Nombre d'églises parisiennes ne sont pas à la fête. Il y pleut, les oeuvres qu'elles contiennent s'abîment, les charpentes sont mangées par les vers et les champignons... La Madeleine, Saint-Augustin et La Trinité sont emmaillotées par de larges filets, des failles laissent passer l'eau à Saint-Philippe du Roule , Saint-Germain de Charonne est fermée au public car menacée d'écroulement, Notre Dame d'Auteuil voit ses peintures intérieures se dégrader lentement... Et ce n'est là qu'un échantillon parmi une bien longue litanie. Rappelons-le : lors de la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905, et tandis que ce même Etat rentrait en possession des cathédrales, les communes sont devenues propriétaires de toutes les églises édifiées avant cette date. C'est donc à la Ville de Paris qu'incombe l'entretien et la rénovation de ces édifices. Près de quatre-vingts. Quel avenir pour ces derniers ? Etat des lieux avec des membres du diocèse de Paris, ainsi que Dominique Pourtaud, adjointe au maire de la Ville en charge du patrimoine.
Sur le terrain
C'est dans le 8e arrondissement de Paris que Saint-Philippe du Roule dresse fièrement ses quatre colonnes. Une façade... qui n'en est réellement qu'une, car à l'intérieur, l'édifice fait grise mine... En compagnie de Vincent Vagne , sacristain de cette paroisse, visite guidée de l'église Saint-Philippe du Roule rendue à travers ce diaporama sonore :
Pour pallier momentanément les problèmes d'infiltration d'eau de cet édifice, la Mairie de Paris prévoit d'installer un parapluie géant à 700.000 euros sur sa toiture.

Pour autant, Jean-Marie Dubois , le curé de la paroisse Saint-Philippe du Roule, juge la situation préoccupante :
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La Ville de Paris, à la différence de la majorité des communes françaises qui ne possèdent qu'une seule église, est propriétaire de pas moins de 78 édifices religieux. Lourde tâche donc, que la sienne :
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Ce qu'on en dit au diocèse de Paris :

Philippe de Cuverville est directeur général des affaires économiques du diocèse de Paris .
Il s'exprime lui aussi sur l'état des églises parisiennes, déplorant que leur entretien ait été dédaigné au cours des dernières décennies :
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Photo © RF/ Hélène Combis-Schlumberger
Si l'entretien des murs et de la toiture des églises édifiées avant 1905 échoit à la Ville, dans quelle mesure l'Eglise catholique de Paris participe-t-elle à celui de ses lieux de culte ? Et à quoi sert le denier de l'Eglise ? "Tout le monde imagine que les paroisses sont très riches ", affirme Philippe de Cuverville. "Mais c'est un mythe ! " :
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Pour l'économe du diocèse, la situation particulière des églises parisiennes s'explique par une autre raison que le grand nombre d'églises dont la Ville a la charge : "Le problème vient du fait qu'il n'y ait qu'un seul interlocuteur. Quand vous êtes en province, * à part dans les grandes villes, et que vous vous adressez à la municipalité parce que l'église est en mauvais état, vous avez une municipalité et une église concernées. A Paris, il y a soixante dix-huit églises qui appartiennent à la Ville, et un seul interlocuteur.* "
Beaucoup de monuments, et une enveloppe de 66 millions d'euros que Philippe de Cuverville estime insuffisante, même dans un contexte de crise économique :
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Du côté de la Mairie de Paris

Danièle Pourtaud est l'adjointe au maire de Paris, en charge du patrimoine. Pour elle, avant tout, les églises ne sont pas des édifices cultuels mais "des chefs d’œuvre architecturaux qui renferment énormément d’œuvres d’art. Delacroix à Saint Sulpice par exemple, mais aussi des vitraux, des orgues... "
Danièle Pourtaud amorce l'entrevue en se félicitant des projets de rénovation déjà menés à bien par la Ville, évoquant fréquemment le cas de Saint-Sulpice. Si elle reconnaît que certains édifices sont dans un état de dégradation avancée, elle s'en dédouane largement :
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L'élue s'exprime sur les évolutions du budget consacré aux églises depuis la mandature de Jean Tiberi, ainsi que sur la marge de manoeuvre dont elle dispose pour le gérer :
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"Bien entendu le budget de la Ville de Paris doit tenir compte du contexte économique, mais les chiffres annoncés ne sont pour l’instant absolument pas remis en cause. ", garantit Dominique Pourtaud.
Précisons que l'actuelle mandature de la Mairie de Paris prendra fin en 2014. Et, lorsqu'on interroge celle-ci sur le nom des édifices concernés par les trente-trois gros chantiers évoqués… : "Il faut que les services refassent un point, très précisemment, sur les opérations qu'il convient de mener. "
Danièle Pourtaud se dit satisfaite des relations "cordiales et partenariales " qu'entretient la Mairie de Paris avec le diocèse, soulignant qu'elle effectue deux visites d'églises mensuelles :
"Il s'agit de rencontrer les curés afin de disctuter des urgences qui peuvent être reglées rapidement. En revanche, concernant les gros chantiers, nous avons des services à la Ville, un bureau des édifices cultuels très attentif et très compétent. Eux font des visites régulières, il y a une surveillance de tous les édifices par nos services et une planification sur plusieurs années des gros chantiers. "
Pas d'acrimonie non plus du côté du diocèse. Simplement, parfois, une certaine déception. Ainsi, le père Jean-Marie Dubois (Saint-Philippe du Roule), qui s'estime un peu lesé par "les choix politiques " de la Mairie de Paris et parle de* Paris Plage* et de Nuit Blanche avec une amertume pacifique, mais manifeste.Danièle Pourtaud lui répond :
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Et le mécénat dans tout ça ? Alors que la culture y fait de plus en plus appel (retrouvez notre dossier sur le financement de l'art) , ce dernier reste rare en ce qui concerne la restauration des églises :
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La gestion dans les autres grandes villes. L'exemple de Marseille
Soixante-douze. C'est le nombre d'églises et chapelles détenues par la ville de Marseille. Soit, seulement six de moins qu'en compte Paris. Alain de Bovis , économe du diocèse de la Cité phocéenne, s'exprime sur la situation de ces édifices :
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Le diocèse marseillais semble bel et bien satisfait de l'état de ses lieux de culte. Et pourtant, le budget alloué, équivalent à 8,5 millions d'euros (de 2001 à 2007), est bien moindre que celui que consacre la capitale à ses propres églises. Un constat qui tend à prouver, s'il en est besoin, que la dégradation du patrimoine religieux parisien est bien due au manque d'entretien dont il a été victime au cours des dernières mandatures.
Il n'empêche que pour certains, cela n'excuse pas tout : "Actuellement, la mairie ne fait que gérer l'urgence, ce qui aboutit à une mauvaise gestion. (...) 11,5 millions d'euros par an pour l'entretien des églises, c'est ridicule ! La mairie dit qu'elle manque d'argent, mais elle va consacrer 200 millions d'euros pour rénover le stade Jean-Bouin (...). Tout cela au bénéfice d'un club privé, le Stade français, dirigé par un ami de Delanoë ", s'invectivait Didier Rykner, directeur du site Internet de la Tribune de l'art, dans La Croix il y a un an.
Le débat est ouvert.
avec la contribution documentaire de Joanna Peel, étudiante en sciences politiques
L'émission Sur les docks enquête sur les "églises à vendre"