La crise sanitaire omniprésente dans les nouveaux mots du dictionnaire

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La crise sanitaire omniprésente dans les nouveaux mots du dictionnaire

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170 nouveaux mots intègrent l'édition 2022 du Petit Larousse illustré, dont une grande majorité liée à la pandémie de Covid-19.
170 nouveaux mots intègrent l'édition 2022 du Petit Larousse illustré, dont une grande majorité liée à la pandémie de Covid-19.
© Radio France - Eric Chaverou

C’est une petite révolution dans notre champ lexical. 170 nouveaux mots vont faire leur entrée dans le dictionnaire édition 2022. Pour la première fois depuis des dizaines d’années, une grande partie d’entre eux est liée à un seul thème : la pandémie de Covid-19.

Quatorzaine, déconfinement, distanciation physique… Ces mots font leur entrée au dictionnaire. Comme tous les ans, les nouveaux mots ont un rapport avec l’actualité mais pour la première fois depuis bien longtemps, la grande majorité concerne uniquement la crise sanitaire. Une petite révolution dans notre champ lexical. 

Qui utilisait quotidiennement ou presque il y a un an et demi les termes confinement, télétravailler, distanciation physique, asymptomatique ou encore couvre-feu ? Tous font partie des nouveaux mots ou expressions qui entrent au dictionnaire, parfois sous un nouveau sens. Ils sont au total 170 et entre 60 et 70% d’entre eux ont trait à la pandémie de Covid-19. Un champ lexical dédié à une seule thématique, cela ne s’était pas vu depuis des décennies.

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"Lors des deux grandes Guerres mondiales, tout un vocabulaire très spécifique était apparu et avait envahi la langue française, raconte Carine Girac-Marinier, directrice du département Dictionnaire et Périscolaire aux éditions Larousse. Mais évidemment, les guerres avaient duré plus longtemps... Je pense que dans les périodes très dures pour la société française et l’humanité en général, on crée beaucoup de mots." 

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Des mots d'origine médicale ou reflet de la pandémie dans le quotidien

En grande majorité, ils sont d’origine médicale ou sont le reflet de la pandémie dans notre vie quotidienne. "Couvre-feu, un très vieux mot qui vient du Moyen Âge, est à nouveau très utilisé aujourd’hui alors qu’il ne l’a pas été pendant des années ou que dans les endroits où il y avait des guerres importantes" donne comme exemple Carine Girac-Marinier. Jusqu’à présent, le terme "confinement" avait un sens plutôt militaire puis il a été utilisé pour le nucléaire. Confinement se définissait ainsi : "Ensemble des conditions dans lesquelles se trouve un explosif détonnant quand il est logé dans une enveloppe résistante" et "Ensemble des précautions prises pour empêcher la dissémination des produits radioactifs, dans l’environnement d’une installation nucléaire". Aujourd’hui, il s’applique au grand public. 

Pour Carine Girac-Marinier, cela montre la "grande créativité de la langue française pour lutter et s’approprier la pandémie, essayer de mettre des mots dessus, de manière à moins en avoir peur et ne pas être passif". Une manière de mettre "des mots sur les maux".

Dès qu’elle est apparue, l’épidémie avait un côté très effrayant (…) donc je pense qu’il y avait une nécessité à nommer les choses et à en parler. Il faut aussi constater qu’il y a une spécificité française de la création lexicale. Les Italiens ont par exemple parlé de "lockdown" pour le confinement et n’ont pas inventé de mot dédié. Les Français ont eux eu besoin d’avoir une langue en partage pour lutter contre l’épidémie en étant pro-actifs.                              
Carine Girac-Marinier, directrice du département Dictionnaire et Périscolaire aux éditions Larousse

D'anciens mots avec un sens nouveau

Certains mots existaient déjà dans le dictionnaire. C’est le cas pour asymptomatique ou comorbidité. Mais leur usage était généralement réservé au milieu scientifique ou médical. "‘Comorbidité’  est entré il y a sept-huit ans dans le dictionnaire et à l’époque, il était relativement peu connu du grand public, affirme Carine Girac. Aujourd’hui, tout le monde est amené à le comprendre." Certains mots qui existaient auparavant dans la langue française ont, à travers cette pandémie, trouvé un nouveau sens. "Aéroporter" s’associait jusque-là au langage militaire. "Seules les troupes pouvaient être aéroportées" précise Carine Girac-Marinier. Désormais, le virus peut aussi bien être manuporté qu’aéroporté.

Le petit Larousse, dont la nouvelle édition sortira le 19 mai, comportait déjà un grand nombre de mots liés aux épidémies, notamment après les épidémies de SRAS, de H1N1, d’Ebola… Ainsi les termes de cordon sanitaire ou PCR existaient déjà. Au total, une trentaine de mots ont de la sorte fait leur réapparition. D’autres sont plus liés à l’évolution de nos quotidiens : les "corona-pistes", ces pistes cyclables créées au début de la pandémie pour éviter la foule dans les transports en commun. En revanche, le dictionnaire n’inclut pas le terme de "coronapéro", ces apéros par écrans interposés durant les périodes de confinement, jugé trop ponctuel et qui ne restera sans doute pas dans la langue française. 

On essaie toujours de faire entrer des mots poussés par l’actualité mais aussi dont on sait qu’ils vont rester dans la langue française. Le choix s’effectue toujours selon deux critères : quantitatif (le nombre d’occurrences du mot) et qualitatif (son utilisation par le grand public). Pour ce critère qualitatif, on utilise les médias car lorsqu’ils utilisent des mots nouveaux cela nous permet d’estimer le besoin de définition de ce mot. (…) Limiter le nombre à environ 150 nouveaux mots par an nous permet également d’éviter les effets de mode. Le critère est vraiment l’usage, il faut définir dans le dictionnaire les mots en usage dans le bassin francophone.
Carine Girac-Marinier

Concernant le genre du terme Covid-19, le Petit Larousse illustré a décidé de ne pas trancher : le féminin et le masculin sont indiqués, il revient donc à l'usage de faire ce choix. Quant à "cluster", si l'an dernier, cet anglicisme n'était pas près de faire son entrée dans le Petit Larousse, il y a finalement été inclus. L'usage semble avoir tranché.