La haine, c'est quoi ? pour Desproges, Jean Daniel, George Steiner...
Par Camille Renard, Alexandra MalkaArchives | "La destruction de l’humanité tout entière" pour P. Juquin, "le reflet de la société" pour E. Saccomano, "le seul avenir" pour beaucoup, selon G. Steiner, "une disposition de l’homme envers son prochain" pour J. Daniel. Et pour vous, c'est quoi, la haine ?
Onze personnalité de la culture et des idées donnent leur propre définition de la haine, trouvée dans les trésors d'archives de l'INA.
Pierre Juquin, 1988
"La haine c’est le chaos, c’est la destruction de l’humanité tout entière et notamment de notre pays."
Marc-Édouard Nabe, 1985
- Vous aimez les mauvais sentiments ?
- Ah oui ! Ce ne sont pas les mauvais sentiments, c’est la haine. C’est-à-dire que tous les matins je me shoote avec mon Mont Blanc rempli de haine, la haine totale de l’humanité."
Pierre Desproges, 1983
" - Je hais les taxis ! Il n’y a que deux sortes de chauffeurs de taxi : ceux qui puent le tabac et ceux qui vous empêchent de fumer. Si vous connaissez une troisième catégorie ? Il n'y en a pas.
- Et pourquoi haïr les coiffeurs ?
- Parce que j’ai horreur qu’on me tripote la tête par derrière en me racontant des conneries dans le dos."
André Glücksmann, 2004
"Nous sommes tous capables de haine. Ce n’est pas du tout réservé à une population donnée. Les psychiatres disent même que les mères, ont, à un moment quelconque, une haine contre leur enfant qui leur bouffe la tête, leur emploi du temps et elles ne supportent plus. Elles combattent ça, et jusqu’à nouvel ordre, ce n’est pas une excuse pour tuer un enfant."
George Steiner, 1998
"Le monde est rempli d’adolescents pour lesquels une kalachnikov, c’est le seul avenir. Pour être viril, pour être homme, on tue les autres. Qu’est-ce que nous leur donnons comme bagage, soit d’espoir soit de mémoire ? C’est très grave, il y a des générations de violence et de désespoir."
Shurik'N, 1995
"La haine attire la haine. Tout à l’heure on est arrivé, j’ai eu un contrôle d’identité, ce n’est pas un problème, c’est la phrase d’après qui pose problème : "vous nous excusez mais vu la situation"... Ce soir, c’était une émission sur les banlieues donc ça craint."
Émile Shoufani, 1982
"Je crois que la culture crée des barbaries. Il faut de la compassion, c’est-à-dire convertir les idées, les mentalités. Donc faire un travail immense d’éducation pour ne pas oublier les horreurs. La haine est là pour nous appeler mais il faut aussi la purifier un peu."
Un cambrioleur, 1982
"À chaque fois qu’il y a une catastrophe, si ça se produit en France, je me frotte les mains, je suis content, je me dis : tiens, ça leur fait du mal. Ça me fait bander.
- Mais pourquoi ?
- Parce que j’ai la haine."
Eugène Saccomano, 2005
"Les hooligans anglais étaient des animaux, c’étaient des sauvages."
Otello Lorentini, 2005
"C’était la furie, un déluge, ça ressemblait à la fin du monde."
Eugène Saccomano, 2005
"- Qu’est-ce qui, dans le football, amène à ça ?
- Il y a la haine, le nationalisme, il y a le racisme. Il y a surtout le fait que le football, même à l’heure actuelle, c’est le reflet de la société."
Jean Daniel, 1994
"Je me suis dit qu’au fond il y avait quelque chose d’assez primordial chez l’homme, que ce n’était pas l’amour, c’était peut-être la haine du prochain. Au point que quand on nous dit "aimez-vous les uns les autres" ou bien "aime ton prochain comme toi-même", c’est peut-être parce que c’est ce qu’il y a de plus difficile. Et qu’il y a une disposition de l’homme à haïr son prochain, donc il faut toute une vie, ou une camisole de lois, de répressions, de préjugés, d’interdits, de censures pour qu’il puisse en triompher. Donc moi je suis en spectateur optimiste devant tous les miracles qui font que l’homme triomphe de la haine qu’il porte en lui."