
Cinémas, théâtres, musées ne rouvriront pas pour les fêtes de Noël en France. Nos voisins européens n'échappent pas non plus à ces restrictions. La pandémie révèle la méconnaissance d'un secteur qui ne réclame pas de traitement de faveur mais d'être reconnu à sa juste valeur.
Pas d'exception culturelle en France : les théâtres, cinémas et musées restent fermés au moins jusqu'au 7 janvier à cause de la crise sanitaire. Et des milliers de professionnels et d'artistes en colère viennent notamment d'engager un référé-liberté contre cette décision du gouvernement. Comment ailleurs en Europe évolue la situation culturelle ? Exemples en Espagne, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie.
Le sentiment d’abandon du flamenco espagnol est immense
Depuis le 13 mars 2020, le gouvernement central de Madrid n’a pas concédé le moindre geste aux "tablaos", ces temples fiévreux d’une musique et d’une danse, élevée au rang de patrimoine culturel immatériel de l’Humanité en 2012. Rien ou presque rien. La seule initiative de Madrid se résume à son "Plan d’impact pour la Culture" visant à renforcer la programmation des spectacles de Flamenco à la télévision, et à accompagner les associations de Flamenco pour qu’elles se produisent en ligne. Mais à part ça, aucune aide financière, le seul soutien est venu des communautés autonomes pour assurer le paiement des loyers et éviter aux locataires des "tablaos" de finir à la rue. "Au total, six des vingt et une salles madrilènes ont mis la clé sous la porte depuis le début de la pandémie", apprenait-on récemment dans Le Monde.
90% du public de Flamenco vient d’ailleurs, la fermeture des frontières et la faible fréquentation touristique de l’été ont fait sombrer cette inestimable vitrine de la Culture espagnole. Une enquête très détaillée du syndicat Union Flamenca, datée du 18 novembre, révèle que 42% des musiciens, chanteurs, danseurs qui vivent cet art envisagent d’abandonner la profession s'ils ne retrouvent pas de travail d'ici quelque temps. Alors que, selon cette même source, la grande majorité des professionnels ne reçoivent aucune aide (62,7%). "Si nous disparaissons, une partie du Flamenco mourra avec nous !" s’alarmait récemment Federico Escudero, président de l’association nationale de tablaos flamencos, dans le quotidien en ligne Voz de America.
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Et le 28 octobre dernier à Séville, le mouvement #LunarOff a lui organisé un défilé de flamencas en deuil pour interpeller le gouvernement au sujet de la mode flamenca. Face à une situation critique, ce secteur économique et culturel demande des aides et aussi à être reconnu au patrimoine mondial de l'Humanité, comme le flamenco (musique, danse et chant) l'avait été en 2016.
Comment se porte plus globalement la Culture en Espagne ? Cela dépend des 17 régions et de leurs différentes lois, très changeantes. Correspondance de Madrid de Mathieu de Taillac
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Grande-Bretagne : "Nous avons besoin de nos arts pour nous élever"
Plus au Nord de l’Europe, les artistes de l’industrie musicale britannique ne décolèrent pas, lâchés, dès le 1er confinement, sans travail, sans aucune ressource et sans aide. Quelques mois plus tard, en Grande-Bretagne, 30% des musiciens ont été contraints de changer de métier. Dans les colonnes de The Guardian, début décembre, le musicien et producteur Damon Albarn a dénoncé " l’absence totale de considération, d'empathie du gouvernement pour les arts" :
Nous vivons parfois dans un putain de pays misérable et nous avons besoin de nos arts pour nous élever. Cela devrait faire partie de la prescription pour notre santé nationale.
Un point de vue partagé par Alexander Wright, "les autorités n’en font pas assez, je dirais même que le secteur culturel, dans son ensemble, n’est pas du tout soutenu par notre gouvernement" regrette le metteur en scène de Gatsby le magnifique, l’un des rares spectacles qui a résisté à la crise.
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Pourtant, début juillet, après des semaines de pression de l'industrie britannique du spectacle, le ministre de la Culture Oliver Dowden a annoncé un plan de relance d'1,57 milliard de livres sterling, soit 1,73 milliard d'euros. Quelques jours auparavant, 1 500 personnalités et artistes britanniques, de Paul Mc Cartney aux Rolling Stones, en passant par Coldplay ou Depeche Mode, avaient écrit une lettre ouverte au gouvernement en lui demandant un plan d’urgence pour l’industrie musicale.
Le 30 septembre, une campagne Red alert a illuminé de rouge théâtres, galeries et les salles de concerts. Les organisateurs affirmant qu'environ 1 million de personnes au Royaume-Uni travaillent dans l'industrie des événements en direct, dont beaucoup sont pigistes.
Et à Londres, ce mercredi 16 décembre, pubs et restaurants viennent d'être contraints de fermer leurs portes pour la troisième fois depuis le début de la pandémie. Idem pour tous les lieux culturels. Or cette nouvelle fermeture représente, notamment, un véritable désastre pour les théâtres de la capitale. Là où l'on vend encore plus de billets qu'à New York - 15 millions l'an dernier pour aussi les comédies musicales - les scènes sont restées vides quasiment toute l'année. Les ventes de billets ont chuté de 93% avec la pandémie et les théâtres ne peuvent plus compter sur la période des fêtes pour se renflouer :
Cet été, 70% des théâtres londoniens craignaient déjà de faire faillite d'ici la fin de 2020. Correspondance de Maxence Peigné.
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Les conséquences de choix politiques
Une sentence déjà prononcée en Allemagne. Les lieux culturels resteront également fermés jusqu’à la mi-janvier. Mais les mots d’Angela Merkel, au bord des larmes, samedi 5 décembre, à l’idée de priver ces concitoyens d’activité culturelle, "Il nous manque ce que les artistes nous donnent et ce qu'eux seuls peuvent nous donner", démontrent toute l’empathie (si singulière en Europe) de la chancelière vis-à-vis du secteur culturel. Des paroles, et des actes…
Dans la foulée du discours d’Angela Merkel, l’annonce par Monika Grutters d’un nouveau coup de pouce financier aux producteurs. La compensation, plafonnée à 300 000 euros, des pertes de revenus de chaque producteur de théâtre et de musique, des acteurs que la ministre de la Culture qualifie "d’épine dorsale de notre vie musicale et de notre culture théâtrale". Ces mesures du plan " Neustart Kultur", une contribution d’un milliard d’euros, rapidement mise en place au printemps par l’Etat, en complément du large soutien déjà apporté par les Landers.
En Allemagne, le monde de la Culture a courbé l'échine au printemps mais il se montre beaucoup moins silencieux ces dernières semaines. Correspondance de Berlin de Ludovic Piedtenu (16/12/2020).
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La considération pour cette question semble beaucoup plus relative en Italie, où l’on attend avec impatience les 200 milliards d’euros d’aide européenne mais où l’on estime que la Culture italienne ne mérite pas plus que des miettes. Seulement 1,5% de cette manne sera attribué à l’écosystème culturel italien, lui aussi chancelant. Les promesses du gouvernement pour soutenir ce secteur, qu’il décrit comme "essentiel", se résument pour l’instant à la création d’un "Fonds participatif pour la Culture" alimenté par des ressources privées, sous forme de micro-financement, mécénat…
Le mépris ou la méconnaissance
Une tendance assez claire apparaît à la lumière de cette pandémie, la Culture ne fait pas partie des priorités. Dans cette crise, seule l’Allemagne semble s’être démarquée, par sa réactivité, dans le soutien apporté aux acteurs du secteur culturel, par son inventivité aussi, souligne Jean-Max Colard, critique d’art et responsable de la Parole au Centre Pompidou : "Certains danseurs de compagnies subventionnées ont été redirigés vers les hôpitaux pour accompagner les malades". Créatif, mais pas de quoi sauver des eaux le monde de la Culture en Europe. Les politiques d’urgence culturelles passives ou inefficaces menées depuis le début de la pandémie ont aussi révélées une réalité glaçante.
Quand on voit l’émoi concernant le sort de Notre-Dame et lorsqu’on constate l’absence de considération vis à vis des acteurs vivants de la Culture, cela fait réfléchir (…) En Italie, ils s’en moquent, l’Etat n’a toujours soutenu que le patrimoine, il ne se passe quasiment rien concernant la création (…) il faut que les Etats redeviennent des Etats culturels.
La méconnaissance du monde de la Culture conduirait-elle aujourd’hui un grand nombre de dirigeants à déconsidérer ce secteur ? Cet univers peut pourtant s’avérer précieux en matière de politique étrangère… et économique. Mesure-t-on à sa juste valeur le poids de la Culture dans l’économie ? Jean-Max Colard pose lui cette troisième interrogation : "Est-ce que la Culture est une dépense, une économie ou un besoin ?" et y ajoute un élément de réponse "Certains acteurs culturels ont déjà compris qu’ils ne doivent pas perdre leur temps à quémander des subventions…".
Pour l’heure, partout en Europe, les artistes comme les restaurateurs réclament l’autorisation de se remettre au travail, en respectant les protocoles sanitaires.
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