"Il était une fois..." l'éducation scientifique populaire, avec Albert Barillé

Maestro, le savant
Maestro, le savant

"Il était une fois la vie" : une éducation scientifique

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"Il était une fois..." l'éducation scientifique populaire, avec Albert Barillé

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Eviter les caries, se laver les mains, se faire vacciner... vous faites peut-être partie des millions d'enfants qui ont eu accès aux bases de l'éducation à l'anatomie et à la santé grâce à "Il était une fois la vie", et grâce à son créateur visionnaire : Albert Barillé.

"La vie, la vie, la vie, la vie..." Vous l'avez en tête, ce fameux générique ? En 1986, un producteur crée une série qui va changer le rapport de millions d’enfants à leur corps et à leur santé. Un petit garçon l'avouait à la télévision dès 1990 : “J’aime bien regarder Il était une fois la vie_. Quand les globules blancs mangent les méchants...”_ La pédagogie scientifique est basée sur l'anthropomorphisme et la personnification des composantes du corps, assimilé à un Far West, une machine où "gentils" et "méchants" se livrent bataille. Le musicien Michel Legrand en compose la bande son. Roger Carel, la voix de C-3PO, de Kermit la grenouille et de Alf, en interprète le héros récurrent, “Maestro”. Tout comme C’est pas sorcier créé sept ans plus tard, Il était une fois la vie devient culte pour plusieurs générations, en inventant une façon intelligente et vivante de parler de sciences au grand public. 

Une ambition éducative et humaniste

Albert Barillé, 1994 : "L’image peut et doit véhiculer le savoir, et de préférence sans distiller l’ennui. Et, c’est ce que nous essayons de faire, l’image peut aussi fustiger l’intolérance, la bêtise." Déclinée en sept volets, traduite en 80 langues, la saga est devenue l’un des fleurons de la télé française, encore diffusée 40 ans plus tard, et générant des millions d’euros en droits d’auteur et en produits dérivés (jeux, livres, figurines...). Albert Barillé soulignait déjà les clés de ce succès lors d'un salon audiovisuel à Montréal en 1980 : "Notre production a été fort bien reçue. Elle a été vendue dans plus de 60 pays. Je pense que les gens nous font confiance, et désirent nous suivre, puisque nous prenons les mêmes personnages dans de nouvelles aventures".

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Né en Pologne en 1920 dans une famille modeste, Albert Barillé a d’abord créé pour la télévision française la fiction Colargol. Mais la transmission des savoirs l’intéresse plus encore, comme il le formule dans un documentaire auto-produit consacré à la fabrication d'un dessin animé en 1994 : "Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours été passionné par les origines de l’homme, les infiniment petits, les infiniment grands. Cela a donné Il était une fois l’homme, Il était une fois l’espace, Il était une fois la vie, il était une fois les Amériques_…"_ L’aventure Il était une fois commence en 1978, cinq minutes chaque soir sur FR3, dans une ambition explicitement éducative et humaniste. Albert Barillé : "Les gens responsables se doivent d’alimenter de façon utile les jeunes cervelles où tant de cases restent à remplir. Et si de plus nous parvenons à rassembler autour du poste les parents et enfants, et contribuer au dialogue entre eux, alors mon vœu sera exaucé." 

Un fou de rigueur face au manga

Pendant trente ans, l'auteur et chef d'orchestre dirige et contrôle chaque étape de la fabrication : documentation, écriture, dessin, musique, bruitages, doublage, mixage... C’est un bourreau de travail, un autodidacte qui s’est formé seul à l’histoire, à la médecine, à l’astrophysique, à l’écologie... Il dit travailler plus de 100 heures par semaine, mais par rigueur, fait relire tous ses scénarios au directeur du CNRS, Joël de Rosnay. 

Il faut 1 million de dessins, et six mois à l’équipe pour créer un seul épisode image par image, contre 5 épisodes dans le même temps pour les studios d’anime japonais, qui les concurrencent déjà en France. Albert Barillé, 1994 : "Un enfant est une éponge, il absorbe tout ce qu’on lui donne. Donnez-lui le meilleur comme le pire, il l'absorbera de la même façon."

Mais face à Goldorak et Candy, les personnifications frappantes, l’humour, la logique des démonstrations assurent le succès de la série, qui plaît aussi aux parents, rassurés par un programme non-violent et édifiant. Albert Barillé : "Au départ, il y a le scénario. Il faut qu’il soit drôle, amusant, plein de gags, parce que sinon, peu importe que vous ayez de grandes idées, s’il ne reste personne devant pour les regarder !" 

Dessin, doublage, musique : rien n'est laissé au hasard

Barillé, dont les cheveux avaient blanchi tôt, imagine ce héros drôle, somnolent, et à la fois garant du savoir universel : le Maestro, interprété par Roger Carel. Le comédien revenait en 2009 sur son incarnation du personnage : "Cette espèce de voix un peu comme ça, tout en étant un petit peu tendre par moment, mais qui est quand même une voix d’enseignant : on apprend des choses aux enfants. Mais quand même dans le sourire et dans le rire. Mais la voix, pour qu’elle sorte, dans tous les dessins animés c’est comme ça, vous êtes toujours inspirés par le graphisme."

Dans un style plus proche de la ligne claire belge que du manga, le jeune dessinateur Jean Barbaud assure la direction artistique. Jean Barbaud, 2017 : "J’étais complètement libre d’interpréter les formes des globules, des bactéries comme je voulais." Une attention particulière est portée aux bruitages, à la musique, pour porter la dynamique, le rythme. Michel Legrand, 1994 : "J’ai pensé à une espèce d’ensemble de saxophones et quelques cuivres, je crois que ce sera marrant." La saga est un reflet de son temps, de la foi dans le progrès, d’une éducation morale à l’hygiène, à la santé…  

La dernière série consacrée à la Terre, en 2009 est aussi pionnière de programmes sur la préservation de l’environnement. Albert Barillé meurt la même année, mais sa saga est remastérisée en 2017 et rediffusée encore à la télévision et sur le web, où d’autres prennent la relève de la transmission des sciences, des Youtubeurs et youtubeuses comme Manon Brill, Mr. Nozman ou Dirty Biology...