denkwürdigkeiten von Asien in Künsten und Wissenschaften."

(Boussole, page 322)

"Voilà bien longtemps que j'avais l'immense désir de consacrer une émission au Divan occidental oriental, de Goethe, qui a profondément compté dans ma formation", commence par dire Abdelwahab Meddeb en préambule de cette émission "Culture d'islam" qu'il consacrait à l'Orient de Goethe en 2004 avec Leo Kreutzer :

Evocation de l'Orient de Goethe dans "Culture d'islam" le 26 /11/2004

49 min

Fernando Pessoa (1928).
Fernando Pessoa (1928).
- Manuel Martins da Hora via Wikicommons

De Téhéran au Lisbonne de Pessoa

"Sarah me parlait des tavernes de Lisbonne où Fernando Pessoa allait boire, entendre de la musique ou de la poésie, et effectivement, elles ressemblaient dans son récit aux meykhané iraniennes, à tel point que Sarah ajoutait ironiquement que Pessoa était un hétéronyme de Khayyam, que le poète le plus occidental et le plus atlantique d’Europe était en réalité un avatar du dieu Khayyam,

Après les roses, échanson, tu as versé

Le vin dans ma coupe et tu t’es éloigné.

Qui est plus fleur que toi, qui t’es enfui ?

Qui est plus vin que toi, qui t’es refusé ?

et dans d’interminables conversations avec l’ami Parviz, à Téhéran, elle s’amusait à retraduire en persan les quatrains de Pessoa, pour retrouver, disaient-ils, le goût de ce qui était perdu – l’esprit de l’ivresse."

(Boussole, pages 326-327)

Une émission "Culture d'islam" était consacrée en 2002 au poète mathématicien Khayyam, à l'occasion de la sortie d'une nouvelle traduction de ses Cent un quatrains de libre pensée par Gilbert Lazard :

"Cultures d'islam" sur Omar Khayyam le 25/11/2002

29 min

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Et pour poursuivre votre lecture en musique, voici une playlist inspirée par Boussole :

Choix des extraits littéraires et des titres musicaux : Annelise Signoret, de la Documentation de Radio France, avec la complicité de Mickaël Simon, à la discothèque.

Sélection d'archives radiophoniques : Odile Dereuddre, de la Documentation de Radio France.

Archives INA - Radio France