Fukushima jugée sousestimée par la Chine, surestimée par la Russie

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Fukushima jugée sousestimée par la Chine, surestimée par la Russie

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Fukushima: Le journal chinois Global Times accuse le Japon
Fukushima: Le journal chinois Global Times accuse le Japon
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13 avril 2011 - L'évaluation de la catastrophe nucléaire de Fukushima fait l'objet d'une polémique internationale. Le 12 avril, le Japon relève le niveau de gravité de 5 à 7 sur l'échelle Ines Le lendemain, un éditorial du journal chinois Global Times, dénonce une sousestimation du gouvernement nippon entretenue par le silence des pays occidentaux. Il note qu'il a fallu un mois aux Japonais pour passer du niveau 4 au niveau 7. Une "mauvaise conduite" qui, selon le Global Times, n'a pas été relevée par les états occidentaux ni par l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA. "Si un tel accident avait eu lieu dans un pays comme la Chine, les États-Unis et l'Europe auraient-ils fait preuve d'une telle tolérance?" , demande l'éditorial.

Sergueï Kirienko, directeur de l'Agence russe de l'énergie atomique (Rosatom)
Sergueï Kirienko, directeur de l'Agence russe de l'énergie atomique (Rosatom)
© Radio France

Sergueï Kirienko, directeur de l'Agence russe de l'énergie atomique (Rosatom) ©Radio France

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Le même jour, à Sanya, dans le sud de la Chine, Sergueï Kirienko, directeur de l'Agence russe de l'énergie atomique (Rosatom) commente la décision de classer Fukushima au niveau 7: "Il est difficile pour moi d'évaluer pourquoi les collègues japonais ont pris cette décision. Je soupçonne que c'est plus une question financière qu'une question nucléaire. Je suppose que cela pourrait être lié à la définition de la force majeure en ce qui concerne les assurances ? Il faut regarder cela avec attention. C'est un peu étrange" .

En France, l'IRSN a assez vite classé Fukushima au niveau 6. Sergueï Kirienko précise:"Nos estimations ont montré que le niveau était situé entre 5 et 6. Aujourd'hui, il n'atteint pas le niveau 6" .Les Russes tiennent-ils à conserver le record de l'accident nucléaire le plus grave de l'histoire avec Tchernobyl dont personne ne conteste le classement au niveau 7? Cette polémique entre Japon, Chine et Russie peut sembler déplacée, étant donné que le classement Ines est plus "qualitatif" que quantitatif. Elle est surtout prématurée. Contrairement à celle de Tchernobyl (1986), la catastrophe de Fukushima est loin d'être terminée. Tous les bilans des rejets radioactifs dans l'environnement ne prennent en compte que ce qui s'est passé au cours du premier mois. Certes, c'est le panache engendré par les explosions des 15 et 16 mars qui a envoyé dans l'atmosphère les particules radioactives qui ont voyagé autour de la planète entière. Mais la centrale continue à émettre en permanence des rejets radioactifs de moindre portée.

Fukushima: Injection d'azote dans le réacteur N°1
Fukushima: Injection d'azote dans le réacteur N°1

Fukushima: Injection d'azote dans le réacteur N°1 ©NHK World

Ainsi, lorsque Tepco a injecté de l'azote dans le réacteur N°1, aucune augmentation de la pression intérieure n'a été enregistrée. Preuve qu'il existe une fuite par laquelle s'échappe dans l'atmosphère les gaz radioactifs de la cuve du réacteur. Cette opération a pour objectif d'éviter une explosion de cette cuve en raison de l'accumulation d'hydrogène. c'est le même phénomène qui est à l'origine de la destruction des bâtiments des réacteurs 1, 3 et 4. Si la cuve d'un réacteur explosait, le classement au niveau 7 ne serait plus contesté. L'incertitude sur la gravité de la catastrophe souligne une caractéristique du nucléaire brillamment analysée par Stéphane Foucart dans son article publié par Le Monde du 9 avril 2011. Le journaliste souligne que les centrales atomiques ont ce pouvoir particulier d'échapper au contrôle de l'homme en tenant à distance. En effet, il reste impossible, aujourd'hui, d'examiner l'état exact du cœur de 4 réacteurs à Fukushima. Ont-ils fondu? A quel degré? Présentent-ils des fuites? De quelle ampleur? Personne ne peut répondre à de telles questions pour la bonne raison qu'il est impossible d'accéder aux réacteurs à cause des radiations qu'ils émettent. Toutes les mesures ne sont donc qu'indirectes (température, pression, radioactivité...). Rien de visuel. Le nucléaire interdit ainsi l'homme d'accès au moment où il a le plus besoin d'informations précises.

Après un mois de lutte, les liquidateurs de Fukushima n'ont réussi qu'à stabiliser une situation qui a failli leur échapper. Les circuits de refroidissement normaux ne sont pas rétablis. Trois bâtiments sont détruits. Environ 60 000 tonnes d'eau ont été déversées sur les cœurs et dans les piscines dont une partie a été rejetée à la mer, le reste devant être traité sur place. Les Japonais sont encore loin d'un contrôle de Fukushima. Et la Terre continue de trembler tous les jours dans la région de la centrale. Il est donc encore trop tôt pour qu'une évaluation de la gravité de la catastrophe puisse être raisonnablement établie.

**M.A. **

Vidéo: ** Un expert très pessimiste sur RT, la chaine russe de télévision en anglais:**
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