Homère : ce que l'on sait de lui (ou d'elle)

Homère, que sait-on de lui ?
Homère, que sait-on de lui ?

Homère : que sait-on de lui (ou d'elle) ?

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Homère : ce que l'on sait de lui (ou d'elle)

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Un personnage fictif ? Une princesse sicilienne ? Un fils d'Apollon ? 3000 ans d'histoire ont fait d'Homère un mythe qui a nourri les fantasmes de bien des biographes. Voici ce que l'on sait vraiment de lui, alors qu'une grande exposition lui est consacrée au Louvre-Lens.

Vous imaginez Homère comme un vieux sage aveugle ? En fait, on ne sait presque rien d’Homère, s’il était aveugle ou même un homme. On fait le point sur l'état des connaissances concernant l'auteur de L'Iliade et l'Odyssée, alors qu'une grande exposition lui est consacrée au Louvre Lens jusqu'au 22 juillet 2019.

Homère, né de père inconnu

Pour certains, c’est une pure fiction.

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"Homère : n’a jamais existé"                          
Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, vers 1850 

D’autres croient que c’est une femme : une princesse de Sicile “célibataire et déterminée” selon le Britannique Samuel Butler en 1897 dans The Authoress of the Odyssey. Pour lui, les femmes puissantes de L’Odyssée - Circé, Pénélope, Nausicaa... ne peuvent provenir que de l'imagination d'une femme. Homère serait né en Turquie selon les Turcs, enfant d’Apollon selon Aristote, anonyme pour les modernes. 3 000 ans d’histoire ont fait de lui un mythe. Aujourd’hui, grâce aux archéologues, aux hellénistes et aux philologues, on en sait un peu plus. 

Homère vivait au moment où l’alphabet grec a été mis au point, il y a 2 700 ans en Asie mineure. Dans L’Iliade, il compare son origine avec la direction du vent ou des oiseaux, sur la côte est de la mer Égée.

"Aristote devant le buste d'Homère" Rembrandt, 1653. Metropolitan Museum of Art, New York
"Aristote devant le buste d'Homère" Rembrandt, 1653. Metropolitan Museum of Art, New York
© Getty - Getty

Homère, le médiateur

Le nom d'Homère se diffuse rapidement au VIIIe siècle avant JC. L'écrivain Hésiode, auteur de Les Travaux et les Jours et de la Théogonie, son presque contemporain, son rival, le cite. 

Pierre Judet de La Combe, helléniste, traducteur de L'Iliade et de L'Odyssée, auteur d'une biographie d'Homère (Folio, 2018), explique : "Quand les muses disent, dans Hésiode, qu’elles échangent, harmonisent leur voix, elles emploient le verbe “homêreusai”. C’est un mot employé de manière très marquée pour dire “nous faisons de l’Homère.” Donc Homère, c’est celui qui harmonise, qui assemble. Donc le nom d’Homère était connu dès le VIIIe siècle avant J.C."

Homère est un surnom, donné à celui qui s’appelait probablement Mélésigénès. “Homère” signifie à la fois “assembleur”, “otage” et “aveugle”. Derrière tous ces mots, une même idée de médiation. 

L'hypothèse la plus probable est que la composition originelle de L’Iliade s’est faite par un collectif d’artistes, un clan ou une école qui veut rassembler, unifier des traditions héroïques anciennes dans une composition poétique cohérente. Pierre Judet de La Combe ajoute : "Les Anciens n’ont pas remis en cause l’existence d’Homère, ça a commencé à la Renaissance. Par ailleurs, l’autre évidence, c’est qu’il y a les poèmes. Et plus on les lit, plus on s’aperçoit que ce sont de vrais poèmes. Ce ne sont pas des traditions. Ce sont des œuvres extraordinairement construites, raffinées, réflexives." Un peu plus tard, la même école, ou une autre proche se lance dans L’Odyssée sous le nom d’Homère qui désigne une manière de concevoir l’épopée, de l’écrire. Ensuite, les poèmes d’Homère sont chantés dans de grands festivals, en récits fragmentés.

Les multiples "Vies" d'Homère

On veut alors rattacher Homère à un individu, dont les diverses “vies” romancées vont être écrites par des dizaines de biographes dans l’Antiquité. On rapporte certaines de ces Vies d'Homère à la plume d'Hérodote, de Plutarque et même de l'empereur lettré Hadrien. Cet Homère légendaire répond à certaines caractéristiques constantes. Il serait né de père inconnu, sur les rives d’un fleuve. Il erre, voyage et enseigne, se fait voler ses poèmes, perd un concours poétique face à Hésiode et meurt sur l'île d'Ios dans les Cyclades, de n’avoir pas su résoudre une énigme formulée par une bande de jeunes pêcheurs, portant sur des poux. 

Sur la cécité d'Homère, aucune preuve. Les Anciens se contredisent. Qu’il soit considéré comme aveugle désigne surtout son don de voir l’invisible, son génie. Ce n’est qu’au XVIe siècle que commencent les critiques et les doutes sur son existence, qui se radicalisent au XVIIe siècle lors de la grande querelle des Anciens et des Modernes. 

Auteur unique réel ou pas, le nom d’Homère signale une rupture, un événement qui fait date, une nouveauté radicale. Pierre Judet de La Combe : "C’est quoi Homère ? L’individu Homère, c’est le fait que sa poésie regroupe les gens. C’est ça que ça veut dire. Homère, c’est pas un auteur qui a fait une oeuvre qui ensuite plaît. Homère veut dire le succès social de la poésie. Mais succès social veut dire que c’est universel. Dire le nom d’Homère dit le succès de la poésie." 

À voir  

Exposition “Homère”
Louvre-Lens, jusqu'au 22 juillet 2019