Fillon, Sarkozy, Guerini : quand les politiques livrent bataille (judiciaire)
Par Abdelhak El Idrissi
François Fillon a décidé de passer à l'offensive dans l'enquête sur l'embauche de membres sa famille, en remettant en cause la légitimité du Parquet National Financier. Une stratégie usitée par d'autres politiques avant lui pour faire dérailler des enquêtes.
Dans leurs stratégies face à la justice, les politiques mis en cause usent de tous les moyens à leur disposition, méthodes dilatoires comprises, pour se sortir d'enquêtes parfois embarrassantes. Revue non exhaustive de stratégies récentes.
Suite aux révélations du Canard Enchaîné et à l'ouverture rapide d'une enquête sur des soupçons d'emplois fictifs, François Fillon disait :
"La justice est saisie. Moi, j’ai confiance dans la justice"
Il ajoutait être "très soucieux d’être entendu très vite" et assurait même, au journal de 20 heures de TF1, qu’il renoncerait à la présidentielle s’il était "mis en examen". Depuis, le candidat à l'élection présidentielle semble avoir changé de stratégie vis-à-vis du déroulement de l'enquête. Est-ce parce que cette dernière semble avancer très rapidement et mettre en lumière de plus en plus d'éléments troublants ? En tout cas, François Fillon puis ses avocats ont amorcé cette semaine une contre-offensive.
Les avocats du couple Fillon ont annoncé cette semaine lors d'une conférence de presse que le Parquet National Financier n'était finalement pas compétent, selon eux, pour enquêter sur François Fillon et devait se dessaisir. Le lendemain, l'avocat du candidat allait plus loin en affirmant :
"La justice est en violation de l'Etat de droit"
François Fillon, qui a du mal à reprendre la campagne, a perdu près de 10 points dans les sondages, le plaçant désormais à la troisième place au premier tour de la présidentielle.
"Ne vous inquiétez pas, je n'en resterai pas là"

Récemment, c'est l'ancien président Nicolas Sarkozy qui était engagé dans une guérilla judiciaire pour repousser aussi loin que possible son renvoi devant le tribunal dans deux affaires qui menaçaient sa candidature. Il aura finalement bien réussi à ne pas être jugé avant l'élection, mais il n'avait pas prévu d'être éliminé dès le premier tour de la primaire de la droite. Ce qui a accéléré sa mise à la retraite de la vie politique.
L'affaire "Bismuth", qui est une affaire de corruption et trafic d’influence, était la plus menaçante pour Nicolas Sarkozy puisqu'il a été mis en examen en juillet 2014. Dès le départ, l'ancien président a ferraillé contre les deux juges d'instruction chargées de l'enquête, en mettant publiquement en cause l'une d'elles et en demandant sa récusation, sous prétexte de son appartenance au Syndicat de la Magistrature, classé à gauche. Demande rejetée par la Cour d'Appel de Paris. Nicolas Sarkozy refusera par la suite de répondre aux questions des juges.
Il a ensuite tenté de faire annuler les écoutes téléphoniques compromettantes à l'origine de l'affaire. Là encore, la demande a été rejetée, mais chaque contestation devant la Cour d'appel permet de gagner du temps. L'ancien président n'aura pas connu que des défaites dans cette histoire. Alors que les juges annoncent que leur enquête est terminée et donc quasiment prête à être jugée, l'avocat de Nicolas Sarkozy obtient pour une question de procédure, à juste titre, la réouverture de la procédure pour que son client soit de nouveau entendu par les juges. Une décision qui va repousser de plusieurs mois la fin de l'enquête. A ce jour, Nicolas Sarkozy, mis en examen, attend de savoir s'il va être renvoyé devant le tribunal pour être jugé.
Ce n'est pas la première fois que Nicolas Sarkozy met en cause un magistrat chargé d'enquêter sur lui. Suite à sa mise en examen dans le dossier Bettencourt, c'est son entourage qui s'en prend personnellement au juge d'instruction chargé de l'enquête, Jean-Michel Gentil. Henri Guaino, ancienne plume du président, s'en prendra d'abord à la "justice qui ne mérite plus son nom" et à des magistrats "pervers" et "psychopathes". A l'endroit du juge Gentil, il l'accusera d'avoir "déshonoré la justice".
Suite à sa mise en examen, Nicolas Sarkozy avait lancé au juge, selon des propos rapportés par le journal Le Monde : "Ne vous inquiétez pas, je n'en resterai pas là". Finalement, le juge décidera de ne pas poursuivre l'ancien président dans ce dossier, notamment à cause de la prescription de certains faits.
Jean-Noël Guérini et la récusation

A un autre niveau, l'ancien président socialiste du Conseil général des Bouches du Rhône avait lui aussi tenté de batailler contre les enquêtes le visant. Mis en examen pour association de malfaiteurs et trafic d'influence, il a demandé le dépaysement du dossier à cause de fuites dans la presse. Il avait également demandé la récusation du juge d'instruction chargé de l'enquêté, et avait refusé de répondre aux questions de ce dernier.
L'enquête portant sur la gestion des décharges publiques est ouverte depuis maintenant près de huit ans. Jean-Noël Guérini n'est plus président du Conseil départemental des Bouches du Rhône, mais toujours conseiller départemental et sénateur. Il attend de savoir s'il sera jugé dans cette affaire.