Inde : condamné à perpétuité pour avoir dénoncé le Premier ministre Narendra Modi

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Inde : condamné à perpétuité pour avoir dénoncé le Premier ministre Narendra Modi

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Le policier Sanjiv Bhatt
Le policier Sanjiv Bhatt

Depuis plus de dix ans, le policier Sanjiv Bhatt affirme que le Premier ministre indien a orchestré des émeutes sanglantes au Gujarat. Témoin d'une réunion décisive pendant laquelle il aurait entendu Narendra Modi donner l'ordre à la police de ne pas agir, il vient d'être condamné à la prison à vie.

Depuis plus de dix ans, le policier Sanjiv Bhatt affirme que le Premier ministre indien a orchestré des émeutes sanglantes. Témoin privilégié d'une réunion décisive pendant laquelle il aurait entendu Narendra Modi donner l'ordre à la police de ne pas agir, il vient d'être condamné à la prison à vie. 

Même dix-sept ans après les faits, la vérité n'a toujours pas éclaté à propos des émeutes antimusulmanes qui ont fait probablement autour de 2 000 morts au Gujarat, état le plus à l'ouest de l'Inde. Et justice n'a pas été rendue. L'actuel Premier ministre du pays, Narendra Modi, dirigeait alors le Gujarat et plusieurs témoins ont affirmé qu'il avait joué un rôle actif dans l'orchestration de ce pogrom. Plusieurs commissions d'enquêtes ont tenté ces dernières années de faire la lumière sur cet épisode, mais le système judiciaire n'est pas parvenu à inculper, condamner et maintenir derrière les barreaux les responsables présumés. Pire, la plupart des personnes qui ont eu le courage de témoigner sont aujourd'hui soit mortes, soit en prison, soit - au mieux - sanctionnées professionnellement. 

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Aux origines du pogrom d'Ahmedabad 

Faire l'histoire de ce pogrom est donc chose fort controversée. Mais avant d'examiner les brimades et les sanctions qui ont touché certains des témoins, il faut résumer le contexte - que l'on connaît avec certitude - de ces quelques journées d'émeutes. Elles ont embrasé la ville d'Ahmedabad et ses alentours fin février/début mars 2002. Tout a commencé le 27 février avec l'incendie d'un train, en garde de Godhra, au Gujarat. Près d'une soixantaine d'hindous sont morts brûlés vifs, dont beaucoup de femmes et d'enfants. Les passagers de ce train revenaient d'Ayodhya où ils avaient tenté de construire un temple hindou sur les décombres d'une mosquée, elle-même détruite par des militants nationalistes hindous dix ans plus tôt. Ayodhya est considérée par les hindous comme le lieu de naissance du dieu Ram et le mouvement nationaliste hindou n'a eu de cesse depuis le milieu des années 80 de vouloir reconquérir ce site sacré, occupé par une mosquée (la Babri Masjid) depuis le XVIe siècle. 

L'incendie du train ramenant des pèlerins et l'exposition des 59 cadavres  - dont les images insoutenables ont été diffusées à la télévision - ont suscité l'effroi et la colère de la communauté hindoue. Les violences ont éclaté dès le lendemain contre la communauté musulmane jugée responsable de ce drame et elles ont duré quelques jours, à Ahmedabad et dans sa proche banlieue - avant de se prolonger par des explosions de haine sporadiques dans les semaines qui ont suivi. Ces émeutes ont probablement fait autour de 2 000 morts - bien qu'aucun chiffre officiel n'ait pu être établi. 

Il faut encore rappeler quelques faits politiques : Narendra Modi a pris la tête du gouvernement local du Gujarat quelques mois seulement avant les émeutes. En octobre 2001, son parti nationaliste hindou le BJP (pour Bharatiya Janata Party - भारतीय जनता पार्टी,  "parti indien du peuple") a souhaité qu'il remplace le Premier ministre de l'époque, K. Patel, lequel n'avait pas su faire face au terrible tremblement de terre qui a ravagé le Gujarat en février de cette même année. Le BJP n'était pas dans une très bonne posture électorale car malgré ses victoires répétées depuis 1995 à l'Assemblée locale du Gujarat, il venait de perdre des élections municipales en 2000 - y compris la ville d'Ahmedabad détenue pourtant par le BJP depuis 1987. Certains observateurs voient donc dans les émeutes un moyen pour le nouveau chef du gouvernement de regagner des électeurs hindous en les mobilisant contres les musulmans, déjà victimes d'émeutes à répétition depuis 1969 au Gujarat. Il va de soi que cette interprétation a toujours été rejetée par l'intéressé. Narendra Modi a prétendu à plusieurs reprises avoir tout fait pour stopper la bouffée légitime de violence qui s'est emparée de la communauté hindoue au lendemain de l'incendie de Godra.

Le témoignage décisif du policier Sanjiv Bhatt 

Au lendemain des émeutes qui ont traumatisé la ville d'Ahmedabad et plus largement la nation indienne, des enquêtes ont été lancées. A la fois pour comprendre la nature exacte des événements, établir des responsabilités, indemniser les victimes et emprisonner les coupables. Parmi tous les témoignages recueillis à l'époque, arrêtons nous sur celui d'un haut fonctionnaire de la police locale : Sanjiv Bhatt. Cet homme n'est évidemment pas le seul à avoir parlé ni le seul à avoir ensuite été sanctionné. Mais le sort qui lui est réservé aujourd'hui illustre le caractère décisif de son témoignage et les risques qu'ont pris certains citoyens indiens soucieux d'établir la vérité des faits. 

A partir de 2009 et surtout de 2011, Sanjiv Bhatt a été convoqué pour témoigner devant la SIT (Spécial Investigation Team : une commission d'enquête créée par la Cour Suprême indienne) et devant la Nanavati-Mehta commission (une commission d'enquête assez décriée car jugée trop proche du gouvernement du Gujarat dont les magistrats avaient été nommés par ce dernier). La plupart des auditions devant ces commissions se sont déroulées à huis clos, et sont encore tenues secrètes aujourd'hui. Mais certaines déclarations ont été publiées. 

Ingrid Therwath est journaliste, spécialiste de l'Inde. Elle rappelle combien le témoignage d'un homme comme Bhatt a été important :

"Narendra Modi avait donné l'ordre - et il en était témoin - de laisser faire les exactions contre les musulmans pendant quelques heures"

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Il se trouve que Sanjiv Bhatt a assisté - presque par hasard - à la réunion de crise convoquée par le chef du gouvernement Narendra Modi, le 27 février 2002, le soir même du terrible incendie qui a ravagé le train de pèlerins hindous à Godhra. Pour Sanjiv Bhatt, cette réunion a été le point de départ d'une "orchestration officielle des émeutes de 2002". 

A l'époque, Sanjiv Bhatt était numéro deux des "renseignements généraux" du Gujarat (Deputy Commissioner Intelligence of the Gujarat Intelligence Bureau) et également officier de liaison, chargé de transmettre des informations aux services de renseignement et aux forces armées. Il n'aurait théoriquement pas dû assister à cette réunion mais en l'absence de son supérieur hiérarchique, le policier Sanjiv Bhatt était présent. 

Shweta Bhatt, épouse de l'ex-officier IPS Sanjiv Bhatt, avec son fils Shantanu Bhatt lors de la conférence de solidarité organisée à Thiruvananthapuram (capitale du Kerala, en Inde du Sud) le 24 juillet 2019.
Shweta Bhatt, épouse de l'ex-officier IPS Sanjiv Bhatt, avec son fils Shantanu Bhatt lors de la conférence de solidarité organisée à Thiruvananthapuram (capitale du Kerala, en Inde du Sud) le 24 juillet 2019.
© AFP - Rakesh Nair / The Times of India

"Il est impératif que les hindous soient autorisés à exprimer leur colère"

Voici (entre autres) ce que Sanjiv Bhatt a déclaré en janvier 2010 devant la SIT : "Le Chief Minister Shri Narendra Modi (...) a estimé que des incidents comme l'incendie de Godhra ne sont pas tolérables. Il a insisté sur le fait que pendant trop longtemps la police du Gujarat avait respecté le principe d'un équilibre entre hindous et musulmans lorsqu'elle avait dû intervenir au cours d'émeutes entre les deux communautés. Mais que, cette fois, la situation justifiait que les musulmans reçoivent une leçon de manière à ce que de pareils incidents ne se reproduisent plus jamais. Le Chief Minister Shri Narendra Modi a déclaré que l'émoi était considérable dans la communauté hindoue et qu'il était impératif que les hindous soient autorisés à exprimer leur colère." 

Par ailleurs, il ressort des dépositions de Sanjiv Bhatt mais aussi d'autres témoins qu'il a été donné ordre à la police de l'Etat de ne pas intervenir pendant 72 heures et de laisser effectivement la colère légitime de la communauté hindoue s'exprimer. 

A noter que l'armée, pourtant stationnée avec ses 600 soldats dès le 1er mars dans la toute proche banlieue d'Ahmedabad, a tardé à se déployer sur le terrain. D'après une enquête réalisée par l'ONG Human Rights Watch, les militaires n'ont pas été envoyés dans les endroits où avaient lieu les véritables échauffourées. Apparemment, il n'y avait pas "d'officiel" disponible ces jours là pour accompagner les troupes. Et de fait, les textes prévoient qu'une fois arrivée sur place, l'armée nationale est à la disposition de l'administration de l'Etat qui l'a réquisitionnée et qui doit ensuite lui donner des ordres. Visiblement, ces derniers ont tardé à venir. 

Les premières sanctions contre Sanjiv Bhatt

Les enfants de Sanjiv Bhatt tiennent un décompte très précis des sanctions qui ont frappé leur père, dès qu'il s'est mis à collaborer avec les autorités. 

Avant même d'avoir été convoqué par les différentes commissions d'enquêtes, Sanjiv Bhatt a accepté à l'automne 2002 de se conformer à une demande de la National Commission of Minorities. Cette commission créée en 1992 défend les intérêts des minorités - très nombreuses en Inde. Il faut rappeler ici que Narendra Modi (après avoir d'abord présenté sa démission à son parti, le BJP, suite aux émeutes et avoir été confirmé dans ses fonctions) avait entamé une grande tournée à travers l'Etat du Gujarat en septembre 2002. Cette Gaurav Yatra, autrement dit cette Marche pour la Victoire, avait été ponctuée d'un grand nombre de meetings - dont on peut voir un extrait dans le documentaire de Rakesh Sharma "The Final Solution". Lors de ces prises de position publiques, le ministre en chef Narendra Modi avait été accusé d'attiser la haine raciale en propageant des messages antimusulmans. La commission de défense des minorités avait donc demandé aux autorités locales de lui donner les enregistrements effectués par les renseignements généraux, qui filment toujours par sécurité ce type de rencontres publiques. Seuls Sanjiv Bhatt et deux autres hauts gradés de la police du Gujarat avaient accepté de fournir ces enregistrements. 

Peu de temps après cette collaboration, Sanjiv Bhatt a été muté en province à Junagadh à plus de 300 km de la capitale de l'Etat. Il est alors nommé directeur d'un centre de formation de la police. Puis il revient à Ahmedabad en 2003 comme directeur de la Sabarmati central jail, la principale prison d'Ahmedabad. 

Il se trouve qu'une fois installé à ce poste, un détenu lui fait une confidence qui va encore précipiter les motifs de le sanctionner. Pour comprendre la portée de cette confidence, il faut savoir qu'à la fameuse réunion organisée par Narendra Modi dans sa résidence privée la nuit du 27 février 2002, quelques rares ministres de son gouvernement étaient présents. Parmi eux, le ministre de l'Intérieur du gouvernement du Gujarat, Haren Pandya. Pandya était un homme du BJP, un militant du RSS (l'organisation nationaliste hindoue née dans les années 1920 qui irrigue toute la société via ses syndicats ouvriers, étudiants, ses partis politiques, ses médias etc) et dans une certaine mesure un rival politique de Narendra Modi. Or à son poste de ministre de l'Intérieur, il avait vécu de très près toutes les émeutes de 2002. 

Assez rapidement après les tueries, Haran Pandya a choisi de collaborer secrètement avec la commission d'enquête. Et le 26 mars 2003, il a été assassiné par deux assaillants qui lui ont tiré cinq balles à bout portant. Les circonstances exactes de ce meurtre n'ont toujours pas été véritablement élucidées, même si la Cour Suprême indienne a rendu un verdict cet été. 

A l'époque où Sanjiv Bhatt dirige la prison d'Ahmedabad, le principal accusé du meurtre de Pandya se confie donc à lui. Il clame son innocence et accuse un certain Tulsiram Prajapati (qui sera d'ailleurs lui même abattu dans des circonstances troubles par la police du Gujarat en 2006). Le détenu est très précis dans ses accusations et Sanjiv Bhatt décide de constituer un dossier et d'informer Amit Shahle, nouveau ministre de l'intérieur du Gujarat (et donc successeur de Pandya) de l'avancée de l'enquête. D'après les déclarations de Sanjiv Bhatt, ce nouveau ministre de l'Intérieur aurait rejeté le dossier et aurait demandé au haut fonctionnaire de détruire toutes les preuves. Mais Sanjiv Bhatt a préféré conserver les documents et les transmettre au gouvernement central à New Delhi - un gouvernement alors dirigé par le parti du Congrès. 

En représailles, Sanjiv Bhatt a été immédiatement démis de ses fonctions de directeur de prison et nommé à nouveau à un poste subalterne dans la ville lointaine de Junagadh. Une sanction qui n'est pas trop lourde car le gouvernement local ne pouvait assez aller plus loin dans ses brimades à ce moment là. Mais après qu'il ait collaboré avec les autorités judiciaires, la carrière de Sanjiv Bhatt sera vraiment menacée.  

Sanjiv Bhatt est la figure la plus connue mais d'autres ont été intimidés

Pour la journalistes Ingrid Therwath, Sanjiv Bhatt est l'un des symboles d'une lutte qu'ont menée plusieurs témoins des émeutes du Gujarat. Et le premier ministre Narendra Modi s'est toujours montré inflexible : 

"Cette intimidation judiciaire est très inquiétante. Cela veut dire que l’exécutif et le judiciaire s'allient dans la répression d'une dissidence"

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A la suite de sa déposition écrite devant la Cour Suprême en 2011, il est suspendu de ses fonctions. Sur le moment, le gouvernement de Narendra Modi n'a pas les moyens de l'écarter durablement. On doit souligner qu'en tant qu'officier de police (IPS) la carrière de Sanjiv Bhatt ne dépend pas de l'Etat régional du Gujarat mais du corps central de la police - dont les mutations sont gérées depuis New Delhi. Tant que le BJP n'a pas été à la tête du gouvernement central de l'Inde, les hauts fonctionnaires courageux ont été protégés par leur administration. 

Mais après la victoire électorale du parti nationaliste hindou aux élections législatives de 2014 - et après la nomination de Narendra Modi au poste de Premier ministre de l'Inde - Sanjiv Bhatt a été définitivement rayé des cadres. Nous sommes en 2015 et il a alors le grade d'inspecteur général de la police (Inspector General of Police), l'un des échelons les plus élevé dans les forces de l'ordre. 

Où l'on exhume une ancienne accusation de meurtre 

Écarter les témoins et briser leur carrière ne suffit pas. Il faut visiblement les faire taire. C'est du moins ainsi que la famille de Sanjiv Bhatt interprète l'ultime attaque organisée par l'Etat du Gujarat contre leur père. 

En juillet 2018, le gouvernement du Gujarat a ressorti une ancienne "affaire" qui avait déjà inquiété Sanjiv Bhatt vingt ans auparavant. Les faits remontent à octobre 1990 et il faut dire d'emblée que le CID Crime - le département d'investigation de la criminalité d'Ahmedabad - a blanchi le policier après une enquête qui a duré cinq ans. 

Sanjiv Bhatt a été accusé d'être responsable de la mort, en garde à vue, d'un militant arrêté au cours d'une manifestation le 30 octobre 1990. Cet homme, Prabhudas Madhavji Vaishani, a effectivement été arrêté avec 132 militants nationalistes hindous à Jamjodpur (Gujarat), tout comme des dizaines de milliers d'autres manifestants à travers le pays. 

Ce même jour, les nationalistes hindous protestent contre l'arrestation - le 23 octobre 1990 - de L.K. Advani (alors président du BJP, le parti nationaliste hindou). L.K. Advani avait pris la tête en septembre 1990 d'une grande marche politico-religieuse à travers tout le nord de l'Inde, pour soutenir la construction d'un temple hindou à la place de la mosquée d'Ayodhya. Les hindous et musulmans se disputent le site sacré d'Ayodhya : les premiers arguant qu'il s'agit du lieu de naissance du dieu Ram et les seconds que leur mosquée a été érigée en 1528 et qu'il n'est pas admissible de la détruire. La grande marche ( Ram Rath Yatra) était donc partie de Somnath le 25 septembre 1990 et devait parcourir environ 300 km chaque jour pour rallier des partisans et se terminer à Ayodhya le 30 octobre. Une semaine avant l'arrivée de la procession, le gouvernement du Bihar a obtenu l'autorisation d'arrêter le leader de la grande marche, L.K. Advani, suscitant des mouvements de protestation dans tout le pays. Le militant Prabhudas Madhavji Vaishani avait été arrêté dans ce contexte.

Comme ses camarades de lutte, il a été placé en garde à vue le 30 octobre puis en détention provisoire dans la prison de Jamnagar. Libéré le 8 novembre sous caution, il est rentré chez lui. Mais le 12 novembre, il a été admis à l'hôpital de Rajkot où il devait décéder le 18. C'est un membre de la famille de Prabhudas, M. Vaishani (lui même militant actif de la Vishva Hindu Parishad - un mouvement extrémiste hindou), qui a demandé une autopsie après le décès et a porté plainte contre la police de Jamnagar. 

Après une longue enquête, il fut donc établi que le policier Sanjiv Bhatt n'était en rien responsable de la mort de cet homme : arrivé sur place le 30 octobre après son incarcération, il n'avait pas été à l'origine de sa garde à vue. Il n'avait jamais interrogé le témoin et ne l'avait, à fortiori, pas torturé. L'autopsie a montré que Prabhudas M. Vaishani n'avait d'ailleurs pas subi de tortures et a conclu à la mort naturelle du militant. Pour sa défense, le policier Sanjiv Bhatt a pu produire plusieurs expertises médicales et de nombreux témoins ont certifié qu'il n'avait pas été en contact avec le détenu. 

En 1995, après cinq années d'enquêtes et l'audition de plus de 200 témoins, le CID Crime - le bureau d'investigation criminelle d'Ahmedabad - a donc conclu qu'il n'y avait aucune preuve de la culpabilité de Sanjiv Bhatt. Le gouvernement du Gujarat a alors refusé de sanctionner le policier pour ce "meurtre en garde à vue" (custodial murder) qui n'avait même pas existé et dont il n'était pas responsable. 

Condamné à perpétuité en juin dernier

L'an dernier, le gouvernement du Gujarat a décidé de lever cette absence de sanction et a choisi de poursuivre à nouveau le haut fonctionnaire de police Sanjiv Bhatt. Il a d'abord suspendu la protection spéciale dont bénéficiait Sanjiv Bhatt depuis plusieurs années à la demande de la Cour Suprême indienne, laquelle estimait nécessaire d'assurer la protection des témoins clés des émeutes du Gujarat. Les deux gardes qui assuraient sa protection rapprochée ont été relevés de leur tâche. Puis, en août 2018, la municipalité a décidé - sans avoir prévenu la famille - de détruire tout un pan de la maison de Sanjiv Bhatt, dans laquelle il résidait depuis 23 ans. Arguant que le permis de construire était illégal. 

Le 5 septembre 2018, Sanjiv Bhatt a été arrêté chez lui. Sa famille a été informée qu'on souhaitait l'interroger à propos de cette ancienne affaire de "meurtre en garde à vue". Pendant presque un an, Sanjiv Bhatt n'a pas pu se défendre correctement, affirme sa famille. Son procès s'est déroulé le 20 juin 2019 devant du tribunal du district de Palanpour (Palanpour session court). Le condamné a immédiatement fait appel, devant la haute cour de justice du Gujarat (Gujarat High Court). La première audience a eu lieu ce mardi et une nouvelle se tiendra lundi prochain. 

Le policier Sanjiv Bhatt pourra encore faire appel devant la Cour Suprême de sa condamnation à la prison à perpétuité, mais il faut être conscient que l'examen de ces appels peut prendre des années. En attendant, la famille de Sanjiv Bhatt se bat pour que la vérité éclate et reste en contact avec le prisonnier. 

Sanjiv Batth a réussi à écrire à sa famille depuis sa cellule de prison. Il indique en haut à droite de la missive d'où il écrit : Lieu, au coeur des ténèbres; Date, encore une nouvelle journée de combat (Place : the heart of darkness. Date : another day in battle.) 

Sa lettre, diffusée par sa femme sur le compte Twitter qu'elle alimente toujours au nom de son mari, a été reprise par les médias indiens.*

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Le policier parle d'un "Etat voyou" et termine par ces phrases : "Mes amis, l'Inde a atteint un point de basculement. Les choix que nous faisons aujourd'hui vont déterminer notre destin pour les prochaines décennies. Aucun d'entre nous ne peut plus se permettre de rester dans les gradins. Nous devons être dans le combat. La politique n'est pas un sport de spectateurs. On peut éviter la politique mais la politique ne nous évitera pas."

Narendra Modi : interdit de visa pendant plus de dix ans

Cette semaine, le Premier ministre indien est en France, invité à l'initiative d'Emmanuel Macron à participer au sommet du G7. Depuis son élection à la tête du gouvernement central, Narendra Modi est redevenu fréquentable. Or, pendant des années, les Etats Unis et l'Europe lui ont interdit leur territoire, rappelle la journaliste Ingrid Therwath : 

"Nos gouvernements en Europe et aux Etats-Unis ont la mémoire courte : eux même avaient pris la décision de retirer tout visa à Narendra Modi"

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