'Greenfib' : un nouveau matériau 100% biosourcé pour un monde sans plastique

Publicité

'Greenfib' : un nouveau matériau 100% biosourcé pour un monde sans plastique

Par
Le Greenfib,  breveté en 2011 est résistant à la torsion, anallergique, inoxydable, ininflammable, résistante aux UV et recyclable jusqu'à trois fois.
Le Greenfib, breveté en 2011 est résistant à la torsion, anallergique, inoxydable, ininflammable, résistante aux UV et recyclable jusqu'à trois fois.
- Greenfib

Demain l'éco. La jeune pousse installée sur le technopôle du Futuroscope de Poitiers a mis au point un polymère à base de graines de ricin, de roseaux et de coquilles d’huîtres. Produite en France, cette nouvelle matière recyclable peut remplacer dans de nombreux usages le plastique issu de la pétrochimie.

Le concept a été posé en 2009 par une équipe internationale de 26 chercheurs, menés par Johan Rockström et Will Stephen du Stockholm Resilience Center_._ Dans un article publié dans la revue Nature, ils identifiaient les 9 limites planétaires à ne pas dépasser si l’humanité voulait pouvoir se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales potentiellement catastrophiques et difficilement prévisibles de l’environnement.

En 2022, c’est dans une nouvelle étude signée par plus de 14 scientifiques dans la revue Environmental Science et Technology qu’on apprenait que l’humanité venait de franchir la cinquième limite planétaire, celle de la pollution chimique, dont le plastique. Selon les chercheurs du Stockholm Resilience Center, la production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis le début des années 1950. Elle devrait même encore tripler d’ici 2050. À elle seule, la production plastique a augmenté de 79% entre 2000 et 2015 rapportent les chercheurs. Quant à la masse totale de plastiques présents sur Terre, elle est plus de deux fois supérieure à la masse de tous les mammifères vivants**. **

Publicité

Environ 80 % de tous les plastiques produits finissent dans l’environnement quand seulement 10% du plastique fabriqué est recyclé.

Sarah Cornell qui a participé à l'étude plaide avec ses collègues chercheurs pour la réduction de la production et du rejet de polluants.

Passer à une économie circulaire est vraiment important. Cela signifie changer les matériaux et les produits afin qu’ils puissent être réutilisés et non gaspillés, concevoir des produits chimiques et des produits capables d’être recyclés, et mettre en place un bien meilleur traçage des produits chimiques concernant leur sécurité et leur durabilité tout au long de leur chemin d’impact dans le système terrestre.

Une matière pour un futur plus propre

La matière qui pollue le moins est celle que l'on ne produit pas. Fort de ce principe, Luc Ménétrey, opticien et inventeur du Greenfib, a longtemps réfléchi au recyclage des paires de lunettes que l’on abandonne au fond de nos tiroirs après quelques années d’utilisation. Il y a quinze ans, c’est par le biais de missions humanitaires en Afrique qu’il donnait une deuxième vie à ces montures. S’il répondait à un besoin, la réponse était toutefois décevante d’un point de vue écologique, déplaçant seulement la pollution des lunettes usagées sur un autre continent.

C’est la matière elle-même qu’il fallait inventer. Une matière 100% biosourcée qui n’utiliserait aucune ressource qui puisse faire concurrence à l’alimentation humaine ou animale.

Sa matière idéale, il l’a trouvée dans la graine de ricin. Une plante que l’on trouve en Inde, qui pousse sur des terres semi arides où rien d’autres n’arrivent à pousser et qui ne demande pas plus d’eau que celle de la mousson. De cette graine est extraite de l’huile dont on fait un polymère, le Rilsan. La société Arkema en produit depuis des années et c’est la matière de base du Greenfib.

Le Greenfib se présente sous forme de granulés, de plaques ou de filaments pour impression 3D
Le Greenfib se présente sous forme de granulés, de plaques ou de filaments pour impression 3D
- Greenfib

Dans la formulation qu’il a mise au point avec le laboratoire Valagro de Poitiers, Luc Ménétrey a rajouté des poudres minérales extraites des déchets de l’ostréiculture bretonne et du talc d’Ariège et des farines végétales non alimentaires comme le roseau d’Indre. Autant d’ingrédients naturels produits en France qui donnent à ce nouveau matériau breveté un atout supplémentaire. Sans adjuvant chimique, le Greenfib possède de nombreuses qualités : ultra solide, léger, durable et recyclable, il peut servir à la fabrication de nombreux objets remplaçant avantageusement le plastique pétrosourcé.

Le reportage sur cette matière entièrement biosourcée, par Annabelle Grelier.

3 min

Redéfinir le prix et la valeur

La matière qui pollue le moins est une matière qui dure. Cette fois, c’est Cyr Dioré, son associé dans l’aventure Greenfib qui manie le concept.

Le Greenfib est un matériau qui a une stabilité de trente ans comme il est recyclable au moins 3 fois, on a 120 ans devant nous. Mais pour tirer profit de ses qualités, il faut de la cohérence dans les usages. Si on a un objet fait d’une matière durable qui sera jeté au bout deux jours, il sera incinéré et tout le potentiel sera parti en fumée.

L’entreprise est donc résolue à suivre une démarche responsable en trouvant des débouchés qui sont à ses yeux durables.

Luc Ménétrey et Cyr Dioré, les deux fondateurs de Greenfib
Luc Ménétrey et Cyr Dioré, les deux fondateurs de Greenfib
© Radio France - Annabelle Grelier

Greenfib n’est pas une entreprise industrielle, elle ne produit pas mais elle propose ses formulations aux entreprises à la recherche d’un matériau 100% biosourcé. Depuis la rentrée dernière, 40 000 paires de lunettes ont été fabriquées par la marque nantaise Oxo en Greenfib qui sont commercialisées dans l’enseigne mutualiste Ecouter Voir. 850 magasins dans lesquels s’organisent également le recyclage à travers des points de collectes.

Les contrats se multiplient et le Greenfib se niche un peu partout. Vous l’avez peut-être déjà vu dans les décorations de Noël des villes de Bordeaux ou de Besançon ou encore en lunch box dans les magasins  Biocoop ou en stylos à bille d’une fameuse marque française.

Montures de lunettes, chargeurs de téléphone, contenants alimentaires, le Greenfib a déjà été choisi pour fabriquer des objets du quotidien par de grandes marques françaises
Montures de lunettes, chargeurs de téléphone, contenants alimentaires, le Greenfib a déjà été choisi pour fabriquer des objets du quotidien par de grandes marques françaises
© Radio France - Annabelle Grelier

Le Greenfib qui se présente sous forme de granulés, de plaques ou de filaments peut s’injecter dans un moule par un plasturgiste, ou être utilisé dans les imprimantes 3D, trouvera bientôt de nombreuses déclinaisons dans nos objets du quotidien : des boitiers de montre, aux chargeurs de téléphone ou interrupteurs électriques.

Seul frein à son développement : son prix qui reste 5 à 10 fois plus cher qu’un plastique pétrosourcé, Un faux problème, estime toutefois Cyr Dioré :

Le prix est en train de changer de définition. Il faut aujourd’hui pour estimer le prix d’un produit analyser tout le cycle de vie. Notre matière est économe en ressources, réutilisable et fabriquée en France. Vue de l’amont à l’aval de l’acte d’achat, elle devient compétitive.

À l’heure des constats alarmants de la pollution chimique et plastique sur notre planète, il faut en effet accepter que l’écologie ait un prix.

> Découvrez ici tous les reportages de 'Demain l'éco' sur la transition économique