Geoffrey Livolsi : "La DGSI nous a sorti tout le décorum, au 4e sous-sol, avec 7 pages de questions"

La Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), créée par le décret du 30 avril 2014, dépend du ministère de l'Intérieur. Elle a récemment convoqué 8 journalistes, sous différents statuts.
La Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), créée par le décret du 30 avril 2014, dépend du ministère de l'Intérieur. Elle a récemment convoqué 8 journalistes, sous différents statuts.

Geoffrey Livolsi : "La DGSI nous a sorti tout le décorum. Nous avons été amenés au 4e sous-sol avec 7 pages de questions"

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Geoffrey Livolsi : "La DGSI nous a sorti tout le décorum, au 4e sous-sol, avec 7 pages de questions"

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Entretien | Journaliste à Disclose, Geoffrey Livolsi a été auditionné il y a une quinzaine de jours par la DGSI au sujet de son enquête sur l'utilisation d'armes françaises au Yémen. Il raconte les conditions de son interrogatoire et s'inquiète des convocations répétées de journalistes ces derniers jours.

Ce mercredi encore, la grand reporter du Monde Ariane Chemin a répondu à la convocation de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Dans le cadre d'une audition libre, elle a été interrogée au sujet de son enquête sur Alexandre Benalla pour "révélation de l'identité d'un membre des forces spéciales". Le président du directoire du journal Le Monde, Louis Dreyfus, a également été entendu par la DGSI mercredi matin. Ces convocations interviennent après celles de sept autres journalistes du site Disclose, de Radio France et de l'émission "Quotidien" de TMC, avec cette fois pour point commun d'avoir enquêté sur l'utilisation d'armes françaises au Yémen. Elles ont soulevé une vague de protestations de journalistes et de personnalités politiques, qui y voient une atteinte au droit d'informer.

Geoffrey Livolsi travaille à Disclose et il était l'invité de notre journal de 12h30 de ce mercredi.

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On vous a reproché de ne pas avoir respecté le secret défense. Vous l'assumez totalement ?

On assume d'avoir publié ces documents confidentiel défense. Ils sont toujours en ligne actuellement.

On assume parce que ce sont des informations d’intérêt public. Et ce sont des informations qui ne mettent pas en danger des opérations militaires françaises ou des agents militaires français sur le terrain. On est vraiment sur des documents qu’on peut appeler "service après-vente" de vente d’armes. Suite à des accords commerciaux. Certes, ils sont couverts par le "confidentiel défense", mais ce que révèlent ces documents, ce sont des informations d’intérêt public.

Comment s'est passé votre audition ?

Ils nous ont sorti le décorum. Nous avons été amenés au 4e sous-sol de la DGSI, dans des salles d’interrogatoires capitonnées. Et dans cette heure qui s’est écoulée assez rapidement, parce qu’on a refusé de répondre aux questions, ils ont décliné 7 pages au total de questions, qui allaient des logos de Disclose à la structuration financière du média, à nos médias partenaires comme Radio France.

Vous étiez sous le régime d’une audition libre, assisté de votre avocat. A-t-il dit quelque chose ?

Il s’est exprimé au début, notamment, pour dénoncer cette procédure qui contourne la loi de la liberté de la presse.

Connaissez-vous les suites de l'enquête ?

La dernière suite, c’est qu’un troisième journaliste de Disclose a été entendu hier. Mais sous le statut de témoin dans cette enquête, sans avocat. C’est le petit changement qu’ils ont effectué, parce que cela permet, effectivement, d’entendre sans avocat.

Ce journaliste n’a pas gardé le silence mais invoqué le secret des sources pour ne pas répondre à ces questions. Maintenant, on est dans l’attente de la suite. Va-t-il y avoir d’autres auditions de journalistes de Disclose ? 

Pourquoi auditionner des journalistes si c’est pour ne pas les condamner ?

Il y a deux intérêts : le premier, pour eux, est de trouver les sources des journalistes, que ce soit dans l’affaire qui concerne Ariane Chemin, ou dans l’affaire du Yémen. C’est d’identifier nos sources. Deuxième intérêt : envoyer une nouvelle fois un message aux sources des journalistes, en leur disant : "Nous allons vous traquer ! Nous allons vous chercher si vous informez les journalistes de secrets d’Etat". Et il s'agit enfin, aussi, d’intimider directement les journalistes, et surtout de nous occuper. Car tout le temps que nous passons à nous défendre et à aller aux auditions de la DGSI est du temps sans pouvoir enquêter. 

Qui intimide ?

A ce niveau-là, c’est compliqué de savoir. C’est mené par le parquet de Paris. Le parquet de Paris, c’est un procureur récemment nommé par le président de la République. Le Président qui avait refusé pour la première fois, Mediapart en avait parlé, toutes les propositions du ministère de la Justice, et avait donc imposé le procureur actuel de Paris. Procureur aux ordres, ou pas, c’est la question. En tout cas, il y a clairement une volonté aujourd’hui, réaffirmée par tout l’exécutif et Emmanuel Macron en premier, de mener des procédures contre les journalistes qui dévoilent des sujets d’intérêt public.

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