Le photographe Marc Riboud est mort

Publicité

Le photographe Marc Riboud est mort

Marc Riboud en 2009 à Erfurt
Marc Riboud en 2009 à Erfurt
© Getty - ullstein bild

Disparition. Voyageur, promeneur, refusant toute sa vie le diktat de la "deadline", le photographe français Marc Riboud est mort hier à l'âge de 93 ans. A son rythme, ses photos ont marqué et raconté l'Histoire, notamment la célébrissime "jeune fille à la fleur" de 1967, devenue symbole de la non-violence.

Né à la photographie sous la double autorité d'Henri Cartier-Bresson et de Robert Capa, Marc Riboud a été voyageur promeneur en quête de rencontres et de la "bonne photo". Il rejoint l'agence Magnum en 1953 et dès le milieu des années 50, un premier périple en voiture de plusieurs mois le mène en Turquie, Iran, Afghanistan, Inde, jusqu'en Chine. L'Asie fut et restera longtemps l'un des lieux qu'il arpentera et photographiera le plus, du Japon à la Chine de la Révolution culturelle, en passant par le Vietnam pendant la guerre. Très vite, Marc Riboud croit à "l'instinct de l'instant", au "plaisir de l’œil" avant tout. "Le photographe est un joyeux sensuel, parce que l'oeil manipule les sens et non les idées", aimait-il dire, citant Walker Evans. Indépendant en tout, Marc Riboud imprimait son propre rythme à ses reportages, refusant le diktat de la deadline. Ce qui ne l'empêchait pas, au contraire, d'être sur les fronts de l'actualité : indépendance de l'Algérie, guerre du Vietnam, Watergate, procès Barbie...

Archives

"Pour faire de bonnes photos, il faut avoir surtout de bons souliers" : l'art de photographier selon Marc Riboud, dans une archive de 1991

Publicité

Ecoutez ses entretiens A voix nue enregistrés chez lui, dans son atelier parisien en 2006 par Thomas Baumgartner. Il y évoque son enfance lyonnaise, la grande famille bourgeoise dont il est issu, le souvenir impressionnant de son père, ses frères Antoine (qui a été patron de Danone) et Jean (qui a dirigé Schlumberger). Il se rappelle sa timidité, ses amitiés, le maquis du Vercors. Il parle de l'agence Magnum, de ses voyages réguliers en Chine où il s'est rendu dès 1957, de son "tyran salutaire" Henri Cartier-Bresson. Il revient enfin sur des images de toutes les époques, et en premier lieu "La jeune fille à la fleur", prise à Washington en 1967, devenue le symbole de toutes les luttes contre toutes les guerres.

A voix nue Marc Riboud 1 : L'Enfance et les années intenses

25 min

A voix nue Marc Riboud 2 : Un homme de Magnum

25 min

A voix nue Marc Riboud 3 : Eloge de la lenteur

25 min

A voix nue Marc Riboud 4 : La Chine

25 min

A voix nue Marc Riboud 5 : Retour sur images

26 min

La jeune fille à la fleur, 1967, Washington
La jeune fille à la fleur, 1967, Washington
- Bureau de Marc Riboud

En 2010, Marc Riboud était venu se raconter dans l'émission Hors-Champs au micro de Laure Adler. Il y racontait notamment sa timidité maladive qui, loin de l'avoir desservi, l'amenait à prendre ses meilleures photos, et à partir en voyage pour éviter un monde familier qu'il ne comprenait pas.

A 14 ans, son père lui offre un appareil photo, à lui qui est si timide et parle peu :

Mon père m’a dit cette phrase un jour « puisque tu ne sais pas parler, peut-être que tu sauras regarder ».

"J’ai fait des milliers de photos, mais j’étais tellement timide. J’étais timide comme un rat, vous ne pouvez pas savoir. Je photographiais, je photographiais. Et ça m’a rendu un bon service car je regardais mieux. Capa m’avait envoyé prendre des photos d’une ville qui s’appelle Leeds. Je vais là-bas avec un jeune journaliste. Au bout de quatre ou cinq jours le journaliste en a marre de se promener avec quelqu’un qui ne parle pas. Alors il rentre à Londres. Moi, à ce moment là, j’étais ravi : j’étais seul, je n’avais à parler à personne. C’est presque une caricature mais ça ne l’était pas. C’est parmi mes très bonnes photos celles que j’ai faites à Leeds. Petit à petit je me suis débrouillé à parler, à être là où il fallait, plutôt que derrière et plutôt qu'ailleurs."

Hors-champs Marc Riboud

44 min

"Une chose qui m’a rendu grand service, [...] c’était le sens de l’économie. Je ne sais pas si c’est Matisse ou un autre qui a dit : « Les peintres sont bons quand ils font très peu de peinture ». Ce jour-là, quand j’étais au pied de la Tour Eiffel, j’ai monté à pieds tous les étages. Et puis j’ai fait une vue de chaque peintre. Je n’avais emporté qu’un film, parce que […] les bons films étaient difficiles à trouver. Et bien je crois que ce sens de l’économie m’a rendu service, on ne peut pas s’attendre à ça aujourd’hui." Marc Riboud, à propos de sa photo "Le peintre de la Tour Eiffel".

"Je pense que la photographie, quand on aime ça, c’est une question de tout l’être. Comment on a l’œil, comment on a le cœur, comment on a les différents sentiments qui peuvent émerger. Et puis le reste, c’est quelque chose... Clic, un déclic qui se passe, parce qu’on ne sait pas. Parce qu’il faut vous dire que le fameux moment décisif, c’est très vrai, c’est un moment, et on en a pas d’autres quelque fois pendant un long moment. [...] Il faut observer, regarder, et ça c’est passionnant. Parce que quand on cherche quelque chose et qu’on sent qu’on l’a trouvé, c’est le grand bonheur. "