"Le Système B." : un documentaire de Reporters sans frontières dénonce les méthodes de Vincent Bolloré

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"Le Système B." : un documentaire de Reporters sans frontières dénonce les méthodes de Vincent Bolloré

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Reporters sans Frontières publie un documentaire en ligne le 14 octobre pour dénoncer le système instauré par Vincent Bolloré dans les médias.
Reporters sans Frontières publie un documentaire en ligne le 14 octobre pour dénoncer le système instauré par Vincent Bolloré dans les médias.
© Getty - Robert Derayl

Entretien. Reporters sans frontières publie ce jeudi un court documentaire diffusé en ligne qui dénonce les méthodes de Vincent Bolloré face aux médias et le danger que représente l'homme d'affaires pour le journalisme et la démocratie. Le secrétaire-général de RSF, Christophe Deloire, s'explique.

Vincent Bolloré ne cesse d'étendre son groupe médiatique en recourant à des méthodes brutales et anti-journalistiques, dénonce Reporters sans Frontières dans une vidéo publiée ce jeudi sur internet. L'association diffuse ce court documentaire de 16 minutes avec 11 témoins, "Le Système B", afin de dénoncer les méthodes employées par l'homme d'affaires et contrecarrer ses plans : au-delà du constat, RSF formule aussi des recommandations auprès de l'État, du CSA, de l'Autorité de la concurrence et du législateur.

Entretien avec le secrétaire-général de Reporters sans Frontières, Christophe Deloire.

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Pourquoi publiez-vous ce documentaire ?

Dans ce documentaire de 15 minutes, 11 témoins qui sont essentiellement des journalistes décrivent la mécanique d'emprise et d'intimidation mise en place par Vincent Bolloré lorsqu'il prend le contrôle d'un média ou lorsque des journalistes enquêtent sur ses activités industrielles. Le "système B" décrypte le système Bolloré, qui est un système de contrôle de l'information quand ce n'est pas un système d'évacuation du journalisme, voire d'extinction du journalisme.

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RSF n'a pas pour habitude de publier des documentaires. Pourquoi le faites-vous là ?

Des enquêtes journalistiques ont déjà été publiées sur Vincent Bolloré, qui d'ailleurs ont souvent fait l'objet de poursuites judiciaires. Il nous a semblé important, à un moment où il étend encore un peu plus son empire médiatique, de lancer un signal d'alerte, de dire "ça suffit", voilà la réalité de ce système Bolloré. Ce ne sont pas simplement quelques critiques disparates de journalistes mécontents. C'est un vrai système imposé dans ses médias à la faveur de ses prises de contrôle. Et comme Vincent Bolloré est encore en train d'élargir le périmètre de sa propriété médiatique, faisons en sorte de vraiment décrire ce qui se passe, et pas simplement de rester dans l'indignation. 

Nous ne sommes pas dans une posture morale, mais nous formulons des recommandations très précises pour faire en sorte que les propriétaires des médias, quels qu'ils soient, respectent l'indépendance de l'information et le travail des journalistes, qui n'ont pas à devenir des petits soldats de l'information.

Ce n'est pas une habitude pour nous de diffuser des documentaires ou d'en produire mais la situation nous a semblé suffisamment grave pour lancer ce signal d'alarme. Il y a un danger pour le journalisme dans notre pays et un danger démocratique aussi. Il faut que chacun en ait conscience et plus encore, il faut faire en sorte que des mesures soient prises pour empêcher qu'un dirigeant tel que Vincent Bolloré puisse transformer ces médias en outil d'influence et puisse, d'une certaine manière, conduire le journalisme à une portion congrue.

Vous évoquez un danger démocratique en raison du contexte de campagne pour l'élection présidentielle qui a déjà commencé ?

On a vu aux États-Unis ce que peut produire un champ médiatique totalement polarisé, où des médias servent tel ou tel candidat et ne sont plus au service de l'information ou de l'intérêt public, mais au service de visions du monde opposées. Un monde où les médias scandent ces visions du monde plutôt que de faire de l'enquête et du reportage, plutôt que de faire du journalisme. C'est un grand risque pour notre paysage médiatique de se retrouver dans une telle dérive, avec des conséquences démocratiques au bout du compte. Les États-Unis ont été un exemple à ne pas suivre et c'est pourquoi nous avons produit ce film. 

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56 min

Reporters sans frontières dénonce une dérive anti-journalistique de Vincent Bolloré. Dénoncez-vous aussi ses idées politiques, ou celles d'Eric Zemmour, qui a bénéficié du "système" de Vincent Bolloré ?

Nous avons une cohérence : nous défendons le journalisme, son indépendance, son pluralisme, son honnêteté, ses méthodes professionnelles, son éthique... Nous avons une vision exigeante du journalisme. Mais ce n'est pas une prise de position politique, ce n'est pas une prise de position sur la ligne éditoriale de CNews. Ce n'est pas notre mandat, c'est autre chose, et nous nous en tenons à la défense du journalisme. 

Vous publiez cette vidéo mais vous faites aussi des recommandations auprès de l'État (actionnaire de Vivendi), du CSA, de l'Autorité de la concurrence et du législateur. Que demandez-vous ?

Il y a quelques années déjà, au moment de la prise de contrôle de Canal+ et d'i-Télé, devenu depuis CNews, nous étions intervenus auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour que des mesures soient prises afin de garantir l'indépendance éditoriale sur ces antennes, pour garantir l'existence du journalisme. Et malheureusement, à ce moment là, le CSA n'avait pas pris les mesures adéquates et d'une certaine manière, on paye encore ces faiblesses là. Si un organe de régulation tel que le CSA existe, c'est évidemment pour garantir la liberté de communication, la liberté pour chacun d'avoir des lignes éditoriales. Mais son objet est aussi de garantir l'honnêteté, le pluralisme et l'indépendance de l'information. Toutes choses qui sont mentionnées dans les conventions signées par les chaînes de télévision et de radio avec le CSA. Or aujourd'hui, ces conventions restent théoriques : nous demandons à ce qu'elles soient appliquées et que ces articles ne soient pas que des phrases sans conséquence.

Et vous demandez également aux hommes et femmes politiques de prendre leurs responsabilités ?

Il faut espérer que ce sera un débat lors de l'élection présidentielle : de quel système médiatique voulons-nous ? Voulons-nous une pluralité de ligne éditoriale ? Mais avec une pluralité doublée d'une exigence forte sur l'indépendance journalistique, sur le pluralisme de voix sur une même antenne et sur l'honnêteté de l'information. Ou bien laisse-t-on faire les conflits d'intérêts ? Laisse-t-on des médias être soumis à des logiques marchandes qui sont celles de leur propriétaire ? Vincent Bolloré est un cas particulièrement symptomatique, mais au delà, un cas extrêmement grave. Et c'est pour cela qu'il nous a semblé que sur ce point là, il y a une limite à poser, à ne pas franchir. Et pour cela, nous avons formulé des recommandations très claires.

NDLR : ces recommandations sont formulées sur le site de RSF accompagnant la publication du documentaire sur Vincent Bolloré.

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