Pourquoi les Lituaniens ne regretteront-ils pas Gorbatchev ? Sans doute parce que, fin 1990, sous son autorité, les Soviétiques ont réprimé dans le sang les volontés de retour à l’indépendance manifestées à Vilnius.
60 postes de police ou des douanes sont attaqués par des OMON, 23 postes-frontières sont brûlés et 8 Lituaniens sont tués. En plus, du 11 au 13 janvier 1991, 14 civils lituaniens sont tués, près de la Tour de Télévision, à Vilnius. Et le responsable politique, direct, était le Président soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, peu aimé dans les Pays Baltes, l'Ukraine et toute l'Europe de l’Est.
N’attendez pas d’hommage du ministre des Affaires étrangères lituanien après la mort de l’ancien leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Si Gabrielius Landsbergis, à 40 ans, est aujourd’hui intraitable avec la Russie de Poutine, c’est qu’il est l’héritier d’une famille très remontée contre Moscou.
Son grand-père, Vytautas Landsbergis, à l’origine musicologue, a en effet conduit la Lituanie à l'indépendance. Cofondateur du "Sajudis", le Mouvement réformateur de Lituanie, créé le 3 juin 1988, il combat le communisme et Gorbatchev au côté d’intellectuels, communistes réformateurs – futurs sociaux-démocrates – ou des non communistes – futurs chrétiens-démocrates.
Le 11 mars 1990, Vytautas Landsbergis est élu président de la République d’une Lituanie décidée à quitter l’URSS. Signe de ce mouvement d’émancipation, il crée quelques mois plus tard un Service national des gardes-frontaliers. Une décision immédiatement qualifiée par Gorbatchev d’"acte illégal".
Répression violente
En réponse, Moscou envoie dans ce qu’il considère encore comme la "République soviétique de Lituanie" (la République de Lituanie a été dissoute d’autorité par les Soviétiques le 15 juin 1940) des troupes de choc de la police, les terribles Omon. Or les policiers et gardes-frontières lituaniens ne sont pas armés. Parmi eux, une soixantaine seront blessés et huit tués.
La première a lieu à Eisiske, à la frontière avec le Bélarus, le 1er décembre 1990. Un douanier, frappé jusqu'à perdre conscience, est victime d’une hémorragie cérébrale. Dans la capitale, Vilnius, les citoyens manifestent près de la tour de télévision, entre le 11 et le 13 janvier 1991. Les Omon interviennent. Bilan : quatorze civils sont tués. Les attaques de postes-frontières se multiplient du mois de janvier à la mi-mai. 23 seront brûlés et détruits.
Le "Premier ministre" lituanien Gediminas Vagnorius, qui n’est pas reconnu par Moscou, se plaint officiellement auprès de Mikhaïl Gorbatchev. Ce dernier affirme qu’il n’est au courant de rien. Une enquête est promise aux Lituaniens. Mais rien ne sera fait.
Effondrement en germes
Vilnius se tourne alors vers les Occidentaux, un peu comme les Ukrainiens, et demande des condamnations. Mais encore une fois, Moscou nie tout, ou presque : pas d’attaque de bureaux de police et de douanes ; tout au plus, peut-être, consentiront les Soviétiques, des actions criminelles des Omon.
Sur place, en Lituanie, rien ne change. Le 31 juillet 1991, Medininkai, à 26 kilomètres de Vilnius et à 2 kilomètres du Bélarus, et le théâtre d’une opération meurtrière. Sept policiers lituaniens sont allongés sur le sol et abattus d’une balle dans la tête par les Omon. Des meurtres qui ont lieu au moment-même de la visite à Moscou du Président américain George Bush. Le scandale est énorme.
Mais Mikhaïl Gorbatchev est très vite marginalisé. Le putsch du 19 août 1991 et la contre-attaque de Boris Eltsine marqueront la défaite totale de Gorbatchev et la fin de l'URSS, le 31 décembre 1991. Il laissera, chez les Lituaniens, les Baltes en général et dans toute l’Europe de l’Est, un souvenir amer.