"La Grande Bouffe", un parfum de scandale au festival de Cannes 1973
Par Yann LagardeEn 1973, le réalisateur italien Marco Ferreri présente "La Grande Bouffe", un film rabelaisien où quatre quadragénaires se suicident en mangeant. Un film "physiologique" selon son metteur en scène qui fit scandale à sa sortie.
Des repas gargantuesques, des quadragénaires au bout du rouleau et des flatulences. Il règne à Cannes en ce printemps 1973 un parfum de scandale. Projeté en compétition officielle le 17 mai 1973, le film, signé Marco Ferreri, est hué par une partie du public qui le trouve obscène, licencieux et pornographique. Avec "La Grande Bouffe", le réalisateur italien affirme un goût certain pour la provocation.
Un miroir de la société de consommation
Interviewé par la presse pendant le festival, Ferreri explique avoir voulu faire un film non pas psychologique mais "physiologique" pour dénoncer ce qu'on commence à appeler à l'époque "la société de consommation". Et pour tendre un miroir aux "gens qui bouffent beaucoup". Face aux critiques violentes dont il est l'objet, le film est défendu par son casting franco-italien, essentiellement masculin, et notamment par Philippe Noiret qui regrette qu'on le taxe de "vulgaire" alors que, selon l'acteur, la vulgarité se trouve tout autant "à Cannes sur la Croisette qu'à la télévision française."
Un film "magistral et percutant"
Malgré la polémique, "La Grande Bouffe" remporte le prix de la critique internationale. Les journalistes sont divisés devant cet objet cinématographique étrange mais le film connaît un grand succès en salles, avec 2,5 millions de spectateurs. Pour le critique Jean-Louis Bory, ce film "magistral et percutant" représente "le spectacle répugnant" qu'offrent "les nations dites civilisées et repues".