L'humour comme arme de dissidence

L'humour, arme de dissidence en Algérie
L'humour, arme de dissidence en Algérie

L'humour, arme de dissidence

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L'humour comme arme de dissidence

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Des réseaux sociaux aux rues d'Alger, la jeunesse algérienne rivalise d'imagination entre humour et satire politique pour dénoncer un système à bout de souffle. Une véritable tradition algérienne.

"L'humour politique et la satire politique montrent une façon de répondre à l’absurdité du cinquième mandat de Bouteflika par l’absurde" explique Elizabeth Perego, historienne et maîtresse de conférence à l'Université de Shepherd (États-Unis ).

Des centaines d’Algériens ont ainsi appelé les hôpitaux de Genève pour avoir des nouvelles de leur président et ont inondé leurs pages Facebook de commentaires.

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Capture d'écran de la page Facebook des Hopitaux Universitaires de Genève
Capture d'écran de la page Facebook des Hopitaux Universitaires de Genève

Depuis le début de la mobilisation contre un cinquième mandat du président Bouteflika, l’utilisation de l’humour par les Algériens a traversé les frontières.

C’est une continuation de cette tradition d’humour politique en Algérie depuis l’indépendance. 

Dans la rue et sur les réseaux sociaux, l’humour permet une attitude critique envers un pouvoir qui est ainsi rabaissé, désacralisé, ridiculisé. Comme c’était déjà le cas pendant la guerre civile des années 1990.

Les Algériens ont emprunté des blagues venues d’autres contextes géopolitiques dans le monde par exemple il y avait les blagues soviétiques jusque dans les années 1990-2000. Donc il y a toujours eu cet emprunt des codes, des blagues des slogans venant de l’étranger adaptés au contexte algérien.               
Elizabeth Perego

En URSS, il existait un mot pour les histoires drôles politiques : les anekdoty.

Il désigne ce genre de blagues : "Sous Staline notre économie se trouvait au bord du gouffre. Depuis, elle a beaucoup avancé.” Interdites sous peines d’arrestation, ces petites histoires étaient un moyen de reconnaître dans son entourage ceux qui étaient capables de critique envers le régime. 

L’ironie permet ainsi de dénoncer sans en avoir l’air, comme dans cette boutade populaire dans les années 1980 en Union Soviétique :

Un Américain et un Soviétique discutent :
- Nous sommes un peuple libre, dit l’Américain, moi je peux sortir devant la Maison Blanche et crier “À bas Reagan !”
- Et alors, répond le Soviétique. Moi aussi je peux sortir sur la place Rouge et crier “A bas Reagan !”

Je pense qu’on assiste maintenant à une rupture politique comme on a vu en Union soviétique et c’est pour ça qu’on voit beaucoup plus de blagues. On les voit depuis l’étranger parce que c’est beaucoup plus médiatisé et c’est ça qui a changé, ce ne sont pas les blagues qui changent. Il y a une sorte de partage avec les codes qu’on voit aussi dans les manifestations anti-Trump aux États-Unis et aussi des Algériens qui participent aux manifestations s’inspirent de slogans qu’ils ont vu dans des manifestations anti-Brexit ou des “gilets jaunes”.                    
Elizabeth Perego

Depuis le début de la mobilisation en février, les manifestations algériennes sont remarquées pour leur civisme et leur pacifisme. 

Je pense que l’humour dans ce contexte-là c’est une façon de faire entrer un niveau carnavalesque dans ces manifestations pour montrer au monde qu’on est pacifique.                    
Elizabeth Perego

À lire

Prolétaires de tous les pays, excusez-moi ! d’Amandine Regamey
Éd. Buchet/Chastel,2007 

Les Algériens: le rire et la politique de 1962 à nos jours de Bachir Dahak
Éd. Frantz Fanon, 2018