Demain l'éco. Ils cherchent, font des essais, expérimentent, développent, lèvent des fonds et vont changer nos modes de production et de consommation. Une nouvelle génération d’entrepreneurs engagés dans la transition écologique émerge et leur réussite est déjà visible. 'Demain l'éco' vous en parlait en 2021.
Pendant des semaines l'an dernier, nous vous avons fait découvrir de jeunes entreprises françaises mobilisées par un changement de modèle, et la transition écologique. En ce début d'année, voyons comment quelques unes ont évolué.
Une "demande exponentielle" pour de l'hydrogène vert
Dans le secteur de l’énergie, le premier producteur d’hydrogène vert européen est français. L’entreprise nantaise Lhyfe avec l’installation d’un électrolyseur et d’éoliennes à Bouin, en Vendée, alimente en carburant écologique une station multi énergies où depuis septembre, bus, camions, et véhicules légers de la ville de la Roche- sur-Yon peuvent faire leur plein.
Ce gaz fabriqué par électrolyse d’eau de mer est comprimé puis stocké dans des conteneurs avant d’être livré aux clients qui aujourd’hui affluent. La demande est telle que d’autres sites de productions vont se déployer un peu partout en France et en Europe cette année annonce son fondateur Matthieu Guesné.
Maintenant que l’offre existe, la demande est exponentielle. Nous apportons la seule solution pour tous les opérateurs de transports les plus lourds qui vont être les premiers à pouvoir réduire massivement leurs émissions carbone.
Une soixantaine de projets sont dans les cartons, de nouveaux sites de production vont voir le jour dans la région Grand Ouest et Occitanie, à l’étranger on peut déjà citer la Deutsche Bahn, l’opérateur ferroviaire allemand qui vient d’attribuer à Lhyfe la construction et l’exploitation d’un électrolyseur à Tübingen destiné à alimenter des trains à hydrogène. Un autre contrat vient d’être signé au Danemark pour un site 100 fois plus grand que celui de Bouin qui lui aura vocation à décarboner l’industrie chimique.
L’entreprise française s’apprête à vivre un déploiement exponentiel de sa technologie dans les années à venir grâce au soutien des politiques françaises et européennes. L’Union européenne a lancé en 2020 un ambitieux plan de 180 milliards d’euros pour développer l’hydrogène afin qu’il représente 12 à 14 % de son mix énergétique en 2050. Quand en France, le gouvernement promet dans son plan de relance de dépenser près de 9 milliards d’euros sur dix ans pour en développer la production et les infrastructures de distribution.
Lhyfe porte non seulement la promesse d’une réduction de 30% de gaz à effet de serre de nos transports et de l’industrie mais aussi celle de l’emploi. L’entreprise qui compte aujourd’hui 75 salariés doublera ses effectifs à la fin de l’année.
Le développement de certains Made in France, de l'hydrogène vert ou de la voile pour le transport maritime. Retour sur ces réussites découvertes dans 'Demain l'éco'.
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Toute voile dehors
La propulsion vélique également jouera un rôle majeur dans la décarbonation du transport maritime. Si la marine marchande pèse déjà 3 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, soit autant que le transport aérien, son impact pourrait être multiplié par 6 d'ici 2050 et atteindre 17 % des émissions, selon l'Organisation maritime internationale. Pressée par les Accords de Paris sur le climat, l'OMI a fixé en 2018 un objectif de réduction de 50 % d’émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, obligeant tous les armateurs à trouver des solutions qui pourraient non seulement réduire la pollution mais aussi leurs factures de carburant.
Quoi de plus propre et gratuit que le vent ? De nombreuses entreprises françaises se sont engagées sur cette piste d’innovation. Pour relever ce défi technologique, elles se sont réunies en fin d’année à Lorient pour s’organiser en une nouvelle filière.
Parmi tous les projets en développement, Airseas est la première à passer de la théorie à la pratique. Cette entreprise nantaise vient d’équiper un roulier affrété par Airbus de sa première voile de kyte géante pour des traversées transatlantiques. Le dispositif entièrement automatisé, baptisé Seawing, est une voile de 1000 mètres carrés reliée à un câble de 700 mètres de long fixé à un mât de 35 mètres de haut qui peut aller capter des vents à plus de 300 mètres d'altitude et tracter un cargo. La propulsion vélique permettrait aux cargos d’économiser jusqu’à 40% de carburant et réduire de 20% ses émissions carbone. Après 5 ans de recherche, les équipes d’Airseas dirigée par Vincent Bernatets débutent cette année avec enthousiasme cette ultime phase de test en conditions réelles à raison d’une traversée par mois de Saint-Nazaire à Mobile, en Alabama, destination de la livraison des pièces d’avions d’Airbus.
Il n’y a plus aucun doute que des solutions de propulsion grâce au vent peuvent aujourd’hui s’opérer. Nous sommes là pour leur offrir une solution. Ce n’est plus une option pour les armateurs, nous sommes en train de vivre un moment de bascule vers la transition énergétique et écologique du transport maritime.
Après ces essais qui devraient durer six mois, la start-up envisage une industrialisation pour 2023 avec l’inauguration cette année de leur première usine. Dans leur carnet de commandes figure déjà l’armateur japonais K Line, le cinquième armateur mondial, qui prévoit l’acquisition de 50 ailes automatiques.
Airseas emploie aujourd’hui 89 salariés, des effectifs qui pour répondre à la demande passera à 250 d’ici 2025.
Alors que l'OCDE prévoit que les volumes de fret international vont être multipliés par plus de 4 d'ici à 2050, il n’est qu’à espérer que toutes ces nouvelles technologies aboutissent rapidement à des solutions concrètes pour accompagner le renouvellement de la flotte de la marine marchande mondiale.
Le Made in France
La pandémie aura été aussi le déclic d’une prise de conscience collective sur la faiblesse de nos approvisionnements et notre dépendance à la Chine. Matières premières, textile, médicaments, biens de consommation, rien n’a échappé au piège de produire ailleurs moins cher. Le Made in France a repris des couleurs depuis le début de cette crise sanitaire. Grâce en partie aux consommateurs plus soucieux de la planète et aux entrepreneurs qui se démènent pour faire renaître des filières industrielles totalement dévastées par des années de délocalisation.
Un lave-vaisselle fabriqué en France ? Il n’y en avait plus depuis la liquidation de la dernière usine Brandt en 2016 et c’était folie de vouloir relancer une production dans l’hexagone leur avait-on dit en plus haut lieu. À force de ténacité, les deux jeunes fondateurs de Daan Tech, Damian Py et Antoine Fichet ont reçu le soutien financier de chefs d’entreprise vendéens qui leur a permis de se lancer. Une usine, 50 salariés et 7 000 précommandes, ils ont produit en 2021 le seul lave-vaisselle français. Il s’appelle Bob. Il se vend maintenant partout en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et même en Chine !
Nous réalisons 40% de notre chiffre d’affaires à l’export car nous avons sur ce créneau qu’un seul concurrent chinois qui pour le même prix livre un produit moins design et écologique.
La clé de leur succès tient à leur innovation et à une bonne compréhension du marché. Ces deux ingénieurs ont créé un lave-vaisselle miniature pour une à deux personnes, qui ne pèse pas plus de 11 kilos, ne consomme que 0,35 kWh par cycle et n'utilise que 3 litres d’eau, soit cinq fois moins qu’un lavage à la main. S’ils ne prétendent pas sauver la planète en fabriquant des lave-vaisselle, ils restent soucieux de l’environnement. Daan Tech réussi aujourd’hui à fabriquer entièrement en plastique recyclé sans négliger le taux de réparabilité.
Des produits plus propres, durables, moins énergivores : une marque de fabrique qui doit désormais définir le Made in France selon Damian Py qui rompt avec les discours déclinistes habituels.
On dit que la main d’œuvre en France est trop chère. Pour moi, c’est faux. Ce n’est pas un problème de main d’œuvre mais un problème de produits mal conçus. Et l’avenir de l’industrie n’est pas une usine sans ouvrier et complètement robotisée.
Daan Tech qui emploie une cinquantaine de salariés va continuer à embaucher en 2022 en s’ouvrant à de nouveaux marchés aux États-Unis et au Canada. De nouveaux produits sont également en gestation : mini four et lave-linge.
La start up est dans le prés
Et preuve s’il en est que toutes les jeunes pousses ne naissent pas à Paris. Cinthia Born et Élodie Madebos ont depuis l’incubateur de Cambes, dans le Lot, lancé la production de sacs isotherme entièrement à base de matières naturelles. Fini l’aluminium, polystyrène ou autres produits non recyclables et polluants, juste du lin, de la laine et du chanvre.
Alternative vertueuse à un produit très peu respectueux de l’environnement et généralement fabriqués à l’autre bout du monde, la glacière écolo du Mouton Givré a tout de suite séduit la clientèle qui souhaite un retour aux choses simples et durables. Avec 5 000 sacs produits en 2021 l’entreprise a pu créer 6 emplois mais sa cofondatrice Cinthia Born craint désormais la hausse des prix des matières premières.
On n’y échappe pas même si l’on source tout en direct et circuit court. Le prix du lin a pris 30% cette année et les tarifs de l’énergie s’envolent. Pour autant, nous ne voulons pas faire de notre sac isotherme un produit de luxe.
Faire renaître les filières laine, chanvre et lin en France n’est pas un petit défi. Les machines et les savoirs-faire ont quasiment disparues. Les deux jeunes entrepreneuses savent que cela prendra du temps. Mais pas question de faire machine arrière, disent-elles. On n’a plus le droit à l’erreur en matière d’environnement, sont-elles convaincues.