
CARTE. Depuis sa refonte dans les années 70, le Parti socialiste s'est imposé comme parti de gouvernement au sein du système politique de la Ve République. Souvent divisé, c'est en réalisant l'Union des gauches que le parti parvient à conquérir le pouvoir avant que le PS ne prenne le dessus.
Depuis l'instauration de la Ve République en 1958, la gauche peine à accéder au pouvoir au niveau national. Pour remédier à cette problématique, les cadres et militants de la gauche se réunissent le 11 juin 1971, lors du congrès d'Epinay, pour rassembler l'ensemble des mouvances et créer un parti de gouvernement. Pour prendre la direction de ce nouveau parti, François Mitterrand axe sa ligne politique sur la rupture avec le capitalisme. A la tribune, il déclare :
"Violente ou pacifique, la révolution est d'abord une rupture. Celui qui n'accepte pas la rupture, la méthode cela passe ensuite. Celui qui ne consent pas à la rupture avec l'ordre établi, politique, cela va de soi, c'est secondaire... Avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste."
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Pour remporter le scrutin, il s'allie avec les cadres de l'époque : Pierre Mauroy, Gaston Defferre et Jean-Pierre Chevènement. Suite à son accession au poste de Premier secrétaire, à la surprise générale, la création de la stratégie de l'Union de la gauche prend forme le 27 juin 1972 avec la signature du "programme commun de gouvernement" par le Parti communiste, le Parti socialiste et le mouvement des radicaux de gauche. Une Union qui vole en éclat en 1977. Robert Fabre, président du mouvement des radicaux de gauche, déclare à l'époque :
"Les radicaux de gauche ont participé à cette réunion au sommet avec la volonté d'aboutir à un accord renforçant l'Union de la gauche grâce à un programme commun correspondant aux aspirations des Français et aux réalités de notre temps. Ils regrettent de constater que le Parti communiste a maintenu ses nouvelles propositions, bouleversant les principes et les équilibres sur lesquels avait été fondé le programme de 1972. Dans ces conditions, la délégation du MRG estime, dans l'intérêt même de la gauche, que l'actuelle réunion au sommet ne peut se poursuivre."
Cette division est l'une des causes de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1978. Néanmoins, suite à cette défaite, le rapport de force entre le Parti communiste et le Parti socialiste évolue en faveur de ce dernier.

Mitterrand, premier président socialiste de la Ve République
Depuis l'instauration de la Ve République, en 1958, la France n'a connu que des gouvernements de droite. Il faut attendre l'élection présidentielle de 1981 pour voir arriver au pouvoir le premier président de la République de gauche, après 23 ans de pouvoir exercé par la droite. Une victoire qui s'explique en partie par la division entre une droite libérale incarnée par Valéry Giscard d'Estaing et une droite Gaulliste incarnée par Jacques Chirac. La crise des années 70 influence également le vote de l'époque en faveur de l'opposition. Des voix que François Mitterrand a su capter en plus des voix du Parti communiste. François Mitterrand qui avait aussi réussi à écarter la "deuxième gauche", incarnée depuis le congrès de Nantes de 1977 par Michel Rocard.

1986 : première cohabitation
Situation inédite en France. Beaucoup s’interrogent. François Mitterrand pourra-t-il se maintenir à l’Elysée ? Certains réclament sa démission. La gauche aux législatives de 1986 ne pèse que 32% des voix.
Pourtant, cette cohabitation va tourner à l’avantage du Président. Il marque des points quand son Premier ministre Jacques Chirac semble subir. C’est le cas à l’international, Mitterrand le prive de parole. Pour les affaires intérieures, il refuse, par exemple, de signer certaines ordonnances remettant en cause les avancées sociales acquises depuis son arrivée au pouvoir en 1981. Impression renforcée à l’automne 1986 par les grandes manifestations étudiantes et le retrait du projet d’Alain Devaquet, après la mort de Malik Oussekine matraqué par des policiers (dont le 30e anniversaire vient d’être commémoré).
A lire : Il y a 30 ans, la mort de Malik Oussekine illustrait les techniques policières de l'époque
A mesure qu’approche l’échéance présidentielle de 1988, Jacques Chirac ne tient plus en place et entre en campagne, peut-être trop tôt. François Mitterrand, lui, fait durer le suspense. Son adversaire n’a pas d’adversaire. Mitterrand annonce sa candidature le 22 mars. Les jeux sont faits. Il est réélu avec 54,02% des voix au soir du second tour. Les Français lui donneront une majorité de gauche pour gouverner. Il recommencera en propulsant Michel Rocard à Matignon.
Génération Mitterrand
Suite à la victoire de François Mitterrand en 1981, le parti perd les élections législatives de 1986. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République un gouvernement de cohabitation se met en place. Jacques Chirac, alors maire de Paris et chef de l'opposition, est nommé par le président pour devenir Premier ministre. Après deux ans de gouvernance, l'élection présidentielle de 1988 donne rapidement l'avantage au président sortant. Au premier tour, l'aile droite de l'échiquier politique est divisée. François Mitterrand obtient 34,11% des voix, suivi de Jacques Chirac avec 19,96%, Raymond Barre avec 16,54% et Jean-Marie Le Pen avec 14,38%. Une poussée du Front national qui affaiblit de facto la droite et qui avantage le parti socialiste à court terme mais qui s'avère un danger pour l'ensemble des partis à l'avenir.
Au second tour, le président sortant confirme sa percée. Le candidat Jacques Chirac arrive en tête dans seulement 20 départements.

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Fin de l'ère Mitterrand : moins de 60 députés PS à l'Assemblée
Échec cuisant de la gauche aux législatives. On parle alors de vague bleue. Les élections cantonales et régionales de mars 1992 avaient déjà annoncé la défaite.
C’est donc une seconde cohabitation qui s’ouvre. François Mitterrand nomme Édouard Balladur à Matignon. Échaudée par la première expérience, en 1986, la droite mène une action plus ou moins prudente. Chacun attend l’échéance de 1995.
C’est aussi tout doucement la fin de l’histoire Mitterrand. Il y a la maladie bien sûr, mais aussi le suicide de son ami Pierre Bérégovoy, à Nevers, le 1er mai 1993, alors que toute la classe politique dont le Parti socialiste est éclaboussée par les « affaires ». Il y a la mise au jour dans le livre de Pierre Péan "Une jeunesse française" des relations de François Mitterrand avec René Bousquet, l’un des responsables de la rafle du Vél’ d’hiv’. Il est attaqué sur sa politique extérieure : la réunification allemande, la Yougoslavie, le Rwanda. Il quitte l’Élysée le 17 mai 1995. Et il décède le 8 janvier 1996.
A écouter : François Mitterrand a t-il été le fossoyeur du socialisme ?
1997 : Dissolution
A la surprise générale, après deux ans de pouvoir, Jacques Chirac annonce la dissolution de l'Assemblée nationale :
Le résultat de l'élection est sans appel : le nombre de députés socialiste passe de 57 en 1993 à 250 en 1997. Quant au RPR, il passe de 257 députés à 140.
L'occasion pour la gauche de revenir aux affaires après une éviction du pouvoir en 1995. Le chef de l'opposition, Lionel Jospin, est nommé Premier ministre à la suite de l'élection.
21 avril 2002 : élimination de la gauche à la présidentielle
Avec 16,18%, Lionel Jospin, candidat du Parti socialiste, est battu dès le premier tour. Il arrive juste derrière Jean-Marie Le Pen, qui obtient 16,86%, tandis que Jacques Chirac n’obtient que 19,88%. C’est un choc terrible pour les socialistes et l’électorat de gauche tout entier.

Onze ans plus tard, c’est un scrutin qui laisse encore aujourd’hui des traces au sein de toute la gauche. Y compris bien sûr à l’intérieur du Parti socialiste. Le clivage entre les "ouistes" et les "nonistes". Même si beaucoup de socialistes estiment aujourd’hui que cet épisode a été dépassé, que les crises successives qui ont secoué l’Europe depuis ont permis de ramener une majorité vers un "besoin d’Europe". Aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg plaident pour plus de souverainisme et moins d’intégration. François Hollande, Manuel Valls, Benoît Hamon ou Vincent Peillon, le contraire. La fracture perdure.
Retour au pouvoir
Après un nouvel échec à la Présidentielle de 2007, les élections municipales et cantonales de mars 2008 constituent un franc succès pour la gauche et en particulier pour le Parti socialiste, avec le gain d’une quarantaine de villes de plus de 30 000 habitants (Strasbourg, Toulouse, Périgueux, Amiens, Saint-Étienne, Évreux, Quimper, Argenteuil, Roanne, Caen ou Rouen…). Elle dirige désormais 60% des villes de plus de 100 000 habitants.
Vigueur du socialisme municipal, quand au niveau national la gauche demeure dans l’opposition depuis 1995, hormis la cohabitation 1997-2002. Ce sera le premier jalon sur le chemin de la reconquête du pouvoir en mai 2012. Aux régionales de 2009, la gauche remporte 24 régions sur 26. Et elle contrôle, par ailleurs, déjà 60 départements sur 100. C’est tout le paradoxe de cette période : les socialistes perdent les scrutins présidentiels et le référendum européen de 2005, mais ils remportent de beaux succès lors des scrutins locaux.
En 2011, les premières "primaires ouvertes" du PS verront 2,8 millions de Français se déplacer aux urnes et serviront de "rampe de lancement" pour François Hollande qui remportera la présidentielle le 6 mai 2012.

Les Législatives du 17 juin lui donneront une majorité parlementaire de 295 députés sur 577.
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