La solidarité mondiale comme seul antidote possible au Covid-19
Par Nathanaël Charbonnier, Camille Magnard, Marie-Pierre VérotAux confins du monde. L'ex-présidente du Liberia et prix Nobel de la Paix 2011 Ellen Johnson Sirleaf appelle sur la BBC le monde à tirer les leçons d'Ebola, à ne pas céder à la peur et au repli sur soi pour mettre en place une véritable solidarité internationale face à la pandémie.
Aux confins du monde, lundi 30 mars 2020
6 min
La dernière fois qu'Ellen Johnson Sirleaf a adressé une "lettre au monde", c'était en octobre 2014 et son pays, le Liberia, venait de voir 2000 de ses concitoyens mourir en quelques semaines de la fièvre hémorragique Ebola.
C'était la première fois que ce virus jusque-là inconnu faisait des ravages en Afrique ; l'épidémie s'annonçait particulièrement meurtrière, et Ellen Johnson Sirleaf avait appelé toutes les Nations de la planète à s'unir pour éviter que la contagion ne devienne mondiale.
Près de six ans plus tard, un nouveau coronavirus a remplacé Ebola, la pandémie n'est plus un risque mais bien une réalité, et le message reste le même pour celle qui a été la première femme élue Présidente d'un pays d'Afrique, a reçu le prix Nobel de la Paix en 2011 et a été de celles qui ont mené de front la lutte africaine contre Ebola : ce dont l'Humanité a besoin face à cette épreuve, c'est de "solidarité".
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Car qu'on ne s'y trompe pas, dit Ellen Johnson Sirleaf à la BBC : aujourd'hui, "le monde doit tirer les leçons d'Ebola" et la première est cette solidarité internationale que la Libérienne avait appelé de ses vœux dans sa lettre au monde de 2014 et qui à l'époque avait su se mettre en place. Sirleaf parle d'une "mobilisation de masse initiée par les Nations unies, l'OMS, et que les Etats-Unis [de Barack Obama à l'époque] avaient suivie : nous avons vaincu l'épidémie ensemble, les meilleurs scientifiques de la planète ont collaboré et ils ont trouvé les vaccins expérimentaux, les traitements qui nous permettent d'affirmer aujourd'hui que nous avons repoussé Ebola."
Face au Covid-19, "beaucoup de temps a été perdu, des informations dissimulées, minimisées, manipulées, déplore Ellen Johnson Sirleaf. Il y a eu des failles dans la réponse immédiate face à la pandémie, en Asie mais aussi en Europe, puis en Amérique. La confiance a été rompue".
Ces erreurs-là, l'ex-Présidente du Liberia confesse les avoir elle-même commises quand l'hécatombe d'Ebola a commencé en 2014 : elle reconnaît dans les comportements actuels cette "peur qui pousse les gens à courir, se cacher, accumuler les biens dans l'espoir de protéger les siens... alors que la vrai solution est et restera toujours dans le collectif".
Chaque personne, dans chaque nation, a un rôle à jouer. C'est quand nous avons pris conscience de cela que nous avons réussi à reprendre le dessus sur Ebola en Afrique de l'Ouest.
Ellen Johnson Sirleaf affirme aujourd'hui que le Liberia est "ressorti plus fort, plus uni et plus résilient" des années Ebola ; elle sait aussi que, si l'Afrique a été plutôt épargnée pour le moment par le Covid-19, "ce n'est qu'une question de temps avant que le coronavirus ne secoue notre continent qui reste le moins préparé face à lui". L'appel à l'unité internationale est aussi un appel à l'aide, une manière de rappeler qu'en Afrique, la solidarité multilatérale portée par l'ONU et si conspuée ces dernières années dans les pays du Nord reste une question de vie ou de mort.
Qu'on se le dise, c'est donc la solidarité qui nous sauvera.
Dans une Espagne où le Covid-19 a fait plus de 800 morts dans la seule journée de dimanche, les autorités locales et la population de la région de Rioja ont bien compris qu'il ne fallait plus attendre cette solidarité d'en haut, mais bien la mettre en place eux-mêmes. Les ateliers et usines ont été réquisitionnés pour que les habitants volontaires y fabrique tous les équipements qui manquent sur le front de la pandémie. C'est un reportage de notre envoyée spéciale en Espagne Marie-Pierre Vérot :
REPORTAGE : Solidarité industrielle dans la Rioja espagnole
1 min
En 24 heures, les ouvriers d'Arnedo sont passés de la fabrication de chaussures à celle de combinaisons de propylène pour les médecins et infirmières qui en ce moment sont notre armée dans cette lutte contre le virus.
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Solidarité également au Portugal, où le gouvernement de gauche a décidé en fin de semaine dernière de régulariser, le temps que durera la crise sanitaire, tous les sans-papiers qui avaient déposé une demande d'asile avant le début de la pandémie.
Dans son édition de samedi, El Pais explique qu'il s'agit d'une manière de compenser l'injustice sociale qui fait que les étrangers en situation irrégulière, dans tous nos pays, sont parmi les plus vulnérables face au risque de contamination et de mort, eux qui n'ont aucune couverture santé, aucune protection sociale s'ils perdent le travail clandestin qui leur permet de subvenir à leurs besoins. La fermeture des administrations portugaises a, en plus, bloqué le traitement de leurs demandes de permis de séjour. Alors, plutôt que d'ignorer ce problème et cette population comme le font les autres Etats, le Portugal a décidé de résoudre cette inégalité par le haut, en donnant temporairement aux sans-papiers les mêmes droits que n'importe quel citoyens : droit de se faire soigner gratuitement, droit au logement, droit de travailler légalement et de toucher des indemnités de chômage si l'on ne peut plus travailler à cause de la maladie.
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El Pais estime que la mesure va principalement profiter à la communauté des immigrés brésiliens, qui compte environ 150 000 illégaux, mais aussi aux secteurs économiques de la construction et de l'agriculture qui emploient une abondante main-d'oeuvre asiatique.
Sur le site d' Euronews, on apprend aussi que le Portugal a mobilisé des soldats pour distribuer de la nourriture aux sans-abris de la capitale Lisbonne. Pour le moment, le pays déplore 119 morts du Covid-19 pour près de 6 000 cas de contamination confirmés.
Ce lundi, le Correio de Manha affirme toutefois que le pic de contagion au Portugal ne devrait pas être atteint avant le mois de mai, et que les mesures de confinement pourraient y rester en vigueur jusqu'à juin.
En Chine, les préparatifs de la fête des morts ravivent les doutes sur le véritable bilan de l'épidémie à Wuhan.
Officiellement, rappelle le magazine américain Newsweek, le Covid-19 a causé la mort de 2 535 personnes dans la ville de Wuhan, où le premier cas de contamination avait été identifié dès décembre. Mais ces derniers jours, à mesure que les habitants se ruent dans les crématoriums de la ville pour récupérer les urnes funéraires de leurs proches décédés, afin d'honorer la fête traditionnelle des morts cette semaine, l'ampleur des commandes d'urnes et les attroupements dans les centres funéraires laissent entrevoir une mortalité beaucoup plus importante que celle reconnue par les autorités.
Des journalistes lanceurs d'alerte chinois cités par AsiaNews affirment après enquête que le vrai bilan à Wuhan pourrait atteindre les 59 000 morts soit près de 20 fois les chiffres officiels.
Ecoutez le reportage de Nathanaël Charbonnier pour France Culture :
Covid-19 en Chine, quels sont les vrais chiffres ?
1 min
Pour l'ensemble de la Chine, le véritable bilan s'établirait à 97 000 morts, selon les lanceurs d'alerte, contre 3 200 officiellement.
Plus la pandémie frappe durement les pays européens et l'Amérique, et plus les doutes montent sur la mortalité chinoise : la rapidité avec laquelle le nombre de morts augmente en Espagne, au Royaume-Uni ou et en Italie par exemple ne correspond pas avec l'évolution des chiffres chinois... à moins donc que ces chiffres ne soient fantaisistes, et il y a là une grave rupture de confiance, de solidarité internationale, estimait le Mail on Sunday ce dimanche qui titrait sur les "mensonges de la Chine" et la manière dont ils fragilisaient la réponse mise en place, sur la base du modèle chinois, par le gouvernement britannique.
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Faute de pouvoir compter sur l'expérience chinoise, chaque pays doit faire avec ses propres statistiques au fur et à mesure que la courbe s'emballe. Donald Trump ce dimanche a finalement "consenti à voir la vérité en face", selon CNN : il a renoncé à son ambition fantaisiste et dangereuse de vaincre l'épidémie et de lever les mesures de distanciation sociale avant les fêtes de Pâques dans deux semaines, et il a prolongé ces mesures jusqu'au 30 avril.
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Le Président américain a-t-il pour autant réalisé la gravité de la crise à laquelle est confronté son pays : The Guardian note en tous cas qu'il a enfin mis en berne son optimisme forcené des dernières semaines, estimant tout de même que "si nous arrivons à garder le nombre de morts en dessous des 100 000, alors nous aurons fait du très bon boulot".