La justice accélère dans l'affaire Tapie

Publicité

La justice accélère dans l'affaire Tapie

Par

Depuis quelques jours, plusieurs acteurs de l'affaire ont été visés par des procédures : gardes à vue, mise en examen. L'Etat, jusque là "spectateur" a décidé de se porter partie civile pour préserver ses intérêts.

Affaire Tapie - Chrisine Lagarde placée sous le statut de témoin assisté
Affaire Tapie - Chrisine Lagarde placée sous le statut de témoin assisté
© Reuters

Cette affaire prend les traits d'un scandale d'Etat. Invité sur France Info, François Bayrou n'hésite pas à dire que :

Publicité

"Les enquêtes qui convergent ,et maintenant les mises en examen, montrent qu'il y a un très fort soupçon d'une manœuvre organisée au sein même de l'Etat, une manœuvre concertée, réfléchie, voulue, approuvée pour qu'on détourne une somme colossale, plus de 400 millions d'euros."

Des gestionnaires publics, ainsi que des personnalités politiques de premier plan sont soupçonnés d'avoir enfreint un certain nombre de règles pour favoriser l'homme d'affaires Bernard Tapie, dans un litige qui l'opposait au Crédit Lyonnais. Et ce, aux dépens des intérêts de l'Etat, contraint de payer en 2008, après une procédure douteuse, la somme de 403 millions d'euros à Bernard Tapie, dont 45 millions non imposables, au titre du préjudice moral.

Aujourd'hui, trois procédures judiciaires sont en cours, et la justice semble avoir une idée des responsabilités de chacun, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat.

Garde à vue pour l'avocat de Bernard Tapie et mise en examen d'un juge arbitre
Pierre Estoup a été mis en examen mardi 29 mai pour "escroquerie en bande organisée" . Des faits beaucoup plus graves que ceux prévus initialement lors de l'ouverture de l'information judicaire en septembre dernier. Les trois juges d'instruction du pôle financier du Tribunal de Grande Instance de Paris étaient alors saisis par le parquet pour enquêter sur un "usage abusif de pouvoirs sociaux et recel de ce délit" au préjudice du Consortium de réalisation (CDR). Cette structure a été créée dans les années 1990 pour gérer le passif de la banque Crédit Lyonnais, à l'époque en quasi-faillite, et dont l'Etat était actionnaire.

Pierre Estoup a été l'un des trois arbitres chargés de trancher le litige entre Bernard Tapie et le CDR (représentant du Crédit Lyonnais). Les juges lui reprochent de ne pas avoir déclaré connaître l'avocat de Bernard Tapie, alors qu'il en avait l'obligation en tant que juge, indépendant des parties concernées. Cette omission est donc une faute grave puisqu'elle remet en cause l'impartialité du tribunal arbitral et de sa décision.

Plus grave, en choisissant l'escroquerie en bande organisée , les trois juges laissent clairement entendre que d'autres personnages du dossier sont impliqués et vont être mis en examen.

Aussi,* "l'escroquerie"* laisse penser qu'il y a clairement eu une volonté des personnes impliquées de manipuler et d'enfreindre les lois pour "tromper une personne physique ou morale" , et lui créer un préjudice.

Le choix des griefs est un "soulagement" pour le journaliste Laurent Mauduit , qui enquête depuis 2008 pour le journal en ligne Mediapart. Il répond aux questions d'Amélie Perrier :

Écouter

4 min

Un deuxième arbitre (sur les trois) est également soupçonné d'avoir connu l'avocat de Bernard Tapie avant la procédure arbitrale.

La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a détaillé dans deux réquisitoires datés du 25 mai 2011 dont Le Monde a eu connaissance (réservé aux abonnés ), la longue liste des irrégularités relevées dans l'arbitrage Tapie.

C'est sans doute parce que les juges soupçonnent des liens anciens entre Pierre Estoup et l'avocat de Bernard Tapie Me Maurice Lantourne, que ce dernier a été placé en garde à vue mercredi 29 mai, puis libéré sans avoir été présenté aux magistrats.

Christine Lagarde placée sous le statut de témoin assisté
Le processus judiciaire s'est accéléré après l'audition les 23 et 24 mai de l'ancienne ministre de l'Economie (juin 2007 – juin 2011) Christine Lagarde. Plus de 20 heures d'auditions qui ont débouché sur son placement sous le statut de "témoin assisté" par les magistrats de la Cour de justice de la République.

Ce qui veut dire que l'actuelle patronne du FMI peut être à nouveau convoquée par les juges pour être mise en examen, comme l'explique Emmanuel Leclère :

Écouter

1 min

Les implications politiques pourraient être beaucoup plus larges dans cette affaire, avec des soupçons sur des personnalités proches de la ministre de l'Economie de l'époque, ainsi que dans l'entourage du Président de la République.

C'est la certitude de François Bayrou :

"C'est une affaire préparée et voulue de très longue main. (…) Cette affaire ne pouvait pas se réaliser dans qu'il y ait approbation ou même inspiration par le sommet de l'Etat en France. Il n'y a personne en France connaissant l'Etat qui puisse soutenir que ça n'a pas été approuvé au plus haut de sommet de l'Etat, sans que le président de la République lui-même ait donné son approbation, son feu vert."

Depuis quelques jours, les personnalités dont les noms sont cités dans cette affaire prennent la parole pour se dédouaner et expliquer qu'ils ne sont strictement pas concernés.

Les explications de Frédéric Métézeau :

Écouter

1 min

> Comprendre l'affaire Tapie avec cette frise chronologique proposée par Lefigaro.fr

Les protagonistes de l'affaire Tapie - Lagarde
Les protagonistes de l'affaire Tapie - Lagarde