« C’est le jour J pour la Géorgie ! », s’exclame Ryszard Czarnecki, le vice-président du Parlement Européen, qualifiant ainsi la journée du 18 décembre 2014. Après le vote du Parlement Européen qui a donné son feu vert à l’accord d’association, la Géorgie s’est rapprochée de l’Union Européenne.
Pourquoi cet accord est il si important ?
En somme, c’est un accord de libre-échange, à l'image de ceux signés l’an dernier avec l'Ukraine et la Moldavie. Pour le rapporteur, l’eurodéputé social-démocrate Andrejs Mamikins, nous allons désormais « lancer les négociations pour un régime sans visas avec la Géorgie. Et nous pourrons, dans l’avenir, envisager une adhésion pleine et entière de la Géorgie à l’Union Européenne. Car la philosophie de l’Union est caractérisée par un mot-clé : « élargissement ». Pour ce natif de Saint-Pétersbourg devenu letton, la Géorgie n’est pas seulement un pays européen, mais « l’un des piliers de la civilisation européenne ».
Le président géorgien Giorgi Margvelashvili, qui est venu en personne à Strasbourg, le confirme : « Notre but », dit le président, « est devenir membre de l’Union à part entière. Nous avons hâtes de parcourir le reste du chemin ! »
Effectivement, 69% des géorgiens soutiennent l’accord d’association, malgré les réformes douloureuses que la Géorgie a été contrainte d’accomplir en quelques années seulement. Mais beaucoup de problèmes persistent. La corruption, entre autres. « Le climat politique doit être amélioré et le dialogue avec l’opposition approfondi », pointe le commissaire Dimitris Avramopoulos.Mais, surtout, quid de ses régions indépendantistes : l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Le 24 novembre 2014 Vladimir Poutine a signé un accord de «partenariat stratégique» avec l’Abkhazie (un premier pas vers l’annexion pure et simple, sur le modèle de la Crimée ?), provoquant la colère de Tbilissi et l’incompréhension internationale.
Pour l’eurodéputé conservateur polonais Marek Jurek il est, justement, « trop tard ! Il aurait déjà fallu le faire (cet accord) en 2008, lors de l’agression russe ! Mais, comme on le dit en Pologne, « mieux vaut tard que jamais » !
« Le jour J ». « L’heure H ». C’est aussi en ces termes guerriers que la presse officielle russe qualifie chaque tentative de rapprochement de ses anciens partenaires soviétiques avec l’Occident, la voyant comme une offensive contre ses intérêts. Sans, pour autant, ne jamais nommer explicitement ni quels sont ses intérêts précisément ni quel est son projet géopolitique pour l’avenir. Est-ce qu’on fait la guerre en Ukraine, tout comme avant en Géorgie, pour les inclure dans un néo-empire eurasiatique qui fera contrepoids à l’Union Européenne ? Ou est-ce que, par ces moyens barbares, les russes ne nous donnent-ils pas au contraire des signaux montrant qu’ils sont négligés et qu’ils existent eux aussi en Europe ? Peut-on construire l’Europe avec la Géorgie et l’Ukraine mais sans la Russie ? Pour l’eurodéputé espagnol Javier Nart, « la Géorgie a le droit de s’associer avec nous, conformément à l’article 49 de notre traité. Mais la Russie - c’est aussi l’Europe ! »
L’ambiance au parlement de Strasbourg était assez consensuelle. Presque tous les groupes politiques ont soutenu l’idée du rapprochement avec la Géorgie. Les parlementaires français soulignent pourtant que pour la France, l’association, malgré tout ce qu’on dit, ne veut pas dire l’adhésion automatique. Et les plus critiques parmi les français, comme l’eurodéputé Aymeric Chauprade, membre du Front National, vont encore plus loin : « Avec cet accord d’Association l’Union Européenne franchit un nouveau seuil sur l’échelle de la déraison ! …La volonté d’association avec la Géorgie, comme avec l’Ukraine ou la Moldavie, ne fera qu’aggraver l’appauvrissement de l’Union Européenne. Deuxièmement, nous vivons à coté de la Russie, qui a ses propres intérêts, qui a sa propre sphère d’influence. L’agression stratégique de ces voisins que constitue l’expansion continue de l’OTAN est une erreur que nous payons aujourd’hui. Bien sûr que ce sont les ukrainiens, les moldaves, les géorgiens qui doivent déterminer leur avenir. Mais vous savez que l’orientation stratégique de leur pays vers l’OTAN ou vers la Russie est un motif de déchirement qui peut conduire à la guerre civile ! »
Chaque fois que j’entends ce genre d’intervention, j’ai vraiment l’impression que la Russie a déjà fait son entrée dans l’hémicycle strasbourgeois.
Bien avant ses voisins occidentaux.