« L’Épreuve » et « les Acteurs de bonne foi », de Marivaux (critique d’Olivier Pansieri), Théâtre de l’Atalante à Paris
Par Trois Coups
L’Atalante remporte « l’Épreuve » Agathe Alexis et Robert Bouvier ont eu la bonne idée de réunir en un seul pr ogramme « l’Épreuve » et « les Acteurs de bonne foi », deux pièces courtes de Marivaux qu’ils mettent en scène et jouent à L’Atalante. Épreuve gagnée haut la main par des acteurs qui, de bonne foi, sont extraordinaires.
Fil rouge : les personnages, qu’on retrouve à peu de choses près dans les deux pièces cadre, la campagne thème, l’amour mis à l’épreuve au moyen d’un jeu. Dans l’Épreuve , le richissime Lucidor (sic !) manipule son rival, un fermier cupide, et travestit son valet en pseudo-marquis pour sonder celle qu’il aime, Angélique. Les Acteurs de bonne foi conte une nouvelle mascarade, au cours de laquelle la Parisienne aisée (Madame Amelin) entend, elle aussi, faire tomber les masques de provinciaux qu’elle soupçonne d’être intéressés.
Les riches, nous disent ces deux pièces, veulent tous les conforts : le matériel et l’affectif. Las ! Comment être sûr qu’on les aime pour eux-mêmes ? En jouant, pardi ! Jouer, n’est-ce pas abuser tout en s’amusant ? Robert Bouvier dans Lucidor, Frank Michaux dans Frontin s’en donnent à cœur joie, l’un dans le voyeur un rien tortionnaire, l’autre dans le goujat plus vrai que nature. Ils auraient pu aisément inverser leurs rôles. Gageons que Robert Bouvier n’a su résister au plaisir de jouer avec Marie Delmarès. Rarement Angélique fut plus Angélique que celle-là !
Disons-le, elle casse la baraque. Non seulement dans la scène (attendue) de sa sainte colère, mais aussi dans les précédentes, plus ingrates, où il lui faut débiter uniment un texte tout droit, tout simple. Elle y réussit à merveille, secondée par Nathalie Jeannet, son double autant que sa suivante, comme souvent chez Marivaux. Il faut dire que leurs soi-disant prétendants ont de quoi ahurir la plus impassible. Dans le genre « plouc relou », l’un des champs, l’autre des villes, Guillaume Marquet et Frank Michaux atteignent des sommets.
Mise en scène attentive d’Agathe Alexis, qui tient, d’une main sûre, les rênes de ses pur-sang, sans cela vite emballés. La première pièce finit sur un hymne à la joie des corps d’avoir (enfin !) conquis le droit de s’épouser. La seconde a d’autant plus de mal à démarrer. Un poil tirée par les cheveux, elle doit attendre l’irruption de Maria Verdi (Madame Argante) pour nous convaincre de sa pertinence. Mais alors quelle tornade ! La farce tourne au psychodrame, qui effectivement éclaire l’œuvre précédente d’un jour d’ailleurs assez sombre.
Merci aux metteurs en scène de n’avoir cependant, à aucun moment, cherché à édulcorer ni à « muscler » sottement le propos. De ce juste équilibre est née une grâce qui accompagne, de bout en bout, ce joli voyage aux pays des mensonges et des faux-semblants. Gilles Lambert l’a très logiquement situé dans une serre, lieu de la nature domestiquée. Les silhouettes baroqueuses des divers personnages, qu’il a costumés en songeant à Watteau comme à Fellini, y tourbillonnent à qui mieux mieux. Ce n’est pas le moindre charme, ni la moindre audace, de ce spectacle brindezingue, où tout le monde a l’air de marcher sur la tête ! À tout point de vue, une réussite. ¶
Olivier Pansieri
Les Trois Coups
L’Épreuve * et les Acteurs de bonne foi , de Marivaux*
Compagnie du Passage • Compagnie Agathe-Alexis
http://www.compagniedupassage.ch
L’Épreuve
Mise en scène : Agathe Alexis
Assistante à la mise en scène : Nathalie Sandoz
Avec : Robert Bouvier, Marie Delmarès, Nathalie Jeannet, Guillaume Marquet, Frank Michaux, Maria Verdi
**Les Acteurs de bonne foi **
Mise en scène : Robert Bouvier
Assistant à la mise en scène : Olivier Nicola
Avec : Agathe Alexis, Jaime Azulay, Robert Bouvier, Marie Delmarès, Sandrine Girard, Nathalie Jeannet, Guillaume Marquet, Frank Michaux, Nathalie Sandoz, Maria Verdi
Scénographie, costumes et accessoires : Gilles Lambert
Lumières : Laurent Junod
Son : Jaime Azulay, Cédric Liardet
Maquillages : Vanaëlle Mercaton
Assistant accessoires : Yvan Schlatter
Théâtre de l’Atalante • 10, place Charles-Dullin • 75018 Paris
Réservations : 01 46 06 11 90
Du 18 novembre au 29 décembre 2011 à 20 h 30, jeudi et samedi à 19 heures, dimanche à 17 heures, relâche le mardi, représentations exceptionnelles : le samedi 24 et le dimanche 25 décembre 2011 à 20 h 30, le mardi 27 décembre 2011 à 20 h 30
Durée : 2 heures sans entracte
20 € | 15 € | 12 €