Ce cliché légendaire du "Hindenburg" en flammes, un dirigeable quasiment aussi grand que le Titanic, est l'une des premières photos d'un désastre aérien pris et médiatisé en temps réel. L'accident a fait la une des journaux en 1937 et a mis fin à l'âge d'or des zeppelins.
L'image de cet embrasement, prise le 6 mai 1937 dans le New Jersey, a ému les contemporains et mis fin à l'ère des zeppelins.
Surnommé le “Titanic des airs”, le Hindenburg survole le monde entre 1936 et 1937. Avec ses 245 mètres de long, et ses 41,2 mètres de diamètre, il est le plus grand dirigeable jamais construit. Propulsé par quatre moteurs Diesel, il peut aller jusqu’à 130 km/h et traverser l’Atlantique en 3 jours, moyen le plus rapide à l’époque.
À bord, des cabines, un bar, une salle de dîner, une salle de lecture, un fumoir, un salon avec un piano, la trentaine de passagers jouissent de services d’exception délivrés par quarante membres d’équipages. Le “Hindenburg” est la fierté de l’Allemagne nazie mais aussi un objet de propagande, exposé aux JO de Berlin, à une époque où l’aviation passionne les foules.
Depuis le tout premier vol contrôlé d’un dirigeable en 1884 -, une escapade de 18 minutes au dessus de la forêt de Meudon -, les innovations se sont multipliées. Les plus spectaculaires : les Zeppelins allemands, de l’ingénieur du même nom. Le “Graf Zeppelin”, autre dirigeable géant, fera le tour du monde dès 1929 sous le feu des projecteurs.
À cette époque, la plupart des dirigeables utilisent de l’hydrogène, plus léger que l’air mais hautement inflammable. Il provoque ou aggrave certains accidents, comme celui de l'américain Roma en 1922, du britannique R101 en 1930 et du français Dixmude en 1932. Le mastodonte Hindenburg devait être gonflé à l’hélium, un gaz non inflammable mais dans les années 1930, ce gaz produit quasi exclusivement par les États-Unis est sous embargo.
En mai 1937, le géant des airs survole l’Atlantique pour la 37è fois rempli d’hydrogène. Les vols transatlantiques étant des événements pour l’époque, photographes et cameramen sont envoyés pour immortaliser son arrivée dans le New Jersey. Parmi eux, Sam Shere, de l’agence International News Photos attend de capturer d'éventuelles célébrités au débarquement
Au sol, l’équipage commence à tirer vers la tour d’amarrage le dirigeable qui a amorcé sa descente vers 19h dans une météo orageuse avec une fuite de gaz. Il prend feu soudainement. “Je n'ai même pas eu le temps de porter (l'appareil) à mes yeux. J'ai déclenché au niveau de ma taille. Tout s'est passé si vite que c'était la seule chose à faire", déclare Sam Shere dont le cliché va faire le tour du monde.
Elle est la "photographie d’actualité la plus célèbre jamais prise”, pour Bowman Newhall dans The history of Photography, celle qui reste comme l’image du désastre, le moment décisif où le dirigeable prend feu, où l’on voit l’équipage prendre la fuite. Les deux tiers des passagers survivent à l’accident.
À une époque où les médias commencent à délivrer des images en temps réel, l'iconique image de Shere provoque une vive émotion, marquant à la fois la fin de l’âge d’or du dirigeable et les origines de la photo à sensation. À la fin des années 1960, cet embrasement légendaire devient même un objet pop, sur la pochette du premier album de Led Zeppelin, symbolisant, selon les mots de Jimmy Page, leur entrée fulgurante dans le rock.