Hong Kong vue de Chine : un mouton noir qui doit rentrer dans le rang

Une partisane pro-Chine affiche le drapeau de la République populaire de Chine le jour de la fête nationale à Hong Kong, le 1er octobre 2020.
Une partisane pro-Chine affiche le drapeau de la République populaire de Chine le jour de la fête nationale à Hong Kong, le 1er octobre 2020.

Hong Kong vue de Chine : un mouton noir qui doit rentrer dans le rang

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Hong Kong vue de Chine : un mouton noir qui doit rentrer dans le rang

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Le regard de l'autre | La comparution ce samedi du magnat des médias hongkongais Jimmy Lai, critique envers Pékin, est un nouveau symbole de l’étau du pouvoir chinois qui se resserre sur Hong Kong. Pour la Chine, "le port parfumé" fait tout simplement partie de son giron et n’a pas à bénéficier d’un régime spécifique.

Le pouvoir chinois n'entend pas relâcher sa pression sur Hong Kong. Mercredi 2 décembre, trois célèbres militants pro-démocratie - Joshua Wong, Agnes Chow et Ivan Lam - ont été condamnés à de la prison ferme pour avoir participé à une manifestation, en juin 2019, contre le projet de loi controversé permettant les extraditions vers la Chine continentale. Vendredi, un militant de 19 ans a été reconnu coupable d'outrage au drapeau chinois et de rassemblement illégal en mai 2019 devant le Parlement local. Et ce samedi, Jimmy Lai, la personnalité hongkongaise la plus connue visée par la loi sur la sécurité nationale, imposée fin juin par Pékin, a répondu devant un tribunal d'une inculpation pour "collusion avec des puissances étrangères", qui lui fait encourir la prison à vie.

Cela ne doit rien au hasard : pour la Chine, Hong Kong doit être mise au pas. Et le statut particulier de la ville, depuis sa rétrocession par le Royaume-Uni en 1997, ne change rien à l’affaire.

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Vu de Pékin, Hong Kong fait tout simplement partie de la Chine et n’a pas à bénéficier d’un régime spécifique. La répression est donc logique.

Analyse en six points clés pour " Le regard de l'autre" : géographie, Histoire, droit, économie, psychologie et sociologie.

La géographie

Les cartes montrent clairement pourquoi la Chine estime que Hong Kong lui appartient.

Hong Kong est en Chine, géographiquement.

"Le port parfumé", c’est la signification du nom de la ville, est entouré par le territoire chinois : à proximité on trouve la grande métropole de Shenzhen, située juste au-dessus au Nord, et la célèbre Macao, située à l’Ouest, de l’autre côté de la rivière des Perles.

Le Vietnam, pays frontalier le plus proche par la Terre, est à plus de 600 kilomètres.

Et puis Hong Kong, c’est petit : seulement 1 000 km2, seulement 7 millions et demi d’habitants, c’est très peu à l’échelle chinoise (1 milliard 400 millions d’habitants, 9 millions et demi de km2).

Hong Kong n’est que la 8e ville du pays par la taille.

Vu de Chine, Hong Kong est donc, géographiquement un confetti.

Et vu du pouvoir chinois, c’est une sorte de chewing-gum dérangeant qui colle aux pieds.

Carte de Hong Kong et de sa région
Carte de Hong Kong et de sa région
© Radio France - Chadi Romanos

L'Histoire

Sur ce plan là également, l’appartenance de Hong Kong à la Chine est une évidence du point de vue de Pékin.

En résumé, il y a trois étapes historiques.

La première, c’est la présence de l’ethnie principale chinoise, les Han, dès l’an 200 avant Jésus Christ.

Hong Kong est progressivement colonisé par l’empire chinois et devient un port commercial majeur sur la route de la Soie : commerce de thé, d’épices, de textiles.

La ville est également occupée un temps par les Mongols.

La deuxième étape, c’est la présence européenne.

Elle débute au XVIe siècle et s’affirme en 1841 : les Britanniques, à l’issue de la guerre de l’opium, prennent le contrôle de Hong Kong. Cette situation va perdurer un siècle et demi, hormis la période d’occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.

Après l’arrivée au pouvoir du parti communiste en Chine en 1949, la population de Hong Kong augmente fortement avec l’arrivée de réfugiés en provenance de Chine.

Et parallèlement, les Hongkongais, au prix souvent de fortes contestations sociales, acquièrent de nombreux droits et libertés démocratiques : un Parlement en partie élu, une justice indépendante.  Droit acquis en particulier sous la houlette du dernier gouverneur britannique de Hong Kong, Chris Patten. Le fossé se creuse avec la Chine continentale.

Arrive le troisième épisode : la rétrocession du territoire à la Chine en 1997, après de longues tractations entre Londres et Pékin.

Deng Xiao Ping, alors au pouvoir en Chine, concède alors que Hong Kong doit bénéficier d’un régime particulier en termes de libertés et de commerce.

La ville devient "une région administrative spéciale" de la Chine, selon le principe "Un pays deux systèmes", censé durer cinquante ans, donc jusqu’en 2047.

Le droit

En imposant sa loi sur Hong Kong, la Chine a-t-elle raison ou tort juridiquement ?

Le sujet prête à controverse.

A première vue, la nouvelle loi sur la sécurité nationale imposée à la ville par le pouvoir chinois, à l’été 2020, ne respecte pas l’accord de 1997.

Cette loi, en effet, remet en cause le principe "un pays deux systèmes". Elle remet en cause en particulier l’indépendance juridique du territoire, et aussi la liberté d’expression et la liberté de la presse garantis dans l’accord.

Un exemple : la loi de l’été 2020 met en place à Hong Kong un bureau chinois de la sécurité nationale susceptible de déférer des suspects vers la Chine continentale.

Une atteinte évidente à l’autonomie de la ville.

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Mais du point de vue de Pékin et de son incarnation à Hong Kong la cheffe de de l’exécutif Carrie Lam, cette loi est uniquement une réponse ponctuelle aux atteintes à la sécurité liées aux manifestations prodémocratie, parfois violentes, qui ont agité la ville en 2019.

Et surtout, plus fondamentalement, la Chine conteste en réalité le deal de départ sur la rétrocession, parce qu’elle critique le principe même de la légalité de la souveraineté britannique sur l’île pendant 1 siècle et demi.

Pour Pékin, Hong Kong appartient historiquement à la Chine, depuis les grandes dynasties de l’Empire. Et le véritable droit est là.

L'économie

La puissance économique de Hong Kong : voilà le seul paramètre susceptible de modérer les ardeurs de reconquête chinoise sur la ville.

L’ancien territoire britannique est riche : son PIB par habitant est l’un des 20 les plus élevés au monde. Le chômage est très faible. C’est un centre d’affaires international, la 3e place boursière au monde derrière Londres et New York.

C’est aussi une porte d’entrée commerciale vers la Chine, une sorte d’interface entre la Chine et le reste du monde, le principal point d’entrée des investissements étrangers dans le pays, un territoire où l’on parle anglais, etc.

Le pouvoir de Pékin est conscient de cette situation.

La Chine n’a pas intérêt à se priver des atouts économiques et commerciaux de la ville, à risquer une fuite des entreprises et des multinationales implantées sur place.

Cela plaide donc pour le maintien d’un régime spécifique.

Cela étant, le poids économique de Hong Kong n’est plus le même qu’il y a vingt ans, lors de la rétrocession : à l’époque la ville représentait à elle seule 16% du PIB chinois. Aujourd’hui, c’est seulement 2%, conséquence directe du boom économique en Chine.

Et puis l’objectif à terme de Pékin, c’est aussi d’intégrer Hong Kong dans une zone plus large, une immense zone commerciale et d’innovation, une Silicon Valley chinoise, centrée autour de Shenzhen.

Donc même du point de vue économique, le calcul chinois, c’est bien "d’avaler" Hong Kong.

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Psychologie et sociologie

C’est sans doute le paramètre essentiel, qui explique la volonté chinoise de mise au pas de Hong Kong.

Le président chinois Xi Jinping, et plus largement le Parti communiste chinois ont un objectif qui prime sur tous les autres : conserver le pouvoir et donc éradiquer toute forme de contestation.

Dans ce but, il est logique de vouloir supprimer le régime spécial de Hong Kong avec ses libertés qui pourraient donner des idées à d’autres régions de Chine, en particulier celle de Canton, toute proche.

Il est tout aussi logique de vouloir y imposer "la loi et l’ordre" en réprimant les contestataires. Ou en les contraignant à l’exil.

S’y ajoute, dans le cas de Xi Jinping, la certitude de détenir la vérité. Conviction simple : mon modèle est le meilleur, ma pensée est supérieure à celle des autres.

Xi Jinping est aussi animé par l’ambition de restaurer la puissance historique de la Chine, celle de l’ancien Empire.

Si vous êtes un Chinois qui habite en Chine continentale, vous trouverez d’ailleurs peu de traces dans les médias ou les réseaux sociaux des manifestations pro-démocratiques à Hong Kong.

Les rassemblements sont présentés comme violents, manipulés de l’étranger, ou manipulés par les dizaines de milliardaires que compte la ville. Le plus célèbre d’entre eux, Li Ka Shing, est régulièrement montré du doigt.

Bref, vu de Chine, Hong Kong est un mouton noir, une sorte d’enfant rebelle, qui fait partie de la famille mais qui a subi de mauvaises influences.

Il doit rentrer dans le rang.

Avec la collaboration d'Éric Chaverou et de Chadi Romanos

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