La vente d'articles à l'unité : une nouvelle façon de consommer l'information

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La vente d'articles à l'unité : une nouvelle façon de consommer l'information

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Près d'un Français sur trois utilise Internet comme principale source d'information.
Près d'un Français sur trois utilise Internet comme principale source d'information.
© Maxppp - Mathieu Lerch

Ne plus acheter un journal en entier mais seulement l'article qui vous intéresse, c'est désormais possible en France avec le lancement ce mercredi d'Articly.com, une nouvelle plateforme de vente d'articles de presse à l'unité. De quoi bousculer le marché de l'information en ligne.

C'est une petite révolution : au lieu d'acheter un journal complet, au lieu de s'abonner à plusieurs médias, vous pouvez maintenant acheter un seul article de presse en ligne, celui qui vous intéresse. Une start-up française lance ce mercredi son site Articly.com, une plateforme sur laquelle plusieurs contenus sont disponibles à l'unité.

Du contenu à forte valeur ajoutée

Sur le site, une quarantaine de médias sont partenaires. Une majorité de magazines et d'hebdomadaires, comme Géo, Marie-Claire ou encore Alternatives Economiques. Mais il y a également plusieurs quotidiens, avec Le Parisien, l'Opinion et le Télégramme. La start-up ne compte pas s'arrêter là : les discussions avec les éditeurs continuent pour étoffer son catalogue 2.0. Selon un de ses cofondateurs, Pierre Tisserant, l'objectif est de diversifier au maximum l'offre proposée : "aujourd'hui, les gens ne peuvent pas s'abonner à l'ensemble des sites internet. Si on s'abonne au Monde, à l'Equipe et aux Echos, on en a déjà pour 50 euros par mois."

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"Il y avait le besoin d'avoir une plateforme pour résoudre ce problème d'accessibilité de contenus à forte valeur ajoutée."

"C'est un peu une révolution", Pierre Tisserant, confondateur d'Articly

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Entre 20 centimes et 1,20 € l'article

La question du tarif est primordiale : pas trop cher pour ne pas faire fuir les lecteurs, pas dérisoire non plus pour intéresser les éditeurs. Sur Articly.com, le papier coûte entre 20 centimes et 1,20 €. La start-up touche 30% de commission et le reste tombe dans les caisses du journal ou du magazine en question. En fonction de vos achats, Articly s'appuie également sur un algorithme pour retenir vos préférences et donc vous proposer d'autres papiers sur le même thème. Une mécanique qui vise les plus jeunes, ceux qui s'informent d'abord sur Internet et sur les réseaux sociaux, comme le confirme Pierre Tisserant : "notre objectif, c'est de toucher une nouvelle population qui consomme différemment."

"Les moins de 35 ans achètent de moins en moins le papier ou l'édition PDF parce que cela ne correspond pas du tout à leurs usages."

Le modèle semble fonctionner au vu des résultats affichés par l’agrégateur néerlandais Blendle, le premier à s'être lancé dans la vente d’articles à l’unité. Le groupe estime avoir conquis plus d’un million d’utilisateurs entre les Pays Bas, l’Allemagne et les Etats-Unis, en seulement 3 ans d’existence. De quoi donner des idées à la start-up française qui espère bien se tourner vers le marché européen dès l'année prochaine.

L'application Snapchat a elle aussi l'ambition de conquérir les plus jeunes, ceux qui ont délaissé les moyens d'information traditionnels. Le réseau social américain lance ce jeudi son module Discover pour huit médias français, dont Le Monde, L’Équipe et Paris-Match. De quoi leur assurer une visibilité à tout moment sur cette application plébiscitée par la moitié des 15-24 ans selon Médiamétrie.

Comment réseaux sociaux et médias sont toujours plus mêlés, avec notamment le lancement en France de Snapchat Discover. Par Eric Chaverou

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Un nouveau mode de recherche "horizontale"

D'après le sociologue des médias Jean-Marie Charon (auteur d'un rapport remis le 2 juin 2015 à la Ministre de la culture et de la communication, intitulé : "Presse et numérique - L’invention d’un nouvel écosystème"), ces nouvelles plateformes de vente "vont dans le sens de l'évolution des consommations des internautes."

"Aux Etats-Unis, une étude du Pew Research Institue indique que 63% des abonnés Facebook et Twitter déclarent que leur première source d’information est le réseau social."

Jean-Marie Charon évoque ici "les modes de recherche horizontale" : "plutôt que d'aller sur Le Monde, sur Le Figaro ou sur TF1, je vais aller sur un support qui me donne accès à différents moyens d’information. Cela peut être un moteur de recherche comme Google ou bien un réseau social. C'est bien le pari que font Blendle ou Articly : l'idée que le public arrive sur la plateforme pour voir ce qui existe comme grands sujets dans l'actualité et accède par la suite à des contenus moyennant rémunération."

"Les grands quotidiens nationaux vont a contrario de l'histoire", Jean-Marie Charon, sociologue des médias

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"Les grands quotidiens ont tort à 100%"

Un problème se pose encore pour la start-up française : les grands journaux nationaux restent réticents à l'idée de partager leurs contenus via cette nouvelle plateforme. Seulement 12% des partenaires d'Articly sont des titres de presse quotidienne. "Ces grands quotidiens ont tendance à éviter cette approche, explique Jean-Marie Charon, parce qu'ils ont déjà leur propre système de vente à l'unité et ils touchent la totalité des recettes. Alors que s'ils passent par cette plateforme, ils doivent partager les revenus ! Autre élément : la plateforme peut acquérir une connaissance de l'utilisateur plutôt que le média lui-même. Exactement comme le font les réseaux sociaux en enregistrant des informations sur vous."

"Et puis surtout, les grands quotidiens espèrent préserver leurs abonnements. Là dessus, ils ont tort à 100% : ils vont a contrario de l'histoire, ce n'est pas comme ça qu'on empêche l'évolution des pratiques".

Comment faire payer l'information ?

Derrière cette nouvelle façon de consommer l'actualité, une question de fond remonte à la surface : "est-on prêt aujourd'hui à payer notre information ?" Autrement dit, qui peut convaincre les internautes, et notamment les plus jeunes, à dépenser de l'argent pour lire leurs contenus ? Selon Jean-Marie Charon, ce ne sont pas les médias mais bien les réseaux sociaux.

"Seuls les réseaux sociaux pourront faire payer l'information", Jean-Marie Charon, sociologue des médias.

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"Si quelqu'un peut, un jour, faire payer les articles, ce sont eux (NDLR : les réseaux sociaux) parce qu'ils ont déjà ce public jeune."

"Et puis, si les réseaux sociaux constatent que ces plateformes sont capables de mettre au point un dispositif de paiement efficace et robuste, ils ajouteront cette formule à leur offre ! Je pense que ce sera fatal pour ceux qui se lancent dans cette problématique du payant."

Pour aller plus loin :

-Le Journal de la Culture avec Zoé Sfez - "Le Parisien Aujourd'hui en France, premier média en France à se lancer sur "Instant articles" de Facebook"

-Du Grain à Moudre avec Hervé Gardette - "La presse a-t-elle enfin trouvé son modèle en ligne ?"

- "La presse écrite, priorité au mobile", avec Eric Chaverou.