Previously. Le web fête ses 30 ans en mars avec quatre milliards d'internautes pour souffler les bougies. En 1989, pourtant, cette invention est passée inaperçue : le "World Wide Web" a depuis révolutionné nos sociétés. Et son inventeur, Tim Berners-Lee, regrette son évolution.
Inventé en 1989 par un informaticien britannique qui travaillait pour le CERN près de Genève, le "world wide web" est passé inaperçu à ses débuts. Son créateur, le Britannique Tim Berners-Lee, avait été recruté afin de mettre au point une base de données pour les physiciens du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN) mais il est allé bien au delà. En voulant permettre à des milliers de scientifiques d’échanger leurs connaissances à distance, il a créé un espace commun où les personnes et les machines se comprenaient : le web était né. Trente ans plus tard, il fonctionne toujours.
Le web en 1989 ? "Vague mais prometteur"
Dans l’esprit du grand public, internet et web se confondent parfois. Pourtant, il s’agit de deux choses bien différentes : chronologiquement, internet est arrivé le premier. Son ancêtre s’appelait Arpanet et a été créé en 1969 aux Etats-Unis par le département de la Défense. Financé sur des fonds militaires, il est rapidement devenu un moyen de communication entre universités et centres de recherche pour échanger des données. "Internet" est la contraction d'"interconnected networks" qui signifie "réseaux interconnectés" ou réseau de réseaux : le terme désigne à la fois l’infrastructure qui permet le transfert de données via des câbles, des serveurs et des ordinateurs mais aussi le système complexe d’adresses qui acheminent les informations - les paquets de données - au bon endroit. Plusieurs applications existent pour utiliser internet : l’email, le partage de pair à pair, la messagerie instantanée ou encore… Le World Wide Web !
Le web a été inventé 20 ans plus tard mais de l’autre côté de l’Atlantique, en Europe. Ou plutôt, l’idée du web. Lorsque Tim Berners-Lee est chargé par son employeur, le CERN, de travailler sur une base de données destinée aux physiciens, le trentenaire s’exécute mais il en fait plus que demandé. En mars 1989, il remet à son chef une proposition de système de gestion de l'information : "Vague, mais prometteur", écrit ce dernier sur la feuille tout en donnant son feu vert. Le projet de créer un système unique et universel d’échanges de données est né.
Le web est créé en Europe, loin de la patrie du net, les Etats-Unis
“L’invention du web est dans la continuité prévisible de l’évolution de l’informatique et des télécommunications”, explique Pierre Mounier-Kuhn, historien de l’informatique et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet (voir liens en bas de page). “Tim Berners-Lee est dans la continuité d’inventions qui ont déjà eu lieu mais il innove en les combinant et en les faisant fonctionner ensemble.”
“Il y a quelque chose d’inattendu aussi : le web est inventé en Europe dans un laboratoire voué à la physique des hautes énergies par un garçon qui avait une formation de physicien”, poursuit Pierre Mounier-Khun. “Il n’a pas été créé dans la patrie d’internet, les Etats-Unis, là où on aurait pu s’y attendre”. Pourtant, à l’époque déjà, les géants du secteur sont quasi tous américains : “les grands laboratoires d’IBM, de Microsoft, de Xerox (où nombre de concepts de l’informatique ont été créés)... Le web n’a pas non plus été inventé au fameux media lab du MIT (Massachusetts institute of technology) qui proclamait pourtant son ambition de faire aboutir la convergence de l’informatique et des télécommunications”.
“Pourquoi en Europe et pas ailleurs ? Parce que le CERN était déjà un des grands centres scientifiques du monde avec de très gros ordinateurs, de très grosses bases de données”, répond Pierre Mounier-Khun, qui précise que cette invention aurait très bien pu être faite ailleurs. “Mais la physique nucléaire fabrique en permanence des millions de données et le besoin d’un système capable de partager ces données a fait naître le web.”
Une combinaison de concepts existants avec 3 nouveautés : URL, HTTP, HTML
Dans le détail, Tim Berners-Lee a su combiner des inventions et des concepts qui existaient déjà. “Les réseaux numériques existaient depuis les années 60, Arpanet, internet… Les bases de données existaient aussi depuis la même époque. Le concept d’hypertexte existait déjà également, on en trouve la référence dans l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert au XVIIIe siècle lorsque, à la fin d’un article, on renvoyait vers un autre mot. Pour faire fonctionner tout cela ensemble, Tim Berners-Lee a ajouté trois choses :
Premièrement, l’adresse URL : un système de localisation universel pour identifier de façon standard tous les objets qui figurent dans les bases de données : image, son, texte, etc. Avant, le système d’adresse n’était pas universel, chaque ordinateur pouvait en avoir un différent. Le protocole HTTP, universel aussi et compréhensible par tous les ordinateurs et enfin un langage commun, le HTML. Ces trois innovations ont permis la création d’un espace unifié de partage d’informations où tous les ordinateurs et les utilisateurs pouvaient communiquer. Le but premier de Tim Berners-Lee était de permettre à quiconque ayant un ordinateur d’accéder à des bases de données à partir d’autres ordinateurs, quels qu’ils soient.
Pierre Mounier-Khun, historien de l’informatique.
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Un système devenu opérationnel en quelques années
Pour autant, le web ne s’est pas imposé de façon instantané. “Il a fallu plusieurs années avant qu’il ne soit utilisable au delà de la petite communauté de physiciens des particules du CERN. Ensuite, plusieurs personnes - notamment aux Etats-Unis - ont conçu des systèmes de recherche d’information sur le web, qui ont abouti en 1993, juste après que le Congrès américain a ouvert l’internet au commerce fin 1992.”
Cette évolution est un point-clef : elle correspond à l’apparition des premiers navigateurs puis des moteurs de recherche. "Le premier ‘browser’ (navigateur en anglais) a été publié aux Etats-Unis en 1993 et s’appelait Mosaic. Les inventeurs reprennent alors la méthode de Tim Berners-Lee en recombinant des inventions déjà faites, ce sont les premiers à utiliser une souris pour naviguer, un objet qui avait été inventé dans les années 60 par Douglas Engelbart”, précise Pierre Mounier-Khun. “Mosaic est le premier système qui a permis d’intégrer web et image”. Par la suite, l'équipe de Mosaic est partie chez Netscape qui est devenu LE navigateur de référence avant d'être supplanté par Microsoft (Internet Explorer), Mozilla (Firefox) puis Google (Chrome).
L'évolution principale qui a suivi a été la création des moteurs de recherche qui ont permis d’organiser l’information, de plus en plus pléthorique sur le web. En 1998, le plus connu de ces moteurs a été lancé : Google. Mais aujourd’hui, Tim Berners-Lee regrette l’évolution prise par le web, un espace qu’il souhaitait libre et au service de la diffusion de la connaissance. “Beaucoup de choses ont mal tourné… Nous avons des ‘fake news’, des problèmes de respect de la vie privée, des personnes qui sont manipulées", déclarait-il en novembre 2018 au Web Summit à Lisbonne.
Lors de ce rendez-vous, Tim Berners-Lee a appelé les gouvernements, les entreprises et les citoyens à soutenir son initiative pour négocier un "contrat complet" d'ici mai 2019, "date à laquelle 50% de la population mondiale sera connectée pour la première fois". Le gouvernement français, Google et Facebook ont été parmi les premiers à afficher leur soutien aux principes du contrat, tels que l'accès au web pour tous, la neutralité du net et le droit fondamental au respect de la vie privée.
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