Législatives : les 4 leçons d'un scrutin inédit

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Législatives : les 4 leçons d'un scrutin inédit

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Emmanuel Macron au Touquet ce dimanche 11 juin
Emmanuel Macron au Touquet ce dimanche 11 juin
© AFP - Philippe Huguen

Le mouvement d'Emmanuel Macron arrive très largement en tête du premier tour des législatives, aussi marqué par une abstention record et un effondrement des partis traditionnels de gouvernement.

Le mouvement d'Emmanuel Macron, la République en marche, arrive très largement en tête du premier tour des législatives ( résultats). Il pourrait compter jusqu'à 455 sièges sur les 577 de l'Assemblée nationale à l'issue du second tour de dimanche prochain, selon les projections. Ce premier tour des législatives est aussi marqué par une abstention record et un effondrement des partis traditionnels de gouvernement.

1) Majorité absolue pour La République en Marche

Depuis l'inversion du calendrier électoral qui place les législatives après la présidentielle, cette dernière est devenue l'élection reine. La présidentielle "distribue les majorités" selon l'historien Gérard Grunberg, invité sur l'antenne de France Culture ce dimanche soir. Même lorsque le vainqueur de la présidentielle est à la tête d'une toute jeune formation politique. Ce premier tour confirme cette tendance.

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L'avantage de la République en Marche (LREM) est tel qu'Emmanuel Macron serait en mesure de se passer de ses alliés du MoDem pour faire passer ses lois.

Une hégémonie qui s'explique par le mode de scrutin qui a "l'avantage de donner des majorités" explique Gérard Grunberg. "L'inconvénient c'est qu'il peut parfois donner de telles amplitudes qu'un parti qui fait environ 30% des voix au premier tour peut se retrouver avec 70% des sièges".

La dernière estimation de notre partenaire Ipsos / Sopra Steria accrédite la République en Marche de 415 à 455 sièges.

Face à une telle hégémonie, la question des débats contradictoires se pose désormais. "Ce qui arrive quand un système domine, c'est que les oppositions se reportent à l'intérieur même de ce parti avec des oppositions entre ses différentes composantes" tempère Loïc Blondiaux, politologue et historien de la démocratie participative :

Le parti est le lieu finalement d'affrontement entre des composantes qui n'ont pas le même point de vue, et ça c'est la grande question pour la République en Marche : est-ce qu'il y aura de vraies oppositions politiques ?

2) L'effondrement du Parti socialiste se confirme

Ce premier tour marque un **"**recul sans précédent de la gauche dans son ensemble et notamment du parti socialiste" a rapidement commenté ce dimanche soir Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti Socialiste, lui même éliminé au premier tour dans sa circonscription parisienne. L'avenir du PS est en jeu selon Loïc Blondiaux :

La division de la gauche produit une hécatombe et va poser le problème de la recomposition, on ne pourra plus y échapper. Le parti socialiste, dans l'état actuel, est mort. La situation du PS qui essayait d'associer des perspectives économiques et des programmes différents n'était plus tenable.

3) Les Républicains, en deuxième position, dans l'incertitude

Au sein de la précédente Assemblée, les Républicains (LR) comptaient 197 députés. Au soir du premier tour, LR et leurs alliés UDI pourraient compter 70 à 110 sièges à l'Assemblée. François Baroin, qui a mené la campagne à droite, a expliqué ce résultat par "une abstention jamais vue depuis 1958".

Force est de constater que les Républicains et le Parti Socialiste, les deux partis de gouvernement, sont à un tournant de leur existence avec cette "élection de réalignement" comme la qualifie le politologue Loïc Blondiaux :

Cette élection provoque une rupture. Il est clair qu'elle va créer des ruptures durables après avoir montré l'incapacité des partis de gouvernement à former des militants, à produire des idées nouvelles.

LR et le PS étaient selon le politologue "des coquilles vides qui se contentaient de faire tourner la machine électorales". Et de conclure :

Qu'est-ce qu'il en ressortira au PS et LR ? On n'en sait rien pour l'instant mais c'est très important"

4) Le FN paie la défaite à la présidentielle

Le Front national pourrait ne pas avoir assez de députés pour créer un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Le FN est crédité d'un à dix sièges. Il en faut 15 pour disposer d'un groupe. On est loin des projections de 80 à 10 sièges faites par des responsables du FN il y a quelques semaines. L'extrême droite comptait jusqu'ici trois députés, dont deux issus du FN (Gilbert Collard et Marion Maréchal Le Pen).

Ce résultat plus faible qu'attendu est clairement une défaite. Le parti n'enregistre pas de progression par rapport à 2012. Les raisons sont multiples mais la principale semble être la large défaite de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, et le débat complétement raté du second tour de la candidate frontiste face à Emmanuel Macron. Depuis, Marine Le Pen et son parti ne sont plus vus comme une alternative crédible. D'ailleurs, le FN a largement pâti de l'abstention. Une donnée qui n'a pas échappé à Marine Le Pen qui a conclu son discours au soir du premier tour en rappelant qu'il était "fondamental de se déplacer pour voter" au second tour.

Confirmation du philosophe Frédéric Worms, auteur de Les maladies chroniques de la démocratie :

Le taux d'abstention est spécialement catastrophique pour le FN et la France insoumise (mouvement de Jean-Luc Mélenchon) dont une partie notable de l'électorat est composée de catégories populaires

C'est que Frédéric Worms qualifie d'abstention "différentielle" : "les catégories populaires vont moins aux urnes. La France insoumise et le Front national en souffrent".