L’Europe centrale va-t-elle renoncer au populisme ?

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L’Europe centrale va-t-elle renoncer au populisme ?

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Petr Fiala, le leader du Parti civique démocrate, est sur les rangs pour devenir Premier ministre tchèque après sa victoire aux législatives devançant Andrej Babis
Petr Fiala, le leader du Parti civique démocrate, est sur les rangs pour devenir Premier ministre tchèque après sa victoire aux législatives devançant Andrej Babis
© AFP - LUKAS KABON / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP

Lentement, les gouvernements populistes du groupe de Visegrád s'affaiblissent. Après la Slovaquie, c'est au tour de la République tchèque et de la Hongrie. Dans ces deux pays, le mouvement contre les populistes est incarné par deux hommes politiquement proches : Péter Márki-Zay et Petr Fiala.

En Europe centrale, la Slovaquie a été le premier pays du groupe de Visegrád (Pologne, République tchèque, Hongrie et Slovaquie) a voté contre les populistes en 2019. Plus récemment, en octobre 2021, c’est au tour des Tchèques de franchir le rubicond. Petr Fiala, un libéral de 57 ans, a battu aux élections législatives le populiste Andrej Babis. Le troisième pays à basculer sera-t-il la Hongrie ? Le candidat de l’opposition unie hongroise, Péter Márki-Zay, est en bonne voie pour affronter Viktor Orbán aux législatives d’avril 2022. Politiquement, Péter Márki-Zay et Petr Fiala sont très proches. 

Les temps changent en Europe centrale

Il y a trois ans, le groupe de Visegrád faisait beaucoup parler de lui en Europe. Avec quatre nations de l’Union européenne populistes, de droite et de gauche, opposés aux migrants, proches de Trump ou de Netanyahou. Quatre populistes qui allaient transformer l’Europe, en devenant l'avant-garde des nationalistes. Jaroslaw Kaczynski le Polonais, Viktor Orbán le Hongrois, Robert Fico le Slovaque et Andrej Babis le Tchèque. Mais avec le temps, le groupe s’est fissuré. 

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En Slovaquie, c'est désormais la centriste et pro-européenne Zuzana Caputova qui est présidente. Son Premier ministre, Eduard Heger est clairement opposé au régime de Robert Fico, accusé d'être lié à la corruption et dirigeant d’un gouvernement populiste de gauche allié aux nationalistes et réactionnaires. Deuxième domino à tomber, en octobre, celui d’Andrej Babis. Un régime très difficile à suivre, de gauche ou de droite ? À la fois proche de l’ancien régime communiste, Babis est accusé d'être lié aux services secrets communistes, le StB, (une accusation qu’il réfute) et très proche du président de la république, Milos Zeman, un ancien communiste, pro-russe, pro-chinois et anti-européen. Babis avec son parti ANO (“Oui”, Action des citoyens mécontents) est à la fois, libéral (enfin, officiellement) et populiste. Lors de la dernière campagne, il était soutenu par Viktor Orbán, c’est-à-dire une vision commune avec le pouvoir hongrois : contre les migrants et favorable aux racines chrétiennes en Europe. D’autre part, Babis est accusé de corruption dans de multiples affaires. 

Petr Fiala, ennemi du communisme et du populisme

Babis a donc été balayé. Deux coalitions, une de centre droit et une de centre-gauche, ont remporté les élections législatives tchèques du 8 et 9 octobre. La première, Ensemble, “Spolu”, avec 27,7% est composée de trois mouvements de centre droit : le Parti démocrate civique (ODS), l’Union chrétienne démocrate - Parti populaire tchécoslovaque (KDU-CSL), dont les racines remontent à la création de la Tchécoslovaquie en 1919 et le TOP09, comme Tradition, Responsabilité, Prospérité. Ces trois partis sont centristes, libéraux et pro-européen. Ils sont issus du Forum civique, de Vaclav Havel, qui a eu lieu lors de la révolution de velours à la chute du communisme en 1989. L’autre coalition est composée par les Pirates et les maires (PaS). Elle a obtenu 15%, c’est une coalition centriste, libérale, écologiste et europhile. À la tête du futur gouvernement tchèque, le chef du parti le plus important de la coalition l’ODS : Petr Fiala.

Cela fait sept ans que Fiala est à la tête de ce parti. Ce quinquagénaire est un intellectuel qui est passé par la célèbre Université Charles de Prague et surtout l’Université Masaryk, dans sa ville natale de Brno en Moravie, la deuxième ville du pays. Il en était le recteur. Petr Fiala a fait des études d’histoire, de littérature, de journalisme et il a été chercheur en Sciences-Po. Dans sa carrière politique, il a été ministre de l’Education de 2012 à 2013. Le futur Premier ministre tchèque a déclaré, lors de sa victoire électorale : 

Ensemble (le nom de sa coalition), nous avons donné à la République tchèque, la chance d’avoir un avenir meilleur (…) de faire partie de l’Europe démocratique.

Une phrase symbole d’un nouveau gouvernement qui montre sa différence avec un ancien régime populiste. Habillé décontracté, des lunettes rondes, cet intellectuel a lutté contre la dictature communiste, avec de nombreux actes civiques non-violents. Fiala a par exemple participé à l’Université libre, clandestine et “underground” de Brno en 1984 et 1989. Il y publiait avec d’autres dissidents la revue 88, bien-sûr interdite par le pouvoir. Le communisme et le populisme sont les deux ennemis de son combat politique. 

Péter Márki-Zay, le fan d’Obama

Péter Marki-Zay prononce un discours le 17 octobre après avoir été désigné candidat de l'opposition unie contre Viktor Orban
Péter Marki-Zay prononce un discours le 17 octobre après avoir été désigné candidat de l'opposition unie contre Viktor Orban
© AFP - ATTILA KISBENEDEK

En Hongrie, l'opposition est loin de cette situation. Car les élections sont en 2022 et Viktor Orbán est toujours au pouvoir. Mais il y a beaucoup de points communs entre Petr Fiala le futur Premier ministre tchèque et le tout nouveau leader de l'opposition hongroise, Péter Márki-Zay. MZP (son surnom hongrois), 49 ans se présente comme étant “ni à gauche, ni à droite, mais vers le haut”. Il est catholique pratiquant, père de sept enfants, conservateur, pro-européen, favorable à une union politique avec le centre-gauche pour “mettre un terme à la dérive anti-démocratique, au régime autoritaire, illibéral d’Orbán”. Et comme MZP a le sens de la formule, il qualifie le régime d’Orbán d’“Etoile Noire” comme dans Star Wars ! 

Les premières phrases après sa large victoire dans les primaires de l’opposition ont été extrêmement spectaculaires : “Je prends dans mes bras les Juifs, les Roms, les homosexuels”. Et son programme est opposé à celui de Viktor Orbán : “Démocratie, État de droit, intégration européenne”. MZP est un économiste et un ingénieur. Il a vécu longtemps en dehors de la Hongrie, aux États-Unis mais aussi dans toute l’Europe. En plus du Hongrois, il parle trois langues, l’anglais, l'allemand et le français. Fan de Barack Obama, il était aux États-Unis quand Obama faisait sa campagne électorale et il garde avec lui une trace de cette époque, une affiche avec inscrit “Hope”. 

Après avoir couru le monde, Péter Márki-Zay est retourné à Hódmezővásárhely, une petite ville du sud-est de Hongrie de 45 000 habitants. L’homme n'a pas pu s'empêcher de rester loin de la politique, surtout dans cette ville gérée par le parti d’Orbán depuis la chute du communisme. MZP s’est donc lancé dans la bataille, a pris la tête de l'opposition unie et a gagné les municipales en 2018. La tâche n’était pas simple, il dirige une coalition de sept partis : le Parti socialiste hongrois, (MSZP), la Coalition démocratique (DK) des socio-démocrates, la politique peut être différente (LMP) des écolos-libéraux, le Parti du dialogue pour la Hongrie (PM) des écologistes, le Mouvement momentum (MM) du centre droit, Jobbik anciennement d'extrême droite mais maintenant de centre droit et puis bien-sûr le parti conservateur de Péter Márki-Zay, le Mouvement la Hongrie de tout le monde (MMM). Pour l’instant, la surprise de Péter Márki-Zay est très médiatique, mais quelle va être la réaction de Viktor Orban au pouvoir depuis 2010 ? Les sondages sont pour l’instant très serrés entre le Fidesz et la Coalition de l’opposition.