La fabuleuse histoire de Bob, le mini lave-vaisselle connecté, écolo et 100% made in France
Par Annabelle GrelierDemain l'éco. Malgré des débuts difficiles dans un contexte de crise économique et sanitaire, rien n'aura dissuadé les deux fondateurs de Daan Tech de fabriquer leur lave-vaisselle en Vendée. En plein essor, la jeune pousse ambitionne de devenir la prochaine génération d'électroménager français.
C’est en 2016 que Damian Py et Antoine Fichet, deux jeunes ingénieurs montent leur start-up. La recherche et développement se fera au départ dans la cave d’une amie parisienne d’où ils sortiront leur premier prototype. "On peut dire que l’on a commencé tout en bas !" plaisante Damian Py qui a de bonnes raisons aujourd’hui d’avoir le sourire. Il se vend 2 000 Bobs par mois alors que la production dans leur usine de Cugand n’a débuté qu’en septembre dernier.
Sur la chaîne de fabrication de ce mini lave-vaisselle français et dans la coulisse de son financement. Reportage d'Annabelle Grelier
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Personne n'y croyait
Bob, c’est un lave-vaisselle miniature pour une à deux personnes, qui ne pèse pas plus de 11 kilos, ne consomme que 0,35 kWh par cycle et n'utilise que 3 litres d’eau, soit cinq fois moins qu’un lavage à la main. Soucieux de réduire son empreinte carbone, ses créateurs ont choisi qu’il soit au moins pour moitié fabriqué en plastique recyclé. Bob est de surcroît le seul lave-vaisselle 100% made in France.
A le regarder de plus près, avec son design à la mode, ses couleurs vives et toutes ses options, c’est un petit bijou d’innovation.
Et pourtant, il a bien failli ne jamais voir le jour nous raconte Damian Py :
Personne n’y croyait. Nous sommes allés frapper à toutes les portes mais aucun investisseur n’a voulu miser sur notre projet. Certains nous ont même dissuadés de le construire en France !
D’après leurs calculs, il leur fallait trouver 3 millions d’euros pour arriver à lancer la production. Leur idée était d’aller s’installer chez S20 Industries, un fabricant d’électroménager de La Roche-sur-Yon créé par des anciens de Fagor-Brandt. Brandt, l’un des premiers fabricants français de lave-vaisselles jusqu’à sa liquidation et son rachat par le conglomérat algérien Cevital en 2014 qui finira par arrêter la production en 2016, avait quand même laissé une tradition industrielle dans cette région. La "Sylicon Vendée" comme aime à vanter la région les directeurs de Daan Tech, tant ils sont reconnaissants du soutien qu’ils y ont trouvé.
Car en 2018, après avoir écumé sans succès toute la place de Paris des Venture Capital et fonds d’investissements, c’est finalement la communauté des chefs d’entreprises vendéenne qui s’est mobilisée en leur offrant leur aide financière à hauteur de 700 000 euros.
Le reste de l’investissement vient des clients eux-mêmes. Grâce au système de précommande, pas moins de 6 000 clients vont en un mois acheter leur lave-vaisselle Bob alors même qu’il n’existe que sur le papier.
Sans les premiers clients qui nous ont fait confiance, on n’existerait pas ! L'enthousiasme qu’ils nous ont accordé avec les précommandes a servi de levier. Ça a été le point de bascule. Grâce à eux, nous sommes passés aux yeux des banques d’un projet irréaliste et pas rentable à un projet innovant et audacieux !
A raison de 199 euros l’unité, ce ne sont pas moins d’1,2 millions d’euros qui vont rentrer dans les caisses de Daan Tech et leur permettre ainsi de payer les moules pour fabriquer les pièces, la main d’œuvre et l’assemblage.
Faillite et pandémie
Mais la jeune pousse n’est pas au bout de ses peines. L’entreprise S20 dans laquelle elle s’est installée en août 2018 met la clé sous la porte en avril 2019. Sans local, Daan Tech ne peut non seulement pas honorer ses commandes dans les délais prévus mais se retrouve contrainte de monter sa propre usine.
Avec ses carnets de commandes sous le bras et la marque d’intérêt que lui manifestent ses clients, la jeune pousse va une nouvelle fois faire le tour des banques pour aller chercher des financements et des prêts d’État que cette fois-ci elle arrive à décrocher auprès de la BPI, 800 000 euros, et de la région Pays de la Loire, 500 000 euros.
En mars 2020, ils posent finalement leurs cartons à Cugand, dans un ancien site de production de vêtements de sport. L’usine fait 3 000 mètres carrés, proche de l’usine AS Molding qui fabrique les moules de leurs pièces, des pièces fabriquées non loin de là chez Process à Challans. Ils ont déjà pris un an de retard sur la livraison des commandes mais Damian Py et son associé pensent enfin pouvoir lancer la production quand arrive la pandémie et le confinement. "Nous avons reçu in extremis nos pièces avant que toute la France s’arrête." Finalement, en septembre dernier, les premières livraisons ont pu partir chez des clients à bout de patience.
Mais lancer la production et la commercialisation d’un produit n’est pas un long fleuve tranquille. Quand on accuse un tel retard au démarrage, les clients ne souffrent plus la moindre anicroche. Une partie d'entre eux a souhaité être remboursé et Daan Tech a dû très vite se doter d’un service après-vente qu’il assure aussi sur place dans leur usine en Vendée, ainsi qu’un service de pièces détachées de rechange pour assurer un taux de réparabilité maximum prévu dans ses objectifs environnementaux. En recrutement permanent, la société emploie aujourd’hui 40 salariés, dont 20 CDI et 20 en intérim.
Génération made in China
Il est encore trop tôt pour parler de success story mais avec Bob, Daan Tech a déjà fait un chemin incroyable et ne compte pas s’arrêter là. L’ambition de ses deux jeunes chefs d’entreprises est de vendre leur mini lave-vaisselle à travers le monde. Ils exportent déjà en Europe, en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne, en Suisse mais aussi au Japon et aux États-Unis. Tellement fiers de leur produit, ils ne s’interdisent pas d'essayer d'en vendre aux Chinois. Ce qui serait le comble de la réussite ! Car plus un seul lave-vaisselle n’est aujourd’hui fabriqué en France, toutes les marques ont délocalisé leur production au point de mettre Daan Tech dans une position insolite et tellement à contre-courant de tout ce qui a été dit et pensé ces dernières décennies sur l’industrie française qu’on se demanderait presque où Damian Py et Antoine Fichet sont allés chercher une telle détermination.
"Nous sommes la génération Made in China" constate avec regret Damian Py :
Depuis que nous sommes enfants, tous les produits sont fabriqués en Chine. Pour nous tous, les anciens sites industriels dans les années 50, 60, c’était quelque chose de mythique. Quand les gens qui ont connu cette époque parlent de l’industrie française, on entend une véritable fierté. Eh bien, nous, nous avons envie de réenchanter la production française, de retrouver la fierté de notre industrie.
Daan Tech affiche un véritable patriotisme économique qui passe pour une grosse prise de risque quand de plus l'entreprise s’est donnée la double injonction de non seulement fabriquer en France mais aussi de produire un bien de consommation le plus durable et écologique possible.
"A chaque étape nous avons cherché à répondre à ce cahier des charges pour nous permettre de réduire notre empreinte carbone" explique Damian Py. A l’image de ces recharges de détergent 100% écologique à base de soude que l’entreprise propose sous forme de consigne pour générer moins de déchets et de pollution. "Mais on veut tout de même laisser le choix aux consommateurs. Il ne s’agit pas, comme pour des capsules de café, d’un moyen de garder le client captif" se défend Damian Py : "Notre machine marche sans sa 'Bob cassette' avec une dose de produit de son choix que l’on peut verser directement dans la machine".
De sa machine à laver la vaisselle Bob, Damian Py pourrait parler des heures. De la porte qui s’ouvre automatiquement en fin de cycle pour permettre le séchage naturel à l’emballage recyclé, tout a été ingénieusement pensé pour se démarquer des concurrents qui sont aujourd’hui surtout coréens et chinois.
Avec l’ambition d’incarner le renouveau de l’électroménager français, Daan Tech devra toutefois cette année parvenir à doubler ses ventes pour sécuriser son modèle et pérenniser les emplois. Un pari (presque) gagné !