Joël Robuchon : "On a besoin de tous les sens pour réussir dans la cuisine"

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Joël Robuchon : "On a besoin de tous les sens pour réussir dans la cuisine"

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Joël Robuchon, en 2005.
Joël Robuchon, en 2005.
© Getty - Maurice ROUGEMONT

Disparition. Le chef cuisinier, qui possédait de nombreux restaurants à travers le monde, est mort ce lundi à l'âge de 73 ans. Il laisse une empreinte indélébile dans le monde de la haute gastronomie.

Grand représentant de la gastronomie française, Joël Robuchon, mort ce lundi 6 août à l'âge de 73 ans, collectionnait les étoiles au Guide Michelin. Dès 1976, Joël Robuchon s'était imposé comme une des figures montantes de la haute gastronomie française, en étant sacré "Meilleur Ouvrier de France". Puis, en 1987, il est désigné "Chef de l'année" avant d'être élu "Cuisinier du siècle" en 1990, par le célèbre guide gastronomique Gault et Millau. 

Né en 1945, ce fils de maçon devait être prêtre, avant de se découvrir une passion pour la cuisine, comme il le racontait dans l'émission Photo-portrait, en 1990, où le chef cuisinier se livrait au micro de Gérard Salvy :

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A 15 ans j'étais au Petit Séminaire, ça n'était pas vraiment la même vocation. Il y avait de la contrainte, de la rigueur, et le moment de détente c'est quand je devais aller aider les religieuses à faire la cuisine. Et disons que je me suis pris un petit peu de passion pour la cuisine et lorsque je me suis retrouvé dans une situation familiale un petit peu difficile on m'a demandé quel métier je voulais faire et tout de suite j'ai dit "C'est la cuisine !". C'est comme ça que j'ai commencé à 15 ans, sur le tas, j'ai fait un apprentissage et après j'ai circulé sur le tour de France, parce que ce qui a fait la réputation de la cuisine française, ce qui continue je crois à la faire, c'est quand même la cuisine régionale.

Joël Robuchon dans Photoportrait (07/07/1990)

14 min

Son premier restaurant, Le Jasmin, ouvert en 1981, ne met que trois ans avant d'obtenir ses trois étoiles au guide Michelin : 

Il y a des risques à prendre quand vous voulez faire quelque chose comme vous le ressentez, si vous voulez vraiment vous exprimer, exprimer votre personnalité à travers la cuisine. Il faut être installé, c'est pour ça que mon ambition a toujours été de m'installer, mais je n'avais pas beaucoup d'argent, il a fallu que j'attende 20 ans de carrière pour pouvoir m'installer, [...] pour faire la cuisine que j'aimais, la cuisine que j'avais toujours eu envie de faire mais que je n'avais jamais pu faire parce qu'il y avait des risques que je ne pouvais pas faire prendre aux établissements dans lesquels je travaillais auparavant.

Joël Robuchon considère qu'il fait une cuisine "régionale, une cuisine traditionnelle revue, corrigée, adaptée au goût du jour". Il remet notamment à l'honneur la purée de pommes de terre, qui devient l'un de ses plats signature : 

Quand je suis arrivé ici, dans un restaurant qui était considéré comme un restaurant de luxe avant que j'arrive, où j'ai commencé à faire une purée de pommes de terre... Faire une purée de pommes de terre dans la restauration il y a 10 ans c'était méconnu, la pomme de terre avait disparu du luxe. C'était ce que j'aime. Je ne pouvais prendre ce risque-là que chez moi. 

En décembre 1993, dans l'émission Nuits magnétiques, Joël Robuchon racontait sa façon de cuisiner, notamment à l'oreille : 

Quelque chose que j'adore c'est la sortie du pain du four, vous sortez le pain, on fait des petites baguettes. Quand on les sort, on les écoute, elles chantent, vous entendez ce pain qui craque... C'est quelque chose de merveilleux ce bruit. Dans la cuisine, nous on cuit beaucoup à l'oreille, l'huile on met une goutte d'eau dedans on entend si elle chante, le beurre quand il chante, le rôti, les produits, on juge beaucoup au bruit.

Cuisine sur Paroles (Nuits magnétiques, 12/12/1993)

1 min

Et si le chef cuisinier se fend de quelques conseils, il reste cependant impossible, selon lui, de codifier la cuisine :  

Pour tout cuisinier il faut avoir la maîtrise, la technique, il faut être gestuel. Le plus dur, il y a deux choses : la première c'est de trouver le meilleur produit possible, parce qu'on ne peut pas faire de bonne cuisine sans bon produit et souvent le produit fait la différence entre plusieurs cuisinier ; et après c'est de fixer les parfums, de fixer les saveurs, et ça c'est quelque chose qu'on ne peut pas codifier. On peut l'écrire mais, même si on arrive à l'écrire, on ne peut pas dire à un moment donné "il faut couvrir", "il faut découvrir", "attention il y a les odeurs qui sont là, il ne faut pas les laisser s'échapper"... Ça c'est quelque chose qui vient également avec la connaissance du métier. C'est vraiment une profession, on a besoin de tous les sens si on veut réussir dedans.

Joël Robuchon avait exporté sa gastronomie à l'international notamment avec l'implémentation de ses "Atelier Joël Robuchon" à Paris, Tokyo, Las Vegas, New York, Hong Kong, Taipei ou encore Montréal. Il laisse derrière lui une quinzaine de restaurants, et une empreinte indélébile sur la haute gastronomie : 

Je suis cuisinier de métier, de passion, par goût. C'est ce qui détermine ma vie, toute ma vie est faite autour de cette profession que j'ai choisie délibérément, ce qui n'est pas le cas pour tout le monde. J'ai la chance de faire un métier que j'aime. Alors qui je suis ? Je suis un cuisinier. Joël Robuchon