Le domaine de Grignon veut devenir un phare de la transition de l’agriculture et de l’alimentation
Par Annabelle GrelierDemain l'éco. Haut lieu de la formation des agronomes, le Domaine de Grignon est à vendre. L’État a lancé un appel à projet pour ce site de 300 hectares à 30 minutes de la capitale. Face aux offres de promoteurs immobiliers, les élus locaux et une association d’agronomes ont déposé un projet et une offre.
Un château du XVIIe siècle avec des pavillons inscrits à l’inventaire des monuments historiques, un centre équestre mais aussi des laboratoires et salles de cours, le domaine de Grignon, dans les Yvelines, est depuis près de deux siècles un haut lieu de la formation des agronomes français. Devenu AgroParisTech, il y a une décennie, le site accueille encore aujourd’hui les élèves de première année de l’école d’ingénieurs qui ensuite poursuivront leur cursus sur le campus de Paris Saclay, le campus de l’ouest parisien où déménagera définitivement toute l’école en 2023, libérant les quelque 300 hectares de bâti, de forêt et de terres cultivables.
Ce départ annoncé de longue date attise les convoitises : ce fut d’abord en 2015 le PSG, qui souhaitait acquérir le domaine pour y faire son centre d’entraînement et de formation. Le projet avait provoqué un tollé parmi les élus locaux, la communauté des agronomes et plus largement la population, qui pour l’occasion s’était constituée en association de soutien, les Amis de Grignon. Les mêmes qui aujourd’hui continuent de souhaiter un destin plus grand pour Grignon que du logement de standing.
Quel avenir pour le domaine de Grignon ? Reportage d'Annabelle Grelier
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Un projet d'intérêt général
L’an dernier, l’État a engagé une procédure de cession dans le cadre d’un appel à projets afin de trouver un repreneur pour la totalité du domaine. Une dizaine de dossiers ont été déposés cet été. Sans surprise, figuraient parmi les candidats de nombreux promoteurs immobiliers attirés par ce territoire de l’ouest parisien calme et si proche de la capitale.
Nos communes rurales n’ont pas vocation à devenir des villages dortoirs. Nous avons sur notre territoire un domaine de renommée mondiale en agronomie qu’il nous faut non seulement protéger mais surtout développer pour en faire un pôle d’excellence d’économie rurale.
Bertrand Hauet, vice-président de l’intercommunalité Cœur d’Yvelines
Porteurs d’un projet d’intérêt général, les élus locaux de la communauté de communes Cœur d’Yvelines et l’association Grignon 2000 constituée d’ingénieurs agronomes qui y ont été formés, ont déposé une offre pour l’acquisition du domaine en décembre dernier. Constitué en partenariat public privé, leur projet consiste à faire émerger un pôle économique dédié à l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
Notre objectif est d’accueillir des entreprises et des start-up dans les domaines de l’alimentaire, de matériaux bio sourcés et de bio énergie. On envisage de transformer le site en cité de la connaissance, ouverte au public, avec un parcours des savoirs et plusieurs musées, détaille Bertrand Hauet, vice-président de Cœur d’Yvelines en charge des finances et maire de Saint-Germain-de-la-Grange
Quant au château et à ses dépendances, ils pourraient être repris pour une activité hôtelière en lien avec séminaires, colloques et tourisme culturel sur le site.
Accompagner la transition
L’idée est de faire vivre le site en y développant de l’emploi avec une nouvelle ambition fondée sur la vocation agronomique du site.
Tout à fait conscients des enjeux des transitions agroécologiques et alimentaires dans la lutte contre le réchauffement climatique, élus locaux et agronomes ont décidé de faire cause commune pour créer à Grignon un écosystème qui mettrait en contact la recherche, l’expérimentation et le monde économique**. **
Il y a sur le domaine de Grignon des expérimentations de plusieurs siècles qu’il faut pouvoir garder et poursuivre, il y a des travaux de recherches qu’il faut maintenir. On dispose également sur le site d’une ferme expérimentale qui travaille sur toutes les pistes d’avenir de l’agriculture comme la vitalisation, la végétalisation, les produits bio ou encore les circuits courts.
Hervé Lecesne, ingénieur agronome coprésident de Grignon 2000
Le projet vise à attirer sur place toutes les organisations qui souhaitent développer la recherche et l’innovation ouvertes.
Notre projet est construit autour de la recherche de perspectives et stratégies pour faire évoluer notre agriculture et notre alimentation dans un contexte d’urgence climatique et de trouver des réponses innovantes mais aussi consensuelles et construites ensemble, assure Georges D’Andlau, agronome et coprésident de Grignon 2000
Réveil écologique
La nouvelle génération d’agronomes est aussi largement impliquée dans ce projet. Marlène Stickel, étudiante à AgroParisTech et responsable de la communication pour Grignon 2000, a mené la campagne de financement participatif sur Blue Bees qui a déjà ramené plus de 100 000 euros. Bien sûr, cela n’est qu’une pierre à l’édifice pour bâtir un centre international de l’agriculture, l’alimentation et l'environnement que les jeunes agronomes appellent de leurs vœux.
Je suis représentante d’une génération d’agronomes qui plaide pour un réveil écologique, que ce soit au niveau des forêt de la restauration de la biodiversité, d’une agriculture urbaine, d’une gestion raisonnée de l’eau, toute une agriculture que nous voulons changer, toute une façon de consommer que nous voulons voir changer et nous voulons influer sur de nouveaux modes de production.
Marlène Stickel, étudiante à AgroParisTech
Un site où tous les intérêts des acteurs économiques et de la recherche convergent et peuvent se rencontrer, il n’en existe pas aujourd’hui en France, estime également Mathieu Baron, jeune agronome et délégué général de l’association Grignon 2000.
On est formé par l’État pour répondre aux questions d’agriculture, d’alimentation et d’environnement, des questions on ne peut plus majeures aujourd’hui et pourtant nous avons rarement le droit à la parole. Avec ce projet, la voix des agronomes pourrait être entendue, espère Mathieu Baron délégué général de Grignon 2000
De ce pôle de développement économique autour de l’agriculture, les élus souhaitent également voir émerger de nouvelles filières et créer des emplois sur le territoire.
C’est le 8 février prochain que l’État rendra sa décision, les candidats retenus seront admis à présenter une offre finale début mars.