Le premier système de climatisation remonte à 1842. À l'époque, tout le monde avait pris son inventeur pour "un cinglé".
Si vous pouvez vous rafraîchir grâce à la climatisation l’été, c’est grâce à John Gorrie, un médecin américain qui l’a inventée en 1842, un peu sans le vouloir...
Le tout premier climatiseur, élaboré dans les années 1840 fabriquait des cubes de glace et fonctionnait à la vapeur.
Son inventeur, John Gorrie, est né en 1803 et a été formé comme médecin à New York. À 30 ans, il s’installe en Floride, région au climat tropical et humide, où les moustiques font la loi et où la fièvre jaune fait des ravages, avec un taux de mortalité qui peut atteindre 60%.
Malaria, la faute au 'mauvais air' ?
Dans les années 1830, on pense que c’est l’air vicié des marais - où stagnent des végétaux en décomposition - qui donne ces maladies, d’où le nom de malaria, littéralement le “mauvais air” en italien. Sous l’impulsion de John Gorrie, de grands travaux sont menés pour les assécher. Le médecin veut aussi rafraîchir les habitations et les chambres d’hôpitaux pour prévenir les maladies.
Linda Caldwell, autrice de He made ice and changed the world (Atlantic Publishing group, 2020) : "On avait remarqué que durant les mois les plus froids de l’année, il n’y avait pas de maladie tropicale. Donc on croyait qu’en rafraîchissant l’air et l’environnement, il y aurait moins de maladies."
John Gorrie élabore alors un système avec une bassine de glace fixée au plafond, qui produit de l’air froid, plus lourd, descendant via une ouverture placée en contrebas.
Mais à cette époque, la glace est difficile à importer en quantité l’été jusqu’à la petite communauté d’Apalachicola en Floride. Et son prix est exorbitant : l’équivalent de 50 dollars le kilo. Le médecin imagine un appareil en bois doté d'un moteur à vapeur et de manivelles qui condense l'air pour créer de la glace grâce au contraste entre les températures.
Linda Caldwell : "Gorrie s'est souvenu d'un manuel de physique qu’il avait lu durant ses études de médecine. Ce manuel abordait la thermodynamique, qui relie la question de la densité de l’air et de l’humidité. Il s’est dit : “Si je condense l’air et que je le projette ensuite dans un environnement contrôlé, je devrais pouvoir le dilater. Alors il a projeté l’air via une petite ouverture et l’air s'est suffisamment dilaté pour former de la glace. Mais il lui a fallu 8 heures pour remplir son premier tonneau !"
Un génie incompris
John Gorrie incarne cet idéal du XIXe siècle, de médecin philanthrope et de notable investi dans sa communauté. Il occupe de nombreux postes, aux finances, à la mairie et se sert de son influence pour arriver à ses fins.
Sa machine, peu pratique et rustique, fonctionne, malgré des fuites d’eau fréquentes. Elle est aussi utilisée pour lutter contre les intoxications alimentaires en gardant les aliments au frais.
Pourtant, John Gorrie est moqué dans la presse et décrit comme “un cinglé qui pense pouvoir fabriquer de la glace avec sa machine, comme Dieu tout puissant.” Avec son invention, il se met aussi à dos la corporation des commerçants de glace.
Linda Caldwell : "Il a cherché des investisseurs mais à l’époque, ceux-ci se trouvaient au nord des États-Unis… où il y avait de la glace. Alors personne ne voulait investir dans sa machine car elle ne répondait pas à un besoin. Gorrie était plus un humanitaire qu’un ingénieur ou un commercial…"
Malgré l’obtention d’un brevet en 1851, Gorrie ne parvient pas à produire à la chaîne sa machine. Il mourra seul et ruiné à 52 ans, probablement de la malaria.
Il faut attendre les années 1930 pour que des climatiseurs modernisés et moins encombrants se vendent sur le marché.
Linda Caldwell : "Gorrie a été le premier à utiliser un compresseur d’air pour rafraîchir l’atmosphère, ce qui était une fabuleuse découverte car tous les climatiseurs aujourd’hui utilisent ce système."
Selon l’Agence internationale de l'énergie, il y avait 2 milliards de climatiseurs en fonction en 2020. Un marché qui n’est pas prêt de décroître avec le réchauffement climatique… mais qui contribue aussi à augmenter l’effet de serre.