George Orwell, écrivain révolutionnaire

George Orwell, auteur de "1984" et "La Ferme des animaux"
George Orwell, auteur de "1984" et "La Ferme des animaux"

George Orwell, écrivain révolutionnaire

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George Orwell, écrivain révolutionnaire

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Souvent réduit à un écrivain de dystopies et à un auteur anti-communiste, George Orwell fut pourtant un socialiste convaincu et un révolutionnaire engagé. Son parcours politique dense se concentre sur plusieurs combats contre la colonisation, le fascisme et l’exploitation du prolétariat.

Eric Arthur Blair naît en 1903 dans les Indes britanniques mais grandit en Grande-Bretagne dans une famille de la petite bourgeoisie. Enfant, il est marqué par les discours féministes de ses tantes, engagées avec les suffragettes. Élève brillant mais indiscipliné, il accède au prestigieux Eton College. Il y découvre l’élitisme et le mépris de classe des enfants de la haute société.

Stéphane Maltère, auteur de George Orwell (Folio Gallimard, 2015): “Lui, s’est défini, sans doute par plaisanterie, comme un anarchiste conservateur. Il est fidèle à ses idées, il n’est pas influençable et il est porteur d’une vision du monde qui nous parle encore aujourd’hui et c’est pour ça que George Orwell fait partie de ces auteurs qui nous permettent de penser et de réfléchir aujourd’hui sur notre monde.” 

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À 19 ans, il marche sur les traces de son père et devient sergent de police coloniale en Birmanie.

Stéphane Maltère : “Il se rend vite compte qu’il n’a rien à faire là, que c’est contre ses valeurs, qu’il est dans un système d’oppression dans lequel il ne pouvait rien. Il parle de 'machinerie' et 'd’oppression', il est vraiment un rouage de tout ça.”

“L’Empire des Indes est un despotisme […] qui a le vol pour finalité” 

George Orwell, Une histoire birmane, 1934

Le socialiste

Écœuré, il démissionne et rentre en Europe pour vivre de sa plume sous pseudonyme. Ce sentiment de culpabilité et de révolte le pousse à s’intéresser au sort des plus démunis. Il vit en compagnie de vagabonds, de travailleurs pauvres, documente leurs conditions de vie, leur misère, leurs maladies. À 25 ans, il s’installe quelques mois à Paris, vit de petits boulots et fait la plonge dans les cuisines d’un grand hôtel parisien. Il tire de cette immersion un récit autobiographiques Dans la dèche à Paris et à Londres.

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Il voyage dans le nord de l’Angleterre, s’intéresse à la condition des mineurs.

Stéphane Maltère : “Il a vraiment besoin pour son écriture naissante à ce moment-là, de se nourrir d’expériences particulières, il va descendre dans la mine lui-même. Il voit une solidarité, une humanité, une amitié qui peut naître, une fraternité, c’est très important pour lui.”

L’antifasciste

En 1936, George Orwell rejoint l’Espagne pour se battre contre les franquistes. Engagé sur le front avec le Parti ouvrier d'unification marxiste (Poum), il est fasciné par cette expérience révolutionnaire. Mais il se méfie déjà de l’influence de la propagande de l'URSS sur certains groupes de combattants.

Stéphane Maltère : “Il voit aussi quelque chose de très important, c’est la désinformation. Une action à laquelle il a participé est racontée dans les journaux le lendemain, avec une conclusion, une interprétation complètement différente. Il est confronté à la question de la vérité, du mensonge, de la falsification de la vérité. Tout ça, ça naît déjà durant la guerre d’Espagne.” 

Blessé à la gorge au combat, il est contraint de quitter l’Espagne.

Le patriote révolutionnaire

À 35 ans, Orwell adhère au Parti travailliste indépendant britannique. Il explique que “le seul régime qui, à long terme, peut accorder la liberté de parole est un régime socialiste.”

Emmanuel Roux, auteur de George Orwell : la politique de l'écrivain (Michalon, 2015) : "Il voit le communisme stalinien comme une vraie subversion de l'idéal socialiste. Il est très méfiant à l'égard de la doctrine socialiste communiste marxiste qu'on peut résumer à imposer par la domination de nouveaux modes de vies fondés sur la mécanisation de l'existence, sur la disparition des vertus traditionnelles. Orwell va définir a contrario un socialisme du déclassé, un socialisme moral, un socialisme de l'homme romantique."

Orwell, d’abord pacifiste, soutient ensuite farouchement la guerre contre l’Allemagne nazie. Sa mauvaise santé et ses poumons fragiles, l’empêchent de s’engager dans l’armée mais il rejoint les “home guards”, milice populaire de défense en cas d’invasion allemande.  

Il anime aussi des programmes à la BBC, en soutien à l’effort de guerre.

Stéphane Maltère : “Il prend de cette BBC très administrative, très contraignante du point de vue des protocoles à suivre, d’une autocensure qu’il faut s’infliger, c’est aussi une inspiration pour 1984. La BBC et le ministère ont apparemment beaucoup de points communs dans sa conception.”

À 38 ans l'écrivain publie un essai aux allures de programme politique. Il espère une victoire rapide des Alliés pour qu’une révolution populaire éclate au Royaume-Uni. Il prône des nationalisations massives, une réduction des inégalités de revenus, l'autonomie des Indes.

Vers la fin de la guerre, Orwell écrit La Ferme des animaux une critique virulente du stalinisme, alors que l’URSS est alliée au Royaume-Uni.

Emmanuel Roux : "Il montre que derrière la révolution se cachent des enjeux de pouvoir, de domination personnelle extrêmement forts."

À 46 ans, Orwell publie 1984, roman d’anticipation qui fait la synthèse de ses craintes. Malade de la tuberculose et affaibli, l’auteur termine sa vie dans une ferme en Écosse. Il meurt le 21 janvier 1950.

Emmanuel Roux : "Il y a aussi la critique du totalitarisme dans 1984, mais qui n'est pas corrélée à un régime politique particulier et qui est plus une sorte d'analyse un peu prophétique de ce qui pourrait se passer si toutes les tendances de la modernité se radicalisaient : le progrès technique, le progrès des sciences, etc. Orwell est un très grand penseur politique qui se rattache à la grande tradition de La Boétie, de Machiavel autour de la démystification des techniques de pouvoir, de domination qui font que les gens perdent le contrôle de leur vie."

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