Jamais un homme politique n'est allé aussi vite aussi haut. Celui qui a politiquement débuté à l'Elysée aux côtés de François Hollande va lui succéder ! Récit d'une carrière éclair, au son de nos archives.
A 39 ans, Emmanuel Macron est élu ce dimanche 7 mai 2017 le plus jeune président de la Ve République. Voici comment s'est scellé son destin à travers dix de nos archives sonores.
A VOIR Un futur président en rupture ?
Janvier 2014 : 1er long portrait
Le 27 janvier 2014, à 36 ans, celui qui est encore secrétaire général adjoint de l'Elysée fait l'objet d'un " Trait pour trait", par Frédéric Métézeau, le chef de notre service politique. Venu du monde de la finance, l'inspirateur du pacte de responsabilité est décrit comme un adepte de la ligne social-démocrate, désormais revendiquée publiquement par François Hollande. Le chef de l'Etat avait rencontré pour la première fois cet Amiénois en 2006. :
"La Macron économie", "Monsieur superlatifs", "La pépite élyséenne". Depuis sa nomination à l'Elysée, le 15 mai 2012, les journalistes rivalisent de titres flatteurs.
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Il est vrai qu'à seulement 36 ans, il allie la précocité, le talent, l'entregent et une étonnante liberté d'être et de pensée. Khâgne et hypokhâgne à Henri IV, DEA de philosophie à Nanterre, ENA, Inspection des finances, il en est à sa troisième vie professionnelle, après avoir été assistant archiviste de Paul Ricoeur et directeur à la banque Rothschild. Son épouse a 24 ans de plus que lui. Il joue du piano, 3e prix de Conservatoire. Et il dort 4 à 5 heures par nuit.
Août 2014 : la prise de Bercy
Le 26 août 2014, Frédéric Métézeau brosse de nouveau le portrait de celui qui s'empare cette fois de Bercy. Il cite Pierre Moscovici, du temps où Macron était conseiller : "Il est brillant, rapide, et conseiller. Moi, je suis laborieux et ministre". "Ceux qui l'ont croisé parlent d'un homme aimable, détendu, familier, parfois trop peut-être, quand il appelle par leurs prénoms, voire leurs diminutifs, ceux qu'il rencontre pour la première fois.", ajoute notre journaliste. Et de préciser : "Peu importe qu'il se dise socialiste depuis l'âge de 12 ans, son parcours et ses idées font tousser à la gauche du Parti socialiste." Dans notre journal de la mi-journée est diffusée la première déclaration du nouvel argentier en chef du pays :
"Le patriotisme économique, le volontarisme économique, me sont chers. La volonté de redresser ce pays, son attractivité. Et de réunir les forces productives."
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L'opposition au sein même du PS se fait entendre dès cette prise de fonctions. Le "frondeur" Pascal Cherki va jusqu'à évoquer une démission si le nouveau maître de Bercy n'éclaircit pas sa position sur les 35 heures. La veille de sa nomination, libre depuis peu de tout engagement politique, Emmanuel Macron s'est en effet confié au Point. Et il s'est notamment dit favorable à des dérogations aux 35h. Pascal Cherki :
"Je ne vois pas comment le Parti socialiste pourrait soutenir un gouvernement qui reprendrait la politique de ces prédécesseurs, M. Fillon et M. Sarkozy, que nous n'avons cessé de combattre."
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La polémique ira jusqu'à une mise au point de Matignon.
Septembre 2014 : "le ministre, les illettrées et ceux qui font semblant de ne pas comprendre"
Autre polémique, quelques jours plus tard, sur Europe 1, pour sa première interview en tant que ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique. Emmanuel Macron évoque des employés des abattoirs Gad : "une majorité de femmes", "pour beaucoup illettrées" à qui on ne peut pas demander "d'aller travailler à 50 ou 60 km" faute de permis de conduire. Tollé. L'entourage dément tout "mépris", avant des regrets de l'intéressé devant l'Assemblée nationale.
Frédéric Métézeau en tire cette fois son Billet politique. Selon lui, "cette formulation (d'illettrées) est difficile à entendre, mais la situation est difficile."
"Soyons clairs : la formulation d'Emmanuel Macron est abrupte. C'est sûr, elle change de la langue de bois qui a court trop souvent dans les interviews politiques"
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Octobre 2014 : son projet de loi
"Libérer, investir et travailler". Voilà l'objectif de ce texte fourre-tout qui reprend nombre de propositions du rapport d'un de ses mentors, Jacques Attali, sur la "libération de la croissance". Il y est notamment question de réformer des professions réglementées, le travail du dimanche et en soirée ou le transport en autocars. Selon ce qui est proposé, à force de protéger, on ne protège rien. Jean-Marc Chardon, chef de notre service économie, l'analyse ainsi alors :
Défiance, complexité, corporatisme. Trois manifestations d'un même mal selon Emmanuel Macron. Analyse de Jean-Marc Chardon
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Après un parcours chaotique marqué par une forte opposition des professions visées et des frondeurs, la loi Macron sera définitivement adoptée en juillet 2015, grâce au recours à l'article 49-3, et en l'absence d'une motion de censure.
Entre temps, le jeune homme pressé aime aussi à s'affirmer comme la figure politique du numérique, du futur et de la French tech. Comme en janvier 2015 aux côtés de jeunes entrepreneurs français au salon CES de Las Vegas. C'est un Choix de la rédaction d'Anne-Laure Chouin.
Décembre 2015 : l'homme de la disruption
Macron qui rime avec disruption, c'est alors encore dans Le Point. L'hebdomadaire cité par Thomas Baumgartner dans sa revue de presse, avec "ce mot à la mode qui tient à la fois de l’innovation, de la destruction et de la remise en cause des repères".
"Il promet d’être l’énigme politique de 2016", d'après Le Point. "Et si c’était lui ?", ajoute l'hebdomadaire. Sous-entendu pour 2017
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Avril 2016 : l'homme "En Marche !"
C'est dans sa ville natale, le 7 avril 2016, que le ministre de l'Economie lance son mouvement "Ni à droite, ni à gauche", à ses initiales, à treize mois de la présidentielle. Même si Emmanuel Macron ne le place pas dans cette perspective. "Ce n'est pas ma priorité aujourd'hui", affirme celui qui vante "un nouveau mouvement politique et je ne sais pas si cela va réussir. Mais, si l'on veut être cohérent, il faut prendre le risque". "La priorité commence maintenant. C'est ce que vous ferez de ce mouvement", lance-t-il à son public lors d'une "rencontre citoyenne" inaugurale sur invitation, interdite aux journalistes. Rencontre retransmise en direct en ligne et suivie par Frédéric Says :
Emmanuel Macron veut se détacher de l'image du sachant
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Dans son Billet politique, Benoît Bouscarel souligne le "grand sens du timing" de
celui qui a pris de court à peu près tout le monde sans grands effets d'annonce, en se contentant de faire du Macron, dans un discours à la fois volontariste et technique. L'effet de surprise a cloué le bec, au moins momentanément, à la gauche du PS, et a pris de court jusqu'aux réformateurs. Il coupe l'herbe sous le pied des amis de Manuel Valls, en les ubérisant en quelque sorte. Voilà ce que Macron joue en tentant d'incarner cette deuxième gauche 2.0.
C'est à ce moment qu'il fait pour la première fois la une de Paris-Match avec sa femme, " ensemble sur la route du pouvoir". Pour 300 000 exemplaires écoulés des "photos de leur album intime" et plus tard un regret, officiellement : "C'était une maladresse, ce n'est pas une stratégie que l'on reproduira." Depuis, il a eu droit à presque toutes les unes de la presse française, même celle, fausse et clin d'oeil, d'Okapi, en juin 2016.
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Juillet 2016 : contre les élites pour la 1ère date de sa tournée
C'est dans un temple de la gauche qu'Emmanuel Macron accélère encore le 12 juillet 2016. A la Mutualité, devant 3 000 soutiens survoltés, "Musique, scénographie, tout y est : fond bleu-blanc-rouge, jeunes sympathisants, le ministre-pas-encore-candidat déambule sur la scène, sans cravate, au milieu de trois prompteurs. Tout cela est si moderne...", commente sur notre antenne Frédéric Says. De poursuivre : "Mais comme souvent, il est intéressant de dissocier la chorégraphie et les paroles. Alors que dit Macron dans le texte ? Peu de propositions concrètes, mais un long réquisitoire contre les élites."
Son meilleur tube ? "Je suis l'anti-système"
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Novembre 2016 : enfin officiellement candidat
Après des semaines d'un suspens qui n'en était plus un, celui qui a rendu les clés de Bercy à Michel Sapin fin août se déclare. "Bercy est une île formidable", avait-il confié à son départ, avant de dire vouloir "prendre la mer". Ce 16 novembre, il parle au milieu des voitures et face à 150 journalistes accrédités. Son discours très solennel de 19 minutes, très axé sur l'économie, a en effet lieu dans un centre de formation de Bobigny. Dans un équilibre entre libéralisme et social, il appelle au changement face à une France bloquée par les corporatismes, raconte dans le journal de 12h30 d'Antoine Marette notre envoyée spéciale, Sophie Delpont. "Il met en avant son expérience de ministre mais aussi son profil atypique, pour mieux apparaître comme l'homme neuf qu'il veut incarner face à un monde en mutation. On ne peut pas continuer avec les mêmes", rapporte-t-elle :
"Libérer l'énergie de ceux qui peuvent, et protéger les plus faibles." La déclaration officielle, suivie des commentaires de Stéphane Robert, Brice Hortefeux et de l'économiste Éloi Laurent
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Dans son analyse qui suit, notre journaliste Stéphane Robert ajoute :
Il y a aussi de la part de Macron, dans une ultime provocation, la volonté de se déclarer avant François Hollande. Comme une manière de dire au président : que tu te présentes ou pas, de toutes façons cela ne change rien, tu n'as aucune chance de l'emporter. Le seul espoir maintenant, c'est moi !
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Egalement en studio, le député européen LR et alors soutien de Nicolas Sarkozy Brice Hortefeux réagit :
Il y a d'abord une première réalité : Emmanuel Macron n'est pas vierge. Il est à la fois comptable, responsable et coupable de ce qui a été fait et défait pendant son quinquennat. Caractérisé par un désastre social, un décrochage économique, une débâcle idéologique et une dérive migratoire.
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L"économiste Eloi Laurent, lui aussi au micro, intervient :
Du point de vue de la scénographie politique, cela m'évoque vraiment l'image insider/outsider. C'est-à-dire que l'on a quelqu'un qui est absolument au coeur du pouvoir et qui se donne pour extérieur au pouvoir. Quelqu'un qui a une fortune considérable et qui se donne pour un entrepreneur, créateur de start up. Si l'on voulait être un peu méchant, on pourrait dire qu'Emmanuel Macron est un petit peu un petit marquis déguisé en pirate, qui prétend hacker le système et ubériser la politique.
Avril 2017 : le Macron Tour
Ils sont jeunes et brillants et ont tout lâché depuis le mois de février pour leur candidat. Celui qui à New York a dit banco à leur idée et a payé leur vieux camion de 1974 et l'essence. Rejoints par Valentin et Rachel, Violaine et Mathieu parcourent le pays pendant trois mois pour convertir les électeurs, à raison d'une cinquantaine de rencontres par jour. Reportage à Bayeux et Courseulles-sur-mer pour " Les Pieds sur terre" de Rémi Douat :
"A chaque fois que vous parlez avec quelqu'un, on essaie d'encourager. Et de ne pas tracter le programme sans paroles. Avec souvent comme première question : que pensez-vous d'Emmanuel Macron ?"
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On va stationner et ouvrir le camion sur le côté, à la manière d'un food truck ou d'un camion à pizza. Cela attire beaucoup les gens. Les jeunes parce que cela a un petit côté vintage, et les personnes plus âgées parce que cela leur rappelle un peu des souvenirs de leur enfance. On sert des thés et des cafés pour les passants pour échanger avec eux. Les gens qui se rapprochent du camion, on discute avec eux. Et ceux qui passent un peu plus loin, on va les interpeller.
Parmi les personnes rencontrées à Bayeux :
Attirer les foules sans contenu. Ca, c'est une chose qui m'inquiète beaucoup chez lui. Il y a quelque chose de gênant. (...) Reprenez ce qu'il a dit en janvier et si vous me définissez cela en vision, moi, je vous paye tout ce que vous voulez ! Non, il y a quelque chose qui est pas clair et qui m'inquiète.
Pour retrouver sa réaction au soir du premier tour, ainsi que toutes nos évocations d'Emmanuel Macron, cliquez ici
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