Le « hard power » russe

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Le « hard power » russe

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Les Casques blancs après un bombardement dans la province d'Idlib, 21/03/2021
Les Casques blancs après un bombardement dans la province d'Idlib, 21/03/2021
© Getty - A. Alkharboutli

Le Journal des idées. Alors que les bombardements continuent en Syrie, quatre ONG russes accusent Moscou de crimes de guerre dans ce pays, une première.

Malgré la chape de plomb qui couvre l’engagement russe en Syrie - officiellement pour mener la guerre contre la terrorisme - plusieurs organisations de défense des droits humain, dont Memorial, ont présenté "un rapport remettant totalement en cause la version du Kremlin et condamnant sa participation directe dans des bombardements indiscriminés de civils ainsi que sa responsabilité dans d’autres crimes de guerre", rapporte Jean-Pierre Perrin dans Mediapart.

Selon l’ONG syrienne Les Casques blancs, dont la mission est de secourir les civils pris dans la guerre, les appareils russes ont ciblé, le 7 avril, à trois reprises les villages de Bsanqul et Mhambel, dans l’enclave rebelle d’Idlib, provoquant la panique générale de la population. Jean-Pierre Perrin

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Le rapport dénonce également le soutien sans faille de Moscou au régime de Bachar al-Assad, malgré les actes de barbarie dont il s’est rendu coupable, comme l’utilisation d’armes chimiques ou "l’arme de la faim" contre des villes assiégées. Le document de 198 pages s’intitule "Une décennie dévastatrice : les violations des droits humains et du droit humanitaire dans la guerre syrienne", et cible plus particulièrement les crimes perpétrés par l’armée russe depuis qu’elle est venue au secours du régime syrien à l’automne 2015. Dans le but de sensibiliser l’opinion publique russe, les auteurs du rapport insistent sur le silence des médias officiels ou la version tronquée qu’ils donnent de la présence russe.

Les médias russes ne disent rien ni sur les victimes des bombardements, ni sur les déplacements forcés de populations qui résultent des actions militaires russes en Syrie,. Aussi, le public russe n’a-t-il pas de connaissances suffisantes pour juger qui nous soutenons en Syrie et la manière dont nous le faisons, combien la guerre nous coûte et combien de souffrances nous infligeons aux civils, c’est-à-dire ceux qui n’ont jamais pris les armes.

Avec Memorial, trois autres organisations russes – le Comité d’assistance civique, les Mères de soldats de Saint-Pétersbourg et le Mouvement de la jeunesse pour les droits humains – ont mené ce travail d’enquête sans précédent. Elles n’ont pas été autorisés à se rendre en Syrie mais ont pu interroger des témoins au Liban, en Turquie, en Jordanie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en Russie. À partir également de la documentation disponible, le rapport établit que "les frappes, qu’elles soient indiscriminées ou précises, ont une évidente tendance à viser des cibles qui ne sont pas militaires. La plupart de nos témoins insistent même sur le fait que, dans la plupart des attaques, ce sont des zones d’habitations loin d’objectifs militaires qui étaient visés."

Selon une Syrienne, qui résidait dans le quartier de Al-Waer, dans la banlieue de Homs (assiégée de 2012 à 2016), "les six premiers mois de bombardements russes ont fait plus de victimes que deux années de bombardements par le régime". Et bien que Moscou prétende le contraire, les auteurs du rapport ont recueilli des témoignages directs sur l’utilisation d’armes chimiques contre les civils par le régime de Bachar al-Assad.

Désinformation sur l'Ukraine

Autre zone de guerre, plus larvée celle-là, mais aux portes de l’Europe : l’Ukraine. Moscou ne cesse de renforcer sa présence militaire aux frontières du pays au prétexte d’une offensive que Kiev se préparerait à lancer contre les séparatistes prorusses dans le Donbass. Ce que les autorités ukrainiennes contestent en parlant de "désinformation", comme le révèle Le Point

L'Ukraine craint que Moscou, largement considéré comme le parrain militaire des séparatistes malgré ses dénégations, ne cherche un prétexte pour déclencher une invasion.

Kiev, qui en appelle à l’OTAN, a reçu le soutien des diplomaties occidentales et notamment de la chancelière allemande qui "a demandé de réduire la présence militaire russe dans l'est de l'Ukraine" lors d'un entretien téléphonique avec le président russe. Près de 40 000 soldats russes – selon une estimation américaine – ont été massés le long de la frontière et en Crimée, péninsule annexée en 2014. Moscou cherche à se faire passer pour un "médiateur" dans le conflit qu’il a allumé, tout en s’employant à modifier la réalité sur le terrain. "Selon les séparatistes, près de 250 000 habitants auraient déjà reçu un passeport russe depuis la mi-2020", rapporte Piotr Smolar dans Le Monde, il souligne qu’au fond "le Kremlin n’a aucun intérêt à régler ce conflit, qui porte atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et l’empêche de se tourner vers l’Europe". Encore un "conflit gelé", la grande spécialité du régime russe... Et c’est sans ciller que le porte-parole du Kremlin a évoqué pour le Donbass le risque "d'une catastrophe humanitaire semblable à celle de Srebrenica", alors que dans le massacre de 8 000 Bosniaques par les forces serbes en 1995, ce sont les alliés "naturels" des Russes qui étaient à la manœuvre.

Le Journal de l'histoire
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Le Journal des idées de Jacques Munier est proposé uniquement en version numérique pendant le mois d'avril, vous retrouverez toutes ses diffusions précédentes et à venir ici.

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    "Ils et elles sont commerciaux, architectes, ingénieurs, professeurs de sport, et tous membres de la défense territoriale. Une fois par semaine, ils s’entraînent à la guerre de partisans, pour résister en cas d’offensive de Moscou. Un reportage d’Oukraïnska Pravda."