Harcèlement : Catherine Deneuve assume la tribune polémique, mais s'excuse auprès des victimes

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Harcèlement : Catherine Deneuve assume la tribune polémique, mais s'excuse auprès des victimes

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Catherine Deneuve
Catherine Deneuve
© Getty - Edward Berthelot

Après une semaine folle où la polémique s'est déchaînée autour de la tribune publiée dans le journal Le Monde, l'actrice Catherine Deneuve qui faisait partie des signataires, a pris la parole dans le journal Libération et affirme que "rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon".

Alexandra Schwartzbrod, directrice-adjointe de la rédaction de Libération, revenait ce lundi dans Les Matins de France Culture sur le texte que leur a transmis la comédienne vendredi, après s'être retrouvée au cœur de la polémique.

Dans Libération, Catherine Deneuve répond à la polémique

3 min

Semaine folle où les pires bêtises ont été proférées, je pense notamment à Catherine Millet et Brigitte Lahaie sur le viol, la première déplorant ne pas en avoir été victime pour « pouvoir témoigner qu'on peut s'en sortir », la deuxième affirmant que l'on peut « jouir lors d'un viol », bref, des propos qu'on préférerait oublier. Catherine Millet et Brigitte Lahaie étaient co-signataires, je le rappelle, d'une tribune publiée par Le Monde et signée entre autres par Catherine Deneuve fustigeant le mouvement Balance ton porc et dénonçant «le puritanisme» et la « campagne de délations » entraînés par l’affaire Weinstein. 

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"Quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient, on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale"

Alors, à Libé, nous sommes allés chercher Catherine Deneuve pour savoir si elle se sentait toujours solidaire de ses co-signataires, nous avions assez peu d'espoir car la femme est très secrète, elle ne s'expose que dans le cadre du cinéma, et pourtant elle a accepté de parler à Anne Diatkine, signe qu'elle n'en pouvait plus d'entendre débiter, quasi en son nom, des propos qu'elle ne partage absolument pas. En d'autres termes, Catherine Deneuve siffle, ce matin dans Libé, la fin d'un jeu qui devenait un peu malsain. «Oui, j’ai signé cette pétition, nous écrit-elle, et cependant, il me paraît absolument nécessaire aujourd’hui de souligner mon désaccord avec la manière dont certaines pétitionnaires s’octroient individuellement le droit de se répandre dans les médias, dénaturant l’esprit même de ce texte. Dire sur une chaîne de télé qu’on peut jouir lors d’un viol est pire qu’un crachat au visage de ­toutes celles qui ont subi ce crime. Non seulement ces paroles laissent entendre à ceux qui ont l’habitude d’user de la force ou de se servir de la sexualité pour détruire que ce n’est pas si grave, puisque finalement il arrive que la victime jouisse. Mais quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient, on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale. C’est indigne. Et évidemment rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé. » On voit donc que Catherine Deneuve est en colère. Nous devons vivre ensemble, dit-elle, sans “porcs”, ni “salopes”. "Je salue fraternellement toutes les victimes d’actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune parue dans le Monde, c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses. »

Denis Ramond contre l'instrumentalisation du philosophe Ruwen Ogien

Nous publions une autre tribune, et cette fois c'est un homme qui est en colère contre cette fameuse tribune parue dans Le Monde. Denis Ramond est docteur en sciences politique et il apprécie très peu que le philosophe Ruwen Ogien, mort l'an dernier et défenseur bien connu des libertés individuelles, ait été utilisé pour avaliser la liberté d'importuner. "Les rédactrices de cette tribune proposent d'ajouter à la liberté d'offenser prônée par le philosophe une liberté d'importuner qui serait de même nature et deviendrait une véritable condition de la liberté sexuelle, écrit-il. Son idée était qu'il est possible de défendre une liberté de choquer, c'est-à-dire d'attaquer les croyances, les symboles et les dogmes sans pour autant porter préjudice à des personnes. Ce qui a pour corollaire une morale sexuelle fondée sur le consentement. On saisit tout ce qui sépare cette vision, d'une liberté d'importuner qui, par définition, revient à nuire à des personnes en forçant leur consentement. Les amateurs véritables de la liberté ne sont pas si nombreux, Ruwen Ogien était l'un d'entre eux, c'est pourquoi sa voix manque".