La Sainte Thérèse du Bernin : "On est devant une jouissance pâmée"

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La Sainte Thérèse du Bernin : "On est devant une jouissance pâmée"

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Pour clore la série "Mémoires vives" consacrée aux oeuvres dans la rue et les lieux publics qui font réagir, aujourd'hui, l'extase de Sainte Thérèse, un ensemble en marbre achevé en 1652 par Le Bernin (trente ans après la canonisation de Thérèse d'Avila).** **(Episode 5/5)
Aussi appelée "La Transverbération de Thérèse", cette oeuvre de Gian Lorenzo Bernini fut très commentée. Et pour cause : difficile de nier la dimension sensuelle (pour le moins) de cette représentation de la rencontre entre Sainte Thérèse d’Avila, renversée sur un nuage, et un ange armé d'une longue flèche.

En 2002, pour l'émission "Clin d'oeil" sur France Culture, Pascal Ory était en visite dans l’église Santa Maria della Vittoria, à Rome. Là, dans l'écrin en marbres polychromes de la chapelle Cornaro, se perpetue depuis quatre siècles l'extase de la plus grande mystique espagnole. Ecoutez l'historien la commenter, au micro de la productrice Pascale Lismonde :

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"Les contemporains ont tordu le nez. Ils ont bien senti qu’on était dans une situation limite. Mais la Réforme catholique jouait avec ces situations limites ", explique Pascal Ory. Et en effet, cette sculpture s'inscrit dans un mouvement de rénovation de l'Eglise, mais aussi de résistance catholique à la propagation de la Réforme : on utilise "les armes du diable ", la séduction, pour mieux se détacher du puritanisme protestant.

Si c'est ici l'amour divin, je le connais ; on en voit ici-bas maintes copies d'après nature. Charles de Brosse

Mais finalement, Le Bernin n'a pas tellement eu à forcer le trait : il s'est appuyé, pour réaliser son oeuvre, sur un texte écrit par Thérèse d'Avila elle-même dans son autobiographie. Un récit loin d'être dénué de tout symbolisme sexuel.

  • Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long dard en or, dont l’extrémité en fer portait, je crois, un peu de feu. Il me semblait qu’il le plongeait parfois au travers de mon cœur et l’enfonçait jusqu’aux entrailles. En le retirant, on aurait dit que ce fer les emportait avec lui et me laissait tout entière embrasée d’un immense amour de Dieu. La douleur était si vive qu’elle me faisait pousser ces gémissements dont j’ai parlé. Mais la suavité causée par ce tourment incomparable est si excessive que l’âme ne peut en désirer la fin, ni se contenter de rien en dehors de Dieu.* La Vie de sainte Thérèse de Jésus (1515-1582) (autobiographie)

Vous pouvez également écouter ici ** ** "Clin d'oeil", ** l’émission intégrale dont est issu cet extrait, diffusée sur France Culture le 18 janvier 2002 :**

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Bandeau archives
Bandeau archives
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Episode 4/5 - la Tour aux figures de Jean Dubuffet. Réalisée entre 1985 (la construction est lancée juste avant la mort de Dubuffet) et 1988, elle est située à Issy-les-Moulineaux, dans le parc de l'Île Saint-Germain.
24 mètres de haut sur 12 mètres de large, et une ossature constituée de béton armé recouvert de verre époxy, lui-même peint au polyuréthane. La construction de la Tour aux figures, de Dubuffet, avait engendré plusieurs réactions, notamment concernant le choix du site. Commandée par l'Etat en 1983, elle était initialement destinée à la Place d'Italie. Cette archive du 1er janvier 1990 témoigne de ces réactions mitigées : lors d'une émission "Spéciale Jean Dubuffet" diffusée sur France Culture, le producteur Dominique Wahiche recevait plusieurs invités du monde de l'art : Michel Thevoz, Hubert Damish, Armande de Trentinian (directrice de la Fondation Dubuffet), Jean-François Jaegger, André Pieyre de Mandiargues, Daniel Abbadie et Thomas Messer.

La Tour aux figures, de Jean Dubuffet
La Tour aux figures, de Jean Dubuffet

"Spéciale Jean Dubuffet", 1990 :extrait sur la "Tour aux figures" et sa controverse

1 min

Dubuffet meurt au début des travaux, en mai 1985. C'est donc à l'architecte Antoine Butor, qui a travaillé à partir des plans de l'artiste, que l'on doit l'édification de l'oeuvre.

A l'intérieur du monument, on trouve le "Gastrovolve" (clin d'oeil à la morphologie des escargots), un labyrinthe ascensionnel accessible au public.

Vous pouvez également écouter ici une grande partie de l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Emission spéciale Jean Dubuffet ", diffusée sur France Culture le 1er janvier 1990 ** :**

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2h 38

Bandeau archives
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© Radio France

Episode 3/5 - Les Deux Plateaux de Daniel Buren, communément appelés "les colonnes" : 260 colonnes tronquées installées dans la cour d'honneur du Palais Royal en 1986. "Mais moi je ne comprends pas pourquoi on fait des bittes d'amarrage, on ne va pas amarrer des chalands là ! Je comprends pas... ", réagit avec vigueur un passant en mars 1986, devant la caméra d'Antenne 2. Durant et après l'installation (compliquée) de ses colonnes devant le Palais Royal, Buren s'attire les foudres des piétons, des critiques d'art et des défenseurs du patrimoine : tous voient dans la démarche de l'artiste, une volonté de désacraliser le lieu.

Deux ans plus tard, en 1988, Buren revient sur son projet artistique et la manière dont il a justement tenté de conjuguer le moderne et l'ancien. C'était au micro d'Alain Jouffroy, dans l'émission "A Voix nue" :

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La commission supérieure des monuments historiques s'était prononcée contre le projet en octobre 1985, mais le ministre de la Culture, Jack Lang, était passé outre. En 1986, l'installation de l'oeuvre de Buren devant le Palais Royal soulève un formidable tollé à l'échelle nationale, et une campagne de presse virulente. Si bien qu'une interruption des travaux est imposée par la Mairie de Paris.

Après un véritable feuilleton politico-administratif au cours duquel François Léotard, remplaçant de Jack Lang, étudie la possibilité d'une démolition des cylindres, l'achèvement des travaux est finalement ordonné le 5 mai 1986.

La polémique ne s'essoufflle totalement qu'en 1992, avec la disparition des derniers recours juridiques.

Colonnes de Buren
Colonnes de Buren

Vous pouvez également écouter ici l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Daniel BUREN : 5ème et dernière partie ", diffusée sur France Culture le 1er janvier 1988 dans " **A voix nue " : **

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29 min

Bandeau archives
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Episode 2/5 - Le Monument à Balzac, livré par Auguste Rodin en 1893, mais inauguré à Paris en 1939 seulement.
"Un pingouin ", "un sac de charbon ", "un menhir ". A la fin du XIXe siècle, la statue de Balzac réalisée par Auguste Rodin ne laisse personne de marbre. En témoigne l'écrivain Georges Lecomte, ami de Rodin, qui, en 1956, deux ans avant sa disparition, se remémore l'affaire. Il évoque notamment la manière dont le président Félix Faure ignora sciemment l'oeuvre exposée au Salon de la Nationale, en 1899. Des propos rediffusés en 1995 sur France Culture, dans "Radio archives" :

Monument à Balzac, Rodin
Monument à Balzac, Rodin

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2 min

Rodin travailla sur ce monument en bronze de 1893 à 1899. Il fut commandé au sculpteur par Emile Zola qui présidait la Societé des gens de lettres, après la mort de Chapu, artiste tout d'abord désigné pour cette réalisation.

La silhouette effacée, noyée dans le drapé d'une robe de chambre, les cheveux en pagaille, les sourcils proéminents surmontant un visage au modelé abrupt... La statue prend le contre-pied des canons de la sculpture traditionnelle de l'époque en diluant ainsi les formes : il s'agit moins de représenter l'homme, que la flamboyance imposante du génie. C'est révolutionnaire, donc ça choque.

Jamais on n'a eu l'idée d'extraire ainsi la cervelle d'un homme et de la lui appliquer sur la figure ! Henri Rochefort, mai 1898

Ne souhaitant pas s'enliser dans le conflit, Rodin rembourse les sommes perçues pour cette commande, avant de quitter Paris pour Meudon. Mais la bataille, qualifiée de "nouvelle affaire Dreyfus ", n'en dura pas moins de... 42 ans, jusqu'à l'inauguration de l'oeuvre à Paris en 1939, au milieu de boulevard Raspail.

Vous pouvez également écouter ici l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Auguste Rodin, sans ménagement", diffusée sur France Culture le 8 décembre 1995 dans "Radio archives" :

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53 min

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Episode 1/5 - Le Pont Neuf emballé par Christo il y a trente ans, du 22 septembre au 7 octobre 1985, dans de la toile soyeuse en polyamide jaune ocre
Lorsque l'artiste américain d'origine bulgare, Christo, et sa compagne, Jeanne-Claude Denat de Guillebon, proposent de recouvrir pour quinze jours le plus vieux pont de Paris d'un drapé de toile jaune, ils se heurtent à des réactions, quant à elles, peu emballées : ce monument est un symbole. Il leur faudra dix ans pour obtenir les autorisations nécessaires à la réalisation de leur projet.

Pourtant, une fois le Pont Neuf empaqueté comme un immense cadeau doré, le succès est retentissant, les passants, conquis.

En témoigne cet extrait d'une archive du 26 septembre 1995 : écoutez les réactions du public à l'époque, et une interview de Christo lui-même, dans ce "Panorama" produit parJacques Duchateau et Bertrand Jérôme :

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5 min

Pour réaliser cette monumentale oeuvre de Land Art, douze tonnes d'acier, 40 900 mètres carrés de toile et treize kilomètres de corde ont été nécessaires. Une dizaine d'entreprises ont été mobilisées, ainsi que deux cents personnes dont des plongeurs et des alpinistes....

Les travaux de 19 millions de francs (2,9 millions d'euros) furent entièrement pris en charge par Christo, grâce à la vente de ses collages et dessins préparatoires.

Dix ans après, le couple d'artistes emballait le Reichstag à Berlin dans une immense toile argentée, un projet dénoncé par Helmut Kohl qui y voyait une atteinte à la grandeur de l'Allemagne.

Vous pouvez également écouter ici l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Panorama du 26 septembre 1985', diffusée sur France Culture :

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1h 43

Tous les jours, du lundi au vendredi, retrouvez la collection Mémoires vives, qui fait revivre des sons d'archive sur franceculture.fr. Cette semaine, une série consacrée aux oeuvres dans la rue qui font réagir, avec Le Pont Neuf emballé par Christo, le Monument à Balzac de Rodin, les colonnes de Buren, la Tour aux figures de Jean Dubuffet et enfin, Sainte Thérèse en extase, de Le Bernin.

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