
Tout à la fois peintre et ingénieur, intéressé autant par l'anatomie que par l'astronomie, Léonard de Vinci est né un 15 avril, en 1452. Une archive passionnante explore l'esthétique de l'un des plus célèbres peintres.
Son nom appelle immédiatement La Joconde ou encore La Cène. Artiste mystérieux et objet de légende, Léonard de Vinci est né, comme son nom l'indique, à Vinci en Toscane le 15 avril 1452. Il fut à la fois peintre, ingénieur militaire, concepteur de fêtes à la Renaissance, passionné autant par l'astronomie et l'anatomie, éternellement curieux. S'il y a bien des manières d'entrer dans son oeuvre, tant celle-ci est vaste, tentons de comprendre ici pourquoi la postérité a retenu plus particulièrement son activité de peintre.
En mai 1992, pour l'émission Une Vie, une oeuvre, la documentariste Pascale Charpentier lui consacrait un documentaire, dans lequel les critiques d'art Daniel Arasse et Marcelin Pleynet traçaient quelques aspects du talent de Léonard peintre. Tour d'horizon.
La légende Léonard de Vinci
Selon un sondage réalisé par la revue Beaux-Arts en avril 1992, Léonard de Vinci est l’artiste favori des Français. Au micro de la documentariste Pascale Charpentier, l'historien Daniel Arasse revient sur les raisons de ce succès :
Du XVIe siècle à nos jours : l'image de Léonard de Vinci
3 min
Durée : 3'14
Si l'on retient souvent la peinture comme art principal de Léonard de Vinci, l'historien rappelle une réalité en fait beaucoup plus riche. Car même s'il a peint tout au long de sa vie, il a également été ingénieur militaire et concepteur de grandes machines pour les fêtes de la Renaissance. Homme de cour, au service des princes de l'époque, ses recherches ont porté autant sur l'anatomie que sur l'astronomie, comme en témoignent ses Carnets. Mais très vite, dès le milieu du XVIe siècle, la légende se met en place, privilégiant son activité de peintre.
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L'historien souligne également combien la fascination pour Léonard de Vinci tient aussi au caractère extrêmement discret de l'homme : “Léonard de Vinci se cachait. Sa grâce extrême consistait à ne pas manifester ses humeurs, ses tempéraments". Sa représentation de lui-même ? Réponse avec son autoportrait :
Dans l’œuvre la plus intime qu’il puisse faire lui-même, il se présente sous le masque d’un philosophe antique.
L'éloge du regard
L'oeil, "fenêtre de l'âme" (Léonard de Vinci)
12 min
Durée : 12'44
Pour Léonard de Vinci, la peinture est un témoin de la connaissance du monde et du rapport de l'homme au divin. L’œil, dont il fait l'éloge, tient ainsi une place essentielle souligne Daniel Arasse :
[La peinture] est la synthèse de possibilités de démonstration qu'a l'homme de sa connaissance du monde et de la maîtrise qu'il a sur le monde. En donnant une image vraie du monde, l'homme démontre qu'il connaît ou maîtrise le monde, et qu'en tant que tel, il est bien au centre du monde, la créature privilégiée de Dieu.
Le peintre comme un intermédiaire entre le cosmos et l'homme. Un point que souligne également Marcelin Pleynet, rappelant toute l'importance de la lecture de Lucrèce sur l’œuvre de Léonard de Vinci :
Le corps en lui-même va se dissoudre. Il n'y a que le regard, et l'intelligence que le regard apporte qui peut lui donner une dimension susceptible de se supporter lui-même. Tout ce qui relève du corps et des humeurs est d'une certaine façon condamné. (...) C'est l'expérience qui passe par le regard qui permet de sauver l'homme de cette décrépitude. (...) Il a lu Lucrèce, il a lu le fait que le monde matérialiste chez Lucrèce est condamné à disparaître pour renaître son forme d'atomes, etc. Et il y a incontestablement chez Léonardo une mélancolie pour tout ce qui concerne le monde matériel, une mélancolie qu'il sublime à travers cet éloge du miroir, cet éloge de l’œil e,t bien entendu, à travers la peinture.
Le vu et non-vu chez : l'art du sfumato
Le vu et le non-vu chez Léonard de Vinci : l'art du "sfumato" et La Cène
7 min
Durée : 7'15
Parmi les apports très importants de Léonard de Vinci à la peinture, Daniel Arasse souligne l'importance du sfumato, cette technique qui "consiste à effacer la ligne de contour" . Pour lui, tout l'intérêt du sfumato réside dans cette tension entre la tradition de la question du contour et la recherche de la vie en peinture :
Le sfumato vient d’une grande tradition telle que Pline [l'Ancien] la rapporte : la question du contour est le suprême subtilité de la peinture. Parce que, si le contour est trop visible, il créé une rupture dans l’image. Alors que, si le contour n’est pas visible - et la formule est de Pline - la peinture promet même ce qu’elle ne montre pas. Il y a donc une possibilité de suggestion extraordinaire de la peinture par ce qu’elle cache. (...) Quel est l'enjeu du sfumato à la fin du XVe siècle ? C'est l'idée de suggérer que l'image est vivante. On rejoint le problème de la grâce de [Giorgio] Vasari qui dit : "la grâce est ce qui surgit entre le vu et le non-vu, et que possèdent les choses vivantes.”
Autre tension entre le vu et le non-vu, Daniel Arasse, évoquant La Cène, et la représentation du traître :
Léonard de Vinci est le premier à mettre Judas avec les apôtres. (...) Ce que Léonard de Vinci a inventé, entre autres choses, c’est la figuration du traître : comment représenter quelqu’un qui se cache.”

Léonard de Vinci et ses contemporains
Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël
7 min
Durée : 7'01
Si Daniel Arasse évoque les relations difficiles entre Léonard de Vinci et Michel-Ange, Marcelin Pleynet insiste pour sa part sur la différence entre sa peinture et celle de Raphaël :
Ce qu'il y a d'extraordinaire chez Raphaël, c'est qu'on ne sent pas l'effort. Tout vient tout seul. La perfection est absolue, mais l'effort pour la conquérir n'est jamais perceptible. (...) Chez Léonard de Vinci, on sent, au contraire, que la perfection, il la sait inatteignable. Par conséquent, il la fuit. Il y a toujours une fuite en avant, une volonté de fuir à tout ce qui fermerait le tableau et qui limiterait le monde de l’œuvre d'art à la surface de la toile.
Léonard de Vinci en quelques tableaux
Et pour finir, place aux tableaux du maître, le tout en archives radiophoniques :
- La Joconde (Histoire de peintures, Daniel Arasse)
- L'Adoration des mages (Histoire de peintures, Daniel Arasse)
- La Saint-Anne (La Fabrique de l'Histoire, un documentaire de Perrine Kervran et Anne Fleury)