Pour cet homme qui "n’est pas à vendre", le seul engagement est le refus de toute étiquette. L’expérience de la guerre d’Espagne lui a ouvert les yeux. Comment l’Eglise a pu soutenir les crimes franquistes ? Comment rester fidèle à une Eglise qui bafoue les convictions premières de tout chrétien ?
On retrouve ce besoin d’être en constante cohérence avec ses propres principes dans chacun des engagements de Georges Bernanos. Il tenait en horreur les "catholiques de plume" qui finalement se trouvaient être des personnages irréductibles à toute tutelle idéologique. C’est bien cette force de conviction que l’on retrouve dans les romans bernanosiens. Georges Bernanos a toujours eu le souci, de révéler ce qu’il y a derrière les étiquettes et les apparences. Ses héros ont un pouvoir de vision qui leur permet de percer le secret des êtres. Le surnaturel n’est pas un monde meilleur ou distinct du réel, c’est l’auteur qui le fait surgir au milieu du quotidien. Si notre société est déchristianisée, elle n’est pas moins en proie et à la recherche d’un sacré. Plus étonnant encore, c’est la lucidité avec laquelle Bernanos a su percevoir les enjeux sociétaux qui commençaient à se dessiner au début du XXe siècle, enjeux qui n’ont pas cessé de prendre de l’ampleur depuis. L’un de ses objectifs, suite aux atrocités de la Première Guerre mondiale, a été de trouver un sens profond à ce carnage. Quelle image jeter à la face des gens pour que ceux-ci prennent conscience que l’on est entré dans un siècle ? Bernanos a su appréhender les débuts de la robotique, la confusion des valeurs, l’accélération du monde... Toute son œuvre a été écrite en vue de conserver une vie intérieure dans ce bouillonnement technologique qui tend à modifier en profondeur les modalités de notre monde moderne.
Quand il faut rompre au nom du Christ, au nom de ses propres valeurs, on rompt : c’est la règle des libertés sans conformisme, des libertés vivantes.
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Une table ronde enregistrée en 2015.
François Angelier, producteur de l’émission Mauvais genres sur France Culture, auteur de "Georges Bernanos" (Ed. Pygmalion, 1999)
Gilles Bernanos, petit-fils et administrateur de l’œuvre de Georges Bernanos, président de l’ Association internationale des amis de Georges Bernanos
Claire Daudin, écrivaine, auteur de " Dieu a-t-il besoin de l’écrivain ? Péguy, Bernanos, Mauriac" (Ed. du Cerf, 2006).