La société est-elle plus violente qu'avant ?

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La société est-elle plus violente qu'avant ?

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Les faits de violence sont-ils plus nombreux ou plus exposés ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et Franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.

Affrontements hebdomadaires entre manifestants et forces de l’ordre depuis le début de la contestation des « gilets jaunes », agressions racistes, homophobes, antisémites, attentats terroristes, généralisation des incivilités… Les faits de violence occupent une place prépondérante dans le débat public. Selon certains responsables politiques ou médias d’information en continu, notre société connaîtrait même depuis quelques années, un niveau de violence inégalée. Qu’en est-il statistiquement ? Le monde est-il vraiment de plus en plus violent ? Nous avons posé la question à Jean-François Dortier, sociologue et fondateur et directeur de la publication du magazine Sciences humaines.

La société est-elle plus violente qu’avant ?
Jean-François Dortier : "Pour répondre à cette question, il faut d’abord définir de quoi on parle, parce que le mot violence c’est un mot fourre-tout qui peut désigner aussi bien une bousculade dans une cour de récréation qu’un génocide, comme celui des Rwandais qui a fait 800.000 morts. Il faut distinguer au moins cinq types de violence différentes."

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1. La guerre
Jean-François Dortier : “Il y en a plus aujourd’hui à l’échelle de la planète, mais il y a des conflits armés, des guerres civiles comme au Yémen ou des conflits comme on en trouve au Mali et le terrorisme peut être intégré dedans. À l’échelle de l’histoire, elle connaît un déclin évident. La guerre était un régime normal des sociétés jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Or, quand on mesure depuis la Deuxième Guerre mondiale, le nombre de personnes qui meurent pour fait de guerre dans le monde, il ne cesse de diminuer.”

2. La violence d’État
Jean-François Dortier : “Là encore, on l’a oublié, mais il fut une époque, au XXème siècle, où des régimes pouvaient enfermer, tuer, museler leurs populations avec une brutalité extrême. Cela a été le cas au Cambodge, en Chine, en Russie, dans beaucoup de pays dictatoriaux. Si aujourd’hui, il y a encore de la répression policière, elle est sans commune mesure avec ce qu’elle a été, même si aux États-Unis, il y a par contre beaucoup de bavures policières. Des gens souffrent, mais il y a un déclin manifeste.”

3. La criminalité
Jean-François Dortier : “Les homicides par exemple, en France c’est 800 à 900 personnes qui meurent d’homicide depuis le début des années 2010. Au début des années 1990 c’était deux fois plus, dans les années 1960, c’était quatre fois plus, si on remonte encore dans le passé, au XVIIIème siècle, c’était vingt fois plus. Il y a un déclin manifeste de la violence par homicide.”       

4. La violence domestique
Jean-François Dortier : “C’est un mot pudique pour parler des hommes qui battent et parfois tuent leur femme ou leurs enfants. C’est un phénomène paradoxal parce qu’on en a jamais autant parlé, on nel’a jamais autant condamné, mais ce n’est pas forcément le signe d’une augmentation du phénomène mais c’est peut être aussi le signe d’une sensibilité plus forte qui fait que ce qui était une chose quasiment évidente et un non-évènement il y a un demi-siècle, est devenu quelque chose d’intolérable aujourd’hui."

5. La violence verbale
Jean-François Dortier : “Il est très difficile de le mesurer. Par exemple, sur le harcèlement scolaire, qui est un fléau de toutes nos sociétés, on sait qu’il y en a un par classe pratiquement, on n’a pas d'indicateur qui nous permet de dire qu’il y en avait moins ou plus il y a cinquante ans. Ce qui est sûr, c’est qu’il se voit plus, puisque maintenant on a les réseaux sociaux donc ça leur donne une visibilité qu’ils n’avaient pas avant parce que par définition ils étaient tapis, ils étaient secrets, ils étaient dans l’intimité des foyers ou dans l’intimité des bandes.”

Dans ces catégories, la violence diminue, elle semble pourtant plus élevée aujourd'hui à l’égard de certaines communautés...
Jean-François Dortier : “Il y a sans doute des évolutions contradictoires, si vous prenez par exemple l’antisémitisme, on ne peut pas dire qu’il n’a jamais été aussi élevé parce que dans les années 1930, c’était tellement courant. Peut-être par contre, il y a eu une évolution récente de certains actes antisémites en tout cas certains chiffres l’indiquent très nettement. Si vous prenez l’homophobie, c’est sans doute l’inverse. La société est devenue beaucoup plus tolérante à l’égard des homosexuels, les agressions homophobes ont sans doute diminué en nombre, comme il y a eu une époque où, s’attaquer à des arabes, c’était chose courante dans les villages et dans les villes. C’est devenu heureusement, beaucoup moins fréquent."

Comment expliquer que le sentiment de violence soit plus élevé que les statistiques ?
Jean-François Dortier : "C’est le paradoxe, nous sommes dans un monde globalement pacifié et on a le sentiment qu’il est à feu et à sang. Pourquoi ? Une première raison d’abord c’est que les médias en parlent beaucoup parce qu’ils sont fait pour ça. Les médias adorent les avions qui tombent, adorent les tremblements de terre, adorent les inondations et puis les crimes parce que peut-être aussi le public adore ça. Regardez le nombre de romans policiers, de séries policières, de jeux vidéos qui parlent de la violence, nous sommes baignés dans un imaginaire de la violence, qui curieusement est en paradoxe complet avec notre situation de gens ordinaires qui pour la plupart sommes des pacifiques.”

Certains politiques instrumentalisent-ils ce sentiment de violence ?
Jean-François Dortier : "Oui parce que c’est du pain bénit pour des politiques contestataires de toutes formes, parce qu'utiliser soit la répression policière pour les uns comme moyen de mobilisation ou au contraire, des formes de mobilisation populaire comme étant le signe d’un chaos, c’est un moyen politique de pouvoir indiquer un danger, et rien n’est mieux que le danger dans la politique pour proposer une solution nouvelle et une sortie du chaos.”

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