Giorgio De Chirico : "Il n'y a que moi qui peux parler de ma peinture"
1965. Troisième et dernier entretien avec le peintre Giorgio De Chirico qui s'en prend aux critiques d'art, qui ne servent à rien selon lui. Il s'exprime sur la peinture de son époque dont il dit qu'elle est dans le coma car les peintres ne savent malheureusement plus peindre.
Dans ce troisième volet d'"Entretiens avec" enregistré en 1965, le peintre Giorgio De Chirico évoque son passage à New York pendant un an en 1935 où les gratte-ciel lui faisaient penser "à Babylone" mais il confie s'y être beaucoup ennuyé. Il relate ensuite sa collaboration en 1929 avec le chorégraphe Diaghilev pour lequel il créa les costumes et les décors de son ballet "Le bal", "un type pas très sympathique", conclue-t-il.
"Entretiens avec" Giorgio de Chirico 3/3. Une diffusion du 10/05/1965
16 min
Le peintre s'insurge contre les écrits des critiques d'art qui voient des époques et des classifications dans ses œuvres. Il estime que seul l'artiste peut penser son œuvre, si tant est qu'il soit assez lucide.
Les critiques d'art et tous ces gens qui aujourd'hui s'occupent plus ou moins de peinture se croient obligés de classifier les peintres [...] c'est une manie parce qu'il faut qu'ils aient quelque chose à écrire, autrement qu'est-ce-qu'ils écriraient ?
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, il dit qu'il ne voyait pas très bien ce qu'il se passait avant de lancer une boutade : "Je pense que deux calamités sont nées à Munich, le nazisme et la peinture moderne qui a envahi le monde." Puis il donne son avis sur la peinture contemporaine : "Elle est dans le coma." Il aurait préféré vivre à une autre époque, comme au temps de la Renaissance italienne..
La peinture actuelle est dans le coma. La cause ? C'est parce que les peintres ont perdu le métier, ils ne peuvent plus peindre. Un peintre qui ne peut plus peindre, c'est comme un amant qui ne pourrait pas fonctionner comme amant. Les critiques servent seulement à augmenter le coma. Le rôle des marchands est aussi négatif du point de vue de l'art. Ils n'ont qu'un seul but, c'est de gagner de l'argent. Le public ne compte pas, c'est une matière amorphe qui ne compte pas, qui suit ce qu'on lui dit. Ça n'existe pas le public.
La critique devrait commencer par disparaître. D'ailleurs au temps où les peintres savaient peindre, il n'y avait pas de critiques. La critique ne sert à rien, qu'est-ce-que vous voulez critiquer ?
- "Entretiens avec"
- Première diffusion le 10/05/1965
- Producteur : Romano Sistu
- Indexation web : Odile Dereuddre, de la Documentation de Radio France
- Archive INA - Radio France