
Avec "François, portrait d'un absent", Michaël Ferrier voulait écrire un livre "aussi grave que la marbre et aussi léger que le ciel." Il vient de recevoir le prix Décembre pour cet hommage à son ami perdu, François Christophe, mort accidentellement en 2013, qui était réalisateur à France Culture.
Écrivain et essayiste, Michaël Ferrier est professeur de littérature à Tokyo. Il vient de se voir décerner le prix Décembre pour François, portrait d'un absent (Gallimard), une célébration de l'amitié aussi bien qu'un hommage à un ami perdu : François Christophe, décédé par noyade à 47 ans avec sa fille Bahia, âgée de 11 ans, un soir de l'hiver 2013. Il est l'auteur d'une dizaine de romans, récits et essais dont Fukushima, récit d'un désastre, qui avait été en lice pour plusieurs grands prix littéraires en 2012, et avait finalement remporté le prix Édouard-Glissant.
"Deux amis, c'est deux hexasyllabes qui se rencontrent", confiait Michaël Ferrier à Caroline Broué lorsqu'il était venu parler de son livre dans Les Matins du samedi en septembre dernier :
Une nuit à Tokyo, il y a un appel téléphonique qui déchire le silence et j'apprends cette mort. Evidemment dans ces cas-là on est un peu sidéré, et pour essayer de lui rendre hommage, parce que c'était un être vraiment exceptionnel, un grand ami, j'ai écrit ce livre. Je voulais aussi élaborer par touches une réflexion sur ce qu'était l'amitié aujourd'hui. Nous avons tous des amis, mais cette notion d'amitié, il me semble qu'elle est très galvaudée parfois.
Mais l'objectif de l'écrivain n'était pas pour autant d'ériger à son ami un "tombeau littéraire" :
On entend dans le mot "tombe" quelque chose qui tombe. Moi je préfère rendre des hommages qui s'élèvent, et puis je ne voulais pas d'une "commémoration", mot dans lequel on entend aussi cette espèce de puissance de la mort... je voulais rendre un hommage qui lui ressemble, que je voulais aussi grave que le marbre, aussi léger que le ciel.

François Christophe, l'ami disparu, avait beaucoup apporté à la création radiophonique
François Christophe, l'ami cher et disparu, travaillait à Radio France. Il était arrivé à France Culture en 2009 comme réalisateur de fictions. Il avait notamment adapté pour la radio Millénium, et Les Misérables, qui avaient rencontré une très belle audience.
Michaël Ferrier témoignait au micro de Caroline Broué que la radio avait "presque sauvé" son ami :
Il avait commencé par le cinéma. Il a fait une grande école de cinéma, La Fémis, et il a fait de très beaux films. Il y en a un qui s'appelle Thierry, portrait d'un absent - le titre de mon livre y fait directement référence - qui est un film bouleversant sur un SDF, Thierry, qui zonait dans le quartier des halles à Paris, et un peu partout... Après il avait été un peu déçu par le cinéma car il y a un tas de considérations économiques un peu extra-esthétiques, et donc il s'était tourné vers la radio où il a fait un début de carrière extraordinaire. Il n'avait pas oublié le cinéma, je pense qu'il y serait revenu un jour ou l'autre, mais la radio lui a ouvert quelque chose et lui même a apporté beaucoup de choses à l'adaptation radiophonique, j'allais presque dire radiographique, tellement François avait une espèce de pouvoir de scan des œuvres littéraires.
Lors de la réalisation du feuilleton Millénium, à l'occasion d'un sujet sur la place de la musique dans ce travail sonore, nous avions interviewé François Christophe. L'artisan du son expliquait comment il avait pallié l'absence de narration grâce à elle : "L'intérêt de Millénium ne réside pas dans la qualité littéraire, mais davantage dans les atmosphères, les intrigues, la force des personnages qui ont quelque chose de très contemporain, donc la musique est essentielle pour aider, relever les couleurs, les actions... dans ces cas-là, la musique originale est très importante."
Réécoutez sa voix :
François Christophe à propos de la musique du feuilleton radiophonique Millénium, en 2012
2 min